REDITE SYSTÉTMATIQUE… Nouvelle production où Warlikowski fait du Warlikowski... Relecture pseudo psychologique [et même avec références oedipienne freudienne] qui entend dévoiler la psyché [surtout déjantée délirante] des héros verdiens; il nous sert donc des personnages écorchés, aux comportements pathologiques, parfois déroutants c’est à dire d’une indécence volontiers trouble voire gênante [c’est avec d’autres « scénographie », sa marque délectable] : déconstruire et décortiquer les héros, les démonter pour mieux les dénoncer… [quitte à les dénaturer]. Ainsi à force de réalisme cru, complaisamment déployé (jusqu’à l’écœurement avec ses bébés et ses enfants obsessionnels), Warlikowski étouffe le délire fantastique de la partition et lui ôte ainsi son souffle shakespearien. Dommage.
En cela le metteur en scène a trouvé chez VERDI, un sujet désigné, signe de son emprise. Les Macbeth qui ne sont guère qu’un couple dintrigants malfaisants et criminels sont présentés voraces et obstinés dans une course aux crimes, pourvu qu’ils mènent au pouvoir. DUNCAN, BANCO… sont autant de victimes immolées sans scrupule ni vergogne. L’intéressant ici était ce qui inspire VERDI : la culpabilité des meurtriers et l’œuvre du remords. C’est à dire un théâtre qui dévoile peu à peu l’envers du décor, révélant la fragilité irréversible des bourreaux assassins.
À mesure que l’ascension sanguinolente et gore se réalise, on sent bien que leur chute sera au diapason ; de la soif de puissance au délire irrationnel puis au suicide halluciné, voilà un arc passionnant toujours éloquent musicalement et qui trouve son apogée dans la fameuse scène de somnambulisme où celle qui fut la triomphante Lady Macbeth paraît détruite, rongée par le poids de ses actes. Tôt ou tard, il faut payer pour ses méfaits.
Tous les effets visuels bien choquants qui n’expriment pas en définitive une vision globale synthétique sur le délire shakespearien de l’action paraissent bien anecdotiques, face à la réussite musicale et vocale, de premier plan ; d’autant que souvent au regard des excès scéniques voulus par Warlokowski, on se dit qu’ils sont d’autant plus incongrus ou redondants, que la force et la subtilité de l’Orchestre pourvoient à tout climat expressif. Comme si la musique de VERDI avait constamment besoin de signaux visuels pour comprendre les enjeux de chaque scène. Le point de vu est évidemment celui d’un homme de théâtre.
Sous la direction remarquable de Philippe Jordan qui aura marqué la direction musicale dans la fosse de l’Opéra de Paris, entre élégance et vivacité avec cette mesure délectable dans l’urgence intérieure, deux solistes se distinguent nettement et hissent cette production à son meilleure, marquant définitivement l’histoire récente de Salzbourg.
Asmik Grigorian fait une Lady Macbeth totalement fascinante ; vocalement au format de ce rôle impossible [comme peut l’être la Turandot de Puccini]… Aigus généreux et leonins, médium large et expressif, chaque sentiment chaque nuance émotionnelle de cette tigresse opportuniste, est magnifiquement exprimé dans la finesse et l’intelligence. Son incarnation est somptueuse et brille par sa justesse intuitive. C’est pour la diva une confirmation de ses dons et une seconde consécration après l’été dernier, où ses 3 rôles assumés dans le Trittrico de Puccini, confirmaient une chanteuse superlative.
La lionne qui rugit et sait séduire fait évidemment de l’ombre à son époux sur scène, le Macbeth de Vladislav Sulimsky ne dément ps cette direction. Il est moins nuancé et plus lisse voire monolithique et brut en début de soirée ; ce qui souligne pente dommageable, un rien réductrice, le caractère secondaire et velléitaire d’un homme ambitieux mais qui manquant de courage, a besoin d’un aiguillon pour le pousser. Pas sûr que Verdi se soit satisfait d’un tel personnage, surtout lorsque l’on sait que les rôles de barytons l’ont toujours passionné et quel soin il apporte à leur partie [de Germont à Bocanegra, de Skandar à Falstaff…].
Déjà remarqué par son premier cd bluffant édité chez DG [CLIC de classiquenews], le ténor chilien Jonathan Tetelman, véritable étoile montante, éblouit tout autant la scène Salzbourgeoise. Son
Macduff [début du IV] est d’un raffinement superlatif : style, souffle, engagement à l’avenant… Placido Domingo à ses débuts, avait débuté de la même façon… On souhaite au ténor la même réussite. Son chant fait surgir la voix d’une humanité pleine d’espoir, issue et délivrance d’autant plus appréciées après les 3 actes barbares qui ont précédé.
En fosse, Philippe Jordan soigne chaque accent d’un VERDI plus chambriste que rageur mais qui maîtrise tensions et détentes dramatiques ; les chœurs sont engagés et particulièrement à propos sous la baguette attentive d’un grand chef lyrique. Production mémorable pour Les premiers solistes, le chef et les instrumentistes. Photos : © Bernd Uhlig / SF 2023
VOIR en REPLAY Macbeth de Verdi avec Asmik Grigorian, Salzbourg août 2023 : https://www.classiquenews.com/streaming-opera-arte-verdi-macbeth-salzbourg-2023-asmik-grigorian-vittorio-grigolo-krzysztof-warlikowski/
VIDÉO :
https://www.salzburgerfestspiele.at/en/p/macbeth-2023#&gid=1&pid=1
Distribution :
Asmik Grigorian (Lady Macbeth)
Vladislav Sulimsky (Macbeth)
Tareq Nazmi (Banco)
Caterina Piva (Femme de chambre de Lady Macbeth)
Jonathan Tetelman (Macduff)
Evan LeRoy Johnson (Malcolm)
Aleksei Kulagin (Médecin)
Grisha Martirosyan (Serviteur de Macbeth)
Hovhannes Karapetyan (Assassin, Héraut)
Mise en scène : Krzysztof Warlikowski
Direction musicale : Philippe Jordan
Wiener Philharmoniker
Angelika Prokopp Sommerakademie der Wiener Philharmoniker
Production présentée 6 fois, du 29 juil au 24 août 2023, Grosses Festspielhaus SAZLBOURG 2023 – plus d’infos sur le site du Festival de Salzbourg / Salzburg Festspiel 2023 : https://www.salzburgerfestspiele.at/en/p/macbeth-2023
