Pour la 4ème fois, l’Orchestre de la Suisse Romande organise un mini festival (les 17/18/19 août cette année) dans le cadre bucolique de Genève-Plage, où le public est invité à venir l’écouter muni de son picnic, en s’installant sur la vaste pelouse qui borde le Léman à cet endroit-là.
Une grande scène est installée au bord du Lac, et les concerts sont sonorisés pour un confort d’écoute maximisé. Pour le concert symphonique d’ouverture (tandis que le deuxième était consacré aux musiques des films d’Hitchcock, et le troisième aux grands standards du Jazz avec un hommage à Ella Fitzgerald), l’OSR a invité le violoniste coréen Inmo Yang à se produire, et la cheffe française Lucie Leguay (“Révélation chef d’orchestre” aux dernières Victoires de la Musique Classique !) à le diriger.
Une soirée symphonique (et bucolique) réussie au 4ème Festival de l’OSR à Genève-Plage !
Destinés à toucher tous les publics, ce sont les grands tubes du répertoire qui résonnent tout au long d’un concert qui débute à 20h45 pour finir peu avant 22h, avec comme mise en bouche le poème symphonique “Dans les steppes de l’Asie centrale” d’Alexandre Borodine. Avec ses mélodies envoûtantes et son ambiance rêveuse, cette pièce constitue un très beau début de programme, et une belle occasion pour les solistes de l’harmonie, très en verve, de se mettre en valeur, tandis que la jeune cheffe parvient sans peine à créer le climat nostalgique et mystérieux qu’appelle l’ouvrage russe.
Avec le “Zigeunerweisen” pour violon et orchestre op. 20 de Pablo de Saraste qui fait suite, le violoniste Inmo Yang confirme d’emblée sa nature de violoniste d’exception, en tirant de cette pièce un maximum d’intensité expressive et en y déployant toute sa virtuosité tout à tour poétique et enthousiaste : il y donne par ailleurs l’impression d’une constante improvisation, parsemée de nombreux rubati en parfaite adéquation avec cette évocation de la musique tzigane. Dans ce morceau, c’est une véritable joie non seulement d’écouter le jeu très intériorisé de ce merveilleux musicien, mais également le commentaire extrêmement chaleureux, aussi soigné que constamment attentif, de la phalange suisse.
Le virtuose chinois réitère ses prouesses au travers de la non moins célèbre rhapsodie “Tzigane” de Maurice Ravel. Initialement conçue pour violon et piano, la version avec orchestre apparut le 30 novembre 1924 aux Concerts Colonne sous la direction de Gabriel Pierné. Le soliste illumine cette partition par autant de sensualité que de verve, même si le brio se hisse ici à égalité avec la poésie et la richesse des couleurs qu’appelle ce morceau. Cette dernière particularité concerne également l’OSR qui, placée sous la baguette électrisante de Lucie Leguay, ne manque pas de surprendre par des interventions aussi sophistiquées qu’éclatantes d’énergie.
D’énergie ou de tendresse, les Deux Danses Slaves N°2 et N°4 d’Antonin Dvorak n’en manquent pas non plus, et elles mettent en valeur la richesse de l’orchestre capable de nuances exquises, de couleurs variées et de beaucoup de précision rythmique. L’adaptabilité de chacun des musiciens à ces Danses si riches en éléments folklorique, en subtilités rythmiques et en variétés de style, est parfaite. Les deux partitions de Dvorak sont emplies de splendeurs et pourtant tout semble simple et facile à l’écoute : fluidité des lignes et la délicatesse des phrasés sont ici un enchantement. Et pour clore cette courte mais festive soirée, Lucie Leguay offre au nombreux public, formant un éventail tout autour de la scène, des extraits des Suites N°1&2 de “Carmen” de Georges Bizet. La cheffe et l’OSR en exaltent toute la fraîcheur d’inspiration, la légèreté mélodique et la vigueur rythmique. Les vents, les cordes et les percussions étincellent de couleurs dans une interprétation qui séduit par ses nuances et ses contrastes marqués. L’Intermezzo fait la part belle à la petite harmonie dans un dialogue très poétique avec la harpe, avant que la Séguedille, Les dragons d’Alcala et Les toréadors ne nous entraînent dans une feria sonore… qui gagne le public qui tapent des mains et fredonnent des airs que tout le monde connaît !
Une soirée très réussie dans la douceur d’une nuit d’été lémanique particulièrement appréciée après la canicule de la journée où le thermomètre avait frôlé avec les 36 degrés dans le centre de Genève !
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CRITIQUE, concert. GENEVE, Pelouse de Genève-Plage, le 17 août 2023. BORODINE / SARASTE / DVORAK / RAVEL / BIZET. I. Yang (violon) / Orchestre de la Suisse Romande / L. Leguay (direction). Photos © Emmanuel Andrieu
VIDÉO : l’Orchestre du Bolchoï de Moscou joue “Dans les steppes de l’Asie centrale” de Borodine