mardi 13 mai 2025

CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Grand-Théâtre Massenet, le 11 mai 2025. SAINT-SAËNS : Samson et Dalila. F. Laconi, M. Gautrot, P-N. Martin… Immo Karaman / Guillaume Tourniaire

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

L’Opéra de Saint-Étienne renoue avec Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, une œuvre absente de sa scène depuis 2008, sous la direction artistique du regretté Jean-Louis Pichon. Cette nouvelle production, importée d’Allemagne (Theater Kiel) et mise en scène par Immo Karaman, se distingue par une esthétique épurée, où le noir et le blanc dominent, créant un jeu de contrastes saisissant.

 

La scénographie, minimaliste, repose sur une structure courbe polyvalente évoquant tour à tour une place publique, un temple ou une geôle. Quelques chaises, tables et armoires – telles des portes vers l’invisible – suffisent à suggérer les lieux, tandis que les éclairages de Pascal Noël jouent un rôle clé, alternant entre ténèbres oppressantes et lueurs éblouissantes pour souligner les conflits. Les costumes renforcent cette dualité : les Hébreux, vêtus de noir, s’opposent aux Philistins en blanc, symbolisant l’affrontement entre opprimés et oppresseurs. La tension dramatique est portée par une direction d’acteurs précise et des chorégraphies dynamiques signées Fabian Posca, où les danseurs incarnent avec force les passions du récit, des mouvements lents aux emportements fiévreux, créant des images aussi puissantes que photogéniques.

Mais la superbe distribution réunie ce soir à Saint-Etienne (par Eric Blanc de la Naulte et son bras armé François Bernard), n’est pas en reste, à commencer par le Samson à toute épreuve et superlatif de Florian Laconi qui, un mois après son non moins saisissant Sigurd (de Reyer) à l’Opéra de Marseille, se positionne comme notre ténor héroïque national (aux côtés du vétéran Roberto Alagna bien sûr…).  Il se montre ainsi capable de maîtriser la tessiture de bout en bout sans l’ombre d’une fatigue, tandis que le timbre est projeté avec incroyable insolence, doublée d’une diction tout à fait satisfaisante. Le sublime air de la meule, “Vois ma misère”, phrasé avec beaucoup de nuance, est l’un des temps forts de la soirée. Face à lui, grande habituée du rôle de Dalila, la mezzo Marie Gautrot séduit également l’auditoire stéphanois dès son premier air “O mon bien aimé”, et plus encore dans “Printemps qui commence”, chanté avec un respect des annotations et de l’alternance du piano/forte qui force le respect ! Sa voix dense, d’une palette extrêmement variée, possède la projection nécessaire dans “Samson recherchant ma présence”, ainsi que dans le duo avec le Grand Prêtre où Saint-Saëns a appris la leçon de l’affrontement entre Ortrud et Telramund ; elle a surtout le mordant et cette autorité rageuse que toute Dalila se doit de posséder, mais sait également retrouver l’accent.

De son côté, le baryton français Philippe-Nicolas Martin s’avère un impressionnant Grand Prêtre de Dagon, à la fois par la précision de sa diction que par son art de la déclamation. Le baryton-basse français Alexandre Baldo impose des qualités analogues en Abimélech, tandis que le jeune Louis Morvan est tout bonnement un luxe dans le personnage du Vieil Hébreux, tant il confirme à nouveau sa position de basse française la plus prometteuse du moment (après ses interventions à l’Opéra de Nice en mars ou celui de Clermont-Ferrand en avril) ! 

Côté musique, l’évidence du chef d’œuvre s’impose dès les premières mesures données par le chef Guillaume Tourniaire, placé à la tête de l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire : la magnifique plainte des contrebasses, puis le chœur des Hébreux “Ecoute la prière de tes enfants”. De cette extraordinaire partition – notre préférée dans le répertoire français aux côtés des Troyens de Berlioz – le chœur, personnage collectif, et l’orchestre, à la somptueuse instrumentation, appellent un maître d’œuvre, et il conviendra de louer la direction du chef français, souple, précise, naturelle surtout, faisant respirer la musique. La phalange stéphanoise sonne tout en finesse et en transparences, parfaitement apte à exprimer toute la sensualité de la partition de Camille Saint-Saëns. Enfin, le Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire se couvre également de gloire, aussi poignant de délicatesse dans “Hymne de joie, hymne de délivrance” qu’héroïque dans “Israël, romps ta chaîne !”.

 

 


 

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CRITIQUE, opéra. SAINT-ETIENNE, Grand-Théâtre Massenet, le 11 mai 2025. SAINT-SAËNS : Samson et Dalila. F. Laconi, M. Gautrot, P-N. Martin… Immo Karaman / Guillaume Tourniaire. Crédit photographique © Cyrille Cauvet

 

 

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