dimanche 8 décembre 2024

CRITIQUE, opéra. REIMS, le 16 déc 2022. Thomas NGUYEN : Xynthia, création – Collectif Io

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En réalité sous le titre climatique, se déroule une action théâtrale : un drame  scandaleux où la vérité pourtant dévoilée, est tue, détournée au profit d’investisseurs parfaitement cyniques, menteurs, immoraux ; la pièce juste et visionnaire d’Ibsen [« l’ennemi du peuple », 1883] dont s’inspire le compositeur Thomas NGUYEN, impose son tempo et son réalisme glacial :  l’opéra dont il est question associe deux narrations : piètre comédie humaine et préservation de l’eau laquelle va son cycle qui dépasse le petit destin des hommes ; cette société qui a, dit on, une « conscience collective » pour mesurer les vrais enjeux ; ici en l’occurrence les petits profits d’une société de bains et l’élu de la ville qui maquillent froidement les résultats d’une analyse de l’eau thermale pourtant toxique au plus haut point [riche en bacilles, amibes, sulfate de chrome… sublime cocktail!] ; inimaginable de fermer l’établissement : que deviendront leurs profits et de quoi vivra la ville sans les touristes curistes ?

 

 

École du cynisme
et hypocrisie démocratique

 

L’école du cynisme fait son œuvre et épingle avec délices l’hypocrisie démocratique : il y est clairement critiqué le fonctionnement où règne la « majorité compacte » qui certes décide et a le pouvoir mais ne détient pas forcément la vérité ; cas d’école à méditer ? Surtout qu’ici l’agent révélateur, sorte de lanceur d’alerte, moralement indiscutable, celui qui dévoile la vérité [le docteur Tomas Stockmann] est empêché de s’exprimer… Sa sincérité qui ne défend que le bien public et la sécurité [sanitaire] des citoyens sont peu à peu détruites confrontées à la duplicité des petits politiques qui soufflent sur les braises pour se placer et ostraciser l’agent révélateur en le diabolisant ; sans omettre des médias autoproclamés objectifs qui deviennent « médiateurs objectifs » pour mieux taire la vérité et étouffer le scandale.

L’opéra va loin dans sa dénonciation politique et sociale ; il est heureux que le spectacle soit le sujet d’actions pédagogiques auprès des scolaires. Le drame dont il est question suscite bien des réflexions sur le fonctionnement de la société ; sur l’action des intérêts en jeu ; sur la facilité qu’ont certains à manipuler, falsifier, décider pour les gens au nom de leur défense…
Nos démocraties s’épuisent sous les coups des crapuleux et des corrompus ; il n’y a que la vérité qui pèse. Le seul étalon qui a de la valeur. Même empêchée, tôt ou tard elle sort du puits.

 

 

 

 

Création à l’Opéra de Reims

Thomas Nguyen s’engage pour l’eau et la vérité
Xynthia, un opéra qui dénonce

 

 

Crédit © Florent Mayolet Photographies

 

 

 

 

L’intérêt du drame réside aussi surtout dans la musique. Les 5 instrumentistes [dirigé par Yann Molénat au Fender Rhodes] placés sur la scène et qui n’hésitent pas à participer à l’action [pour la conférence de Tomas, laquelle devient assemblée générale où sa parole est confisquée] défendent la diversité sonore de la partition, riche en caractérisation et climats contrastés, dès le prélude et sa vibration « cosmique » …. jusqu’à la vague finale et sa vaste emprise mortelle.

Ondes martenot, timbre ondulant liquide de la harpe et du cristal Baschet ; stridences ciselées des deux clarinettes [en si et basse] … très sollicitées dans leur jeu expressif [évocation des mouettes, marche fanfaronante des bonimenteurs à la barre qu’il s’agisse de la directrice du journal qui devait publier les analyses en question, ou de la maire décidée à répondre et minimiser l’alerte coûte que coûte…]. L’écriture de Thomas NGUYEN sait être expressive et onirique jouant beaucoup sur les nappes harmoniques des instruments requis. Il offre une parure musicale efficace à ce drame essentiellement sociétal et politique où le sujet de l’eau est une toile de fond, même si la vague submersive, claire référence à la tempête Xynthia [dont le récit emblématique de la catastrophe à la Faute sur mer en fev et mars 2010], renverse en fin d’action, la perspective dramatique.
La figure de Xynthia, déesse grecque de la nature [Cynthia / Artemis – incarné par le danseur], précise la situation et la réponse de la nature toujours flouée, toujours sacrifiée. On regrette cependant que le thème précis de la rareté de l’eau et sa valeur précieuse inestimable ne soient pas clairement intégrés à l’action.

Vocalement la distribution est convaincante et plutôt homogène : la fille de Tomas, Tomas lui-même, le journaliste présent, hyperactif et totalement immoral, la Maire aussi qui représente sans démordre l’intérêt de la société des bains plutôt que la santé de ses administrés.

En dehors de la réalisation artistique, la production défend un projet écologique (réduction minimale de son empreinte carbone) dont tous les éléments ont été conçus dans ce sens.
À l’heure où 5 grandes institutions lyriques entre France et Belgique disposent des moyens concrets pour réussir écologie et création [lire notre dépêche du 16 déc lancement du « collectif de 17h25 »], le spectacle Xynthia s’inscrit naturellement dans ce sillon exemplaire et visionnaire. Obligeant à une prise de conscience, dénonciateur et très juste, l’opéra ainsi créé est à découvrir absolument. Les prochaines dates du spectacle, engagé, humaniste, écologique sont incontournables [annoncé à Metz, Opéra-Théâtre, les 9 puis 10 février 2023]. Plus d’infos ici : https://www.collectif-io.fr/spectacles/xynthia-lodyssee-de-leau/

 

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. REIMS, le 16 déc 2022. Thomas NGUYEN : Xynthia, créationCollectif Io – Photo, illustration :  © Collectif Io

 

 

distribution

direction musicale : Yann MOLÉNAT
mise en scène : Mikaël SERRE

Interprètes
Petra Stockmann : Emmanuelle JAKUBEK – soprano
Stockmann / Alaksen : Stéphanie GUERIN (mezzo-soprano)
Billing : Fabien HYON (ténor)
Tomas Stockmann : Halidou HOMBRE (baryton)
Horster / Artémis / L’Eau : Sébastien LY (danseur)
Le Messager du Peuple : Alix RIEMER (comédienne)

Musiciens
Clarinettes : Juliette ADAM
Cristal Baschet et Ondes Martenot : Thomas BLOCH
Harpe : Pauline HAAS
Percussions et électroacoustique : Pierre TANGUY
Fender Rhodes et direction : Yann MOLENAT

 

 

 

 

 

 

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LIRE aussi notre présentation annonce de Xynthia de Thomas Nguyen, création à l’Opéra de Reims : https://www.classiquenews.com/reims-opera-creation-thomas-nguyen-xynthia-lodyssee-de-leau-ven-16-dec-2022/

 

En LIRE PLUS : https://www.collectif-io.fr/spectacles/xynthia-lodyssee-de-leau/

 

 

 

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