lundi 24 mars 2025

CRITIQUE, opéra. OPÉRA GRAND AVIGNON, le 15 octobre 2024. VERDI : La Traviata. Julia Muzychenko, Jonas Hacker, Serban Vasile… Chloé Lechat / Federico Santi. 

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 Chloé Lechat a fouillé son approche de la famille Germont. Alors que Giuseppe Verdi expose vocalement le père et le fils (Rodolfo), la metteure en scène fait paraître physiquement la fille (qui pourtant n’est pas un rôle vocal, mais est juste citée dans le livret) : après tout c’est bien parce que son mariage risque d’être entaché que toute l’action se réalise ici même et contraint Violetta au sacrifice ultime.

 

N’est ce pas au nom de la morale bourgeoise et de la respectabilité qu’il est exigé à La Traviata de renoncer au seul amour de sa vie, le plus sincère, le plus miraculeux pourtant ? Ainsi cette figure féminine qui rappelle l’enjeu central occupe-t-elle régulièrement la scène, avec également l’aïeule qui traverse la scène en fauteuil roulant… Du reste, la victime Violetta Valéry, toute courtisane soit-elle, est expédiée sine die, sans ménagement, en particulier à l’acte III, où seule, abandonnée dans un Paris sinistre, une sépulture, pierre funéraire glaçante à jardin, lui est réservée… D’aucuns trouveront trop décalés ces signes visuels qui s’invitent sans ménagement et font effectivement de l’héroïne, Violetta, la seule victime sacrificielle du drame verdien. Pour autant la musique ne se suffit-elle pas pour en exprimer ce que la scénographie surligne parfois avec une insistance qui agace ?

 

Fort heureusement la distribution et la direction musicale sont elles … au sommet. L’avantage ici est l’âge de chaque soliste qui correspond de facto à chaque personnage conçus par Alexandre Dumas fils. La vérité, la justesse du chant et de la couleur vocale, l’incarnation de chacun réalisent sur les planches, un sans faute qui s’avère des plus convaincants. Après Olympia, Gilda ou Amina, Julia Muzychenko affirme un tempérament exceptionnellement riche et nuancé. Sûreté technique, beauté rayonnante d’un timbre flexible, juvénilité naturelle, la soprano russe saisit immédiatement par sa force tragique et sa candeur morale. Son sacrifice et toute sa trajectoire jusqu’à sa mort, sont autant de jalons éprouvants d’une descente psychologique bouleversante (déchirant « Addio del passato » de la jeune courtisane définitivement détruite et dépossédée). Même ardeur rafraîchissante pour l’Alfredo du ténor Jonas Hacker qui réussit ce soir son défi verdien car le chanteur ne nous a pas habitué à ce répertoire. Le chant est constamment naturel et vrai, le texte d’une évidence dramatique rare, le souci du beau chant idéalement partagé avec sa formidable consœur.

 

Leur sacrifice est d’autant plus déchirant que Germont père a toutes les qualités de la sincérité lui aussi : Serban Vasile tout en tendresse et noblesse fouille la complexité du personnage, ailleurs si souvent monolithique. Il se montre très proche voire compréhensif à la douleur sacrificielle de Violetta dans leur grand duo décisif du II. Le drame convainc grâce à la vraisemblance et la présence toute en nuances de chaque chanteur / acteur. D’autant que tous les comprimari partagent sans exception ce souci de la précision et de la sincérité : Albane Carrère (Flora), Sandrine Buendia (la camériste Annina), Geoffroy Buffière (le docteur Grenvil au III). Même le chœur excellemment préparé participe activement et lui aussi tout en finesse, à la vérité de chaque tableau.

 

 

En fosse, l’Orchestre National Avignon-Provence se perfectionne en cours de soirée, trouve les accents justes, la profondeur, la vérité sous la baguette attentive de Federico Santi, chef associé de l’Opéra Grand Avignon. La partition de Verdi rayonne au fur et à mesure de l’action – et de la lente et inéluctable descente aux enfers de Violetta. Des vertiges illusoires de la vie de courtisane, à la solitude finale, dans la misère de la mort. Et pour laquelle, rien n’aura été épargné. Une production vocalement et musicalement bouleversante.

 

Toutes les Photos © Studio Delestrade Avignon

 

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CRITIQUE, opéra. OPÉRA GRAND AVIGNON, le 15 octobre 2024. VERDI : La Traviata. Julia Muzychenko, Jonas Hacker, Serban Vasile… Chloé Lechat / Federico Santi.

 

VIDEO : Extrait de « La Traviata » de  Verdi : Choeur « Noi siamo le zingarelle » (Opéra de Paris)

 

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