Grande soirée lyrique à l’Opéra de Massy qui accueille une production clé en main [Compagnie Opéra 2001] à laquelle les forces locales apportent leur implication manifeste dont l’Orchestre de l’Opéra de Massy qui sous la direction détaillée et très construite de Constantin Rouits convainc par sa tenue expressive idéale, d’une indéniable progression dramatique, faite aussi d’élégance, de finesse [qualité d’autant plus appréciée chez Bellini qu’elle est essentielle chez lui].
Les deux actes s’enchaînent sans faille, dévoilant peu à peu la situation psychologique de plus en plus intenable pour la prêtresse NORMA. La réalisation musicale ce soir permet de mesurer les qualités du théâtre bellinien, synthèse plus virile de la virtuosité rossinienne et génie dramatique qui préfigure évidemment Verdi.
L’écriture bellinienne révèle une rare efficacité et surtout au cœur de l’action, l’admirable entente entre les femmes, ici les prêtresses gauloises NORMA et Adalgisa amoureuses du même homme, le romain Pollione ; mais qui en réalité affrontent et dénoncent ensemble, cœurs attendris et unis dans la douleur, l’indigne séducteur dont elles sont les victimes.
D’autant qu’ayant prononcé ses vœux sacrés, la novice Adalgisa comme NORMA a trahi le serment de sa caste : elle est même pendant toute l’action dévorée par la culpabilité.
Pour incarner ce duo féminin parmi les plus bouleversant du répertoire, Bellini a élaboré deux sublimes duos [fin du I, début du II] où il sculpte chaque partie pour la rendre complémentaire de l’autre, dans une alliance de timbres qui promet une fusion admirable. A la création scaligère de décembre 1831, Bellini avait su réunir deux étoiles légendaires du chant romantique italien, Giuditta Pasta et Giulia Grisi.
A l’Opéra de Massy, Chrystelle di Marco
splendide Norma,
Impétueuse et fragile…
Norma et les guerriers gaulois prêts à en découdre et vaincre les romains
Ce soir les spectateurs de la première distribution peuvent mesurer l’aplomb et la solidité de la soprano Chrystelle Di Marco, dont l’émission puissante se met au service d’une accentuation toute en nuances. L’art de l’actrice et de la tragédienne est accompli ; il se révèle toujours juste. Qu’il s’agisse de l’amoureuse trahie, de la mère tiraillée par le désir de tuer ses deux fils pour se venger du père qui l’a trahi, de la prêtresse dominatrice et sanguinaire même, prête à conduire son peuple gaulois dans la guerre totale… les qualités de la cantatrice s’imposent avec une sincérité dans chaque intention ; telle intensité force l’admiration. CHRYSTELLE DI MARCO construit son personnage avec une énergie délectable, sachant surtout maîtriser les nuances et les accents en situation.
Ses imprécations furieuses, puis sa profonde bonté d’âme, ses pulsions instinctives, enfin sa hauteur morale sont excellemment incarnées ; la chanteuse mettant toute sa technique au service du drame, éclairant chaque séquence d’une couleur émotionnelle très juste.
Jusqu’au sacrifice final où la droiture morale de NORMA inspire alors à celui qui l’a abandonnée [elle et ses deux fils], le traître Pollione, de la suivre dans les flammes sacrificielles.
A ses cotées, l’Adalgisa de Leonora Ilieva ne manque pas de rondeur cuivrée en particulier dans les graves qu’elle projette naturellement, s’accordant au timbre de Chrystelle di Marco dans leurs duos.
Même s’il affiche une étonnante santé vocale, le ténor Jean-François Maurras campe un Pollione rien que vaillant, toujours ardent, trop avare à notre goût en nuances et complémentarité émotionnelle avec ses partenaires féminines. Le trio du II est chanté avec une intensité étrangère à toute écoute vers ses deux femmes dupées, posture qui écarte volontiers la sensibilité et l’humanité pour l’éclat permanent des décibels.
Le chœur Coro Lirico Siciliano apporte sa couleur homogène et une présence indiscutable [quand tous s’approchent du bord de scène, face au public, motivés par NORMA pour vaincre les romains…].
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CRITIQUE, opéra. OPÉRA DE MASSY, le 25 avril 2024. BELLINI : Norma. Chrystelle di Marco, Jean-François Marras… Orchestre de l’Opéra de Massy, Coro Lirico Siciliano, Constantin Rouits / Aquiles Machado – Photo : Norma à l’Opéra de Massy © Jean Vermeulen
TEASER VIDÉO : Norma à l’Opéra de Massy (avril 2024)