A la fin, Titus n’est pas du tout clément : il ne pardonne à personne… et se suicide ! A part le fait que la metteuse en scène néerlandaise Jetske Mijnssen n’a pas pris le temps de lire le titre de l’opéra pour arriver à une telle scène finale, la Clémence de Titus de W. A. Mozart donnée à l’Opéra de Monte-Carlo hier soir est une réussite. Car – et c’est le principal ! – la distribution vocale est superbe avec, au centre, Cecilia Bartoli, aussi brillante en cantatrice qu’en directrice de l’institution monégasque. Et, à la fin, c’est Mozart qui gagne !
La mise en scène, déjà vue à Copenhague et Hambourg, transpose l’histoire dans notre monde moderne : Titus et ses sénateurs sont en costard-cravate. Et c’est avec un revolver sorti de sa poche à la fin, que cet empereur romain en tenue de PDG. du CAC. 40 menace ceux qui l’ont trahi… et se tue. Le propos de la metteuse en scène est clair : faire un spectacle sur la folie intemporelle du pouvoir. Le pouvoir rend fou, on le sait depuis toujours. Il n’y a qu’à voir l’actualité internationale ! Pour être sûr qu’on comprenne son histoire, la metteuse en scène écrit en grosses lettres sur le mur de l’unique décor les mots évoquant l’avancée de l’action : « Delizia », « Tradimento » et « Clemenza ». Cela ne rend pas la mise en scène davantage convaincante. Mais une chose est certaine : elle ne nuit pas à la musique. Et c’est bien là le principal…
Côté distribution, nous l’avons dit, c’est un régal. On trouve, au centre, Cecilia Bartoli. Elle est la musique-même, incarnant le rôle de Sesto, l’ami traître de Titus. Le public l’ovationne. On trouve également Mane Galoyan en Vitellia (femme avide de pouvoir), admirable dans l’aisance de ses vocalises et dans la couleur de son timbre. Mélissa Petit, qui est la régionale de l’étape (native de Saint-Raphaël !), est adorable en Servilia. Son duo « Ah perdona al primo affetto » avec Annio au premier acte est un régal mozartien. En Annio, justement, voici l’éblouissante Anna Tetruashvilli, vivante, frémissante, à la voix fruitée. Côté masculin, Giovanni Sala incarne un Titus triomphant, claironnant. A ses côtés, Peter Kalman est très bon en Publius. Tout cela est de niveau international.
Le Choeur de l’Opéra de Monte-Carlo mérite un énorme bravo. Il excelle comme toujours, mais là… il se surpasse ! Le style, l’élan, l’homogénéité : tout y est. L’orchestre est celui des Musiciens du Prince-Monaco dirigé par l’italien Gianluca Capuano. Il offre de bons phrasés, mais aussi des sonorités parfois épaisses qui, dans l’actuel Festival Mozart de Monaco, ne concurrencent ni l’élégance mozartienne de l’Orchestre de l’Opéra de Vienne entendu la semaine précédente dans Don Giovanni en ces mêmes lieux, ni celle d’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, entendu trois jours plus tôt, à l’Auditorium Rainier III, sous la direction de Ton Koopman…
Pour trois semaines, Monaco est devenu un Salzburg-sur-Méditerranée !
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CRITIQUE, opéra. MONACO, Salle Garnier, le 28 janvier. MOZART : La Clémence de Titus. G. Sala, M. Galoyan, C Bartoli, M. Petit… Jetske Mijnsen / Gianluca Capuano. Toutes les photos (c) Marco Borrelli