
Si tu ne vas pas à Vienne, Vienne viendra à toi ! C’est ainsi que l’Opéra de Vienne est venu donner Don Giovanni de Mozart à Monaco, dans une version « mise en espace ». Ce fut un régal : superbe orchestre, belle distribution et une « mise en espace » qui valait bien des mises en scène !
La « mise en espace » – que les néophytes ne doivent pas confondre avec les productions de la NASA ou de la fusée Ariane ! – est une formule intermédiaire entre la version de concert et la mise en scène. Elle a peut-être de beaux jours devant elle, quand on voit les incongruités que nous proposent certains metteurs en scène. La « mise en espace » de Don Giovanni donnée en l’Auditorium Rainier III de Monaco fut séduisante à tous points de vue. Les protagonistes évoluaient en costumes, sans partition bien sûr, entrant et sortant à l’envi, tournant autour de l’orchestre, se cachant derrière les pupitres, virevoltant, cabriolant, jouant leurs personnages, s’interpellant les uns les autres. Ils avaient tous en tête les éléments de mise en scène de Barrie Kosky à l’Opéra de Vienne – et l’ont adaptée allègrement sur la scène monégasque.
Et quels protagonistes ! Davide Luciano en Don Juan, voix virile, triomphante, torse bombé, jeu percutant, un génial Peter Kellner en Leporello, vivant, vibrant, coloré, étincelant comme un feu follet, un Commandeur de haute tenue en Antonio Di Matteo, un délicieux ténor mozartien en Edgardo Rocha (rôle d’Ottavio) et un très bon Andrei Maksimov en Masetto. Côté féminin, la Donna Anna de Maria Bengstsson, lyrique à souhait, fit forte impression, la Zerline d’Andrea Carroll fut adorable. l’Elvire de Tara Erraught communiqua à la salle le frisson de sa colère.
Le meilleur compliment que l’on puisse faire à l’Orchestre de l’Opéra de Vienne – la Wiener Staatsoper – est de dire qu’il fut « viennois ». Ce terme contient en lui-même toute l’idée d’élégance et de suavité qui qualifie sa manière de jouer. A Vienne, on parle de « Gemütlichkeit ». L’orchestre était dirigé par Bertrand de Billy – lequel faisait coup double à Monaco -, ayant superbement dirigé le dimanche précédent la 7ème Symphonie de Bruckner à la tête du Philharmonique de Monte-Carlo. Le Choeur de l’Opéra de Monte-Carlo a excellemment participé au spectacle, prenant part lui aussi à la mise en espace.
Ce concert entrait dans le cadre d’un Festival Mozart à Monaco qui durera jusqu’à la mi-février. Le moins qu’on puisse dire est que le festival a bien commencé !…
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CRITIQUE, opéra. MONACO, Auditorium Rainier III, le 19 janvier 2015. MOZART : Don Giovanni. Davide Luciano, Antonio di Matteo, Maria Berengtsson, Edgardo Rocha, Tara Erraught, Peter Kellner… Orchestre du Wiener Staatsoper, Bertrand de Billy (direction). Crédit photo © Marco Borrelli
