Excellente idée – qu’a eu Maurice Xiberras – de reprendre à l’Opéra de Marseille cette production de Don Quichotte de Jules Massenet signée par le marseillais Louis Désiré – et étrennée début 2020 sur les planches des Opéras de Tours et de Saint-Etienne. L’ouvrage – créé en 1910 à l’Opéra de Monte-Carlo – est en effet bien trop rarement mis à l’affiche en France, alors qu’il constitue l’un des fleurons des opus massenétiens.
Et “Fleuron” de l’opéra de la cité phocéenne (où il a interprété la plupart de ses principales incarnations), la basse française Nicolas Courjal s’impose immédiatement dans le rôle-titre, qu’il serait bien avisé de reprendre partout (si les directeurs de théâtres hexagonaux mettaient aussi du leur bien sûr !). La voix admirablement placée emplit le vaste espace de la plus grande scène lyrique en Province (en termes du nombre de places), sans que le chanteur n’ait jamais à la forcer. Le phrasé est un modèle d’élégance et de précision – pas une syllabe n’échappe au spectateur -, et la tenue du souffle est également exemplaire. L’acte des brigands et, bien sûr, la mort du héros offrent à l’interprète l’occasion d’affirmer une saisissante expression dramatique, dénuée de toute emphase et soutenue par une incomparable noblesse d’accent. Bref, la basse française ajoute avec éclat un nouveau rôle à son palmarès déjà impressionnant !
Autre “pilier” de la maison phocéenne, le baryton nîmois Marc Barrard trouve en Sancho un personnage à sa mesure, grâce à la sensibilité à fleur de peau qu’on lui connaît. Formant avec Nicolas Courjal un couple parfaitement équilibré (et tellement complice…), il évolue du registre comique à celui de la pure émotion, avec une palette de nuances particulièrement choisie. Dés son entrée en scène, Héloïse Mas subjugue également l’auditoire, tant la musique de Massenet semble avoir été écrite pour mettre en valeur son timbre, et ses teintes sensuelles et chaleureuses. Les seconds rôles ont évidemment un peu de mal à s’imposer face à un tel trio, mais l’on retiendra quand même l’articulation exemplaire du baryton (nîmois également) Frédéric Cornille et la musicalité de Marie Kalinine.
Confiée au marseillais Louis Désiré, la mise en scène joue la carte de la sobriété et de la nudité, comme il est coutumier du fait, et aidé par le fidèle (compagnon de vie) Diego Mendez Casariego qui signe les décors et les costumes. Avec le concours du magicien des lumières qu’est Patrick Méeüs, ils installent tous les trois un dépouillement propice à la concentration et à la méditation du Chevalier à la pâle figure sur la vie, et sa recherche d’idéal pleine de désillusions au terme de son parcours chevaleresque.
A la tête d’un Orchestre Philharmonique de Marseille bien disposé à son égard, Gaspard Brécourt sait trouver ce qui est intéressant à mettre en valeur dans cette partition orchestrale finalement étrange qui sans cesse hésite entre plusieurs styles. Le jeune chef français joue ici la carte de l’homogénéité, celle aussi du soin du détail et de la clarté, notamment dans des Interludes orchestraux traités avec beaucoup de goût et d’intelligence.
Venu en masse, le public phocéen a fait un triomphe à l’ensemble des protagonistes au moment des saluts !
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CRITIQUE, opéra. MARSEILLE, opéra municipal (du 19 au 24 mars 2024). MASSENET : Don Quichotte. N. Courjal, M. Barrard, H. Mas… Louis Désiré / Gaspard Brécourt. Photos (c) Christian Dresse.
VIDEO : Trailer de « Don Quichotte » de Jules Massenet dans la mise en scène de Louis Désiré à l’Opéra de Marseille
