dimanche 8 décembre 2024

CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 27 octobre au 5 novembre 2023). PIAZZOLLA : Maria de Buenos Aires. R. Camarinha, I. Cuello, M. Vettore, B. Sayad. Daniele Finzi Pasca / Facundo Agudin.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Après avoir été invité par Aviel Cahn à mettre en image l’opéra-ovni qu’est Einstein on the Beach de Philip Glass en 2019, le chorégraphe tessinois Daniele Finzi Pasca est de retour au Grand-Théâtre de Genève pour cet autre ouvrage « hors-cadre » qu’est Maria de Buenos Aires de l’argentin Astor Piazzolla

 

 

Car Maria de Buenos Aires est avant tout une œuvre poétique, séquencée en 17 tableaux qui suivent la logique choisie par son librettiste Horacio Ferrer pour immerger le spectateur à la fois dans le mystère de Maria, du tango et de la ville de Buenos Aires. Invoquée par El Duende – sorte d’Esprit ici confié à deux chanteuses en lieu et place d’un baryton sans âge, comme c’est habituellement le cas -, Maria revit devant nos yeux différents épisodes de sa vie, depuis sa naissance et son ascension dans les banlieues de Buenos Aires, sa gloire dans les cabarets de la ville, sa descente aux enfers dans ses bas-fonds, puis sa mort. La clé, pour pouvoir pénétrer dans le langage baroque et surréaliste de Ferrer, est de s’abandonner aux impressions que sa dramaturgie crée à travers la musique de Piazzolla, se laisser aller à l’émotion, oublier les sur-titres, se laisser bercer par ce long poème lyrique, et suivre cette émotion qui gagne petit à petit nos coeurs et touche notre âme, car rien n’est descriptif mais tout est suggéré ici. Maria de Buenos Aires n’est donc pas seulement un personnage, c’est aussi une figure et tout un imaginaire : elle est la ville de Buenos Aires, le peuple argentin, et le tango tout à la fois.  

 

La mise en scène de Finzi Pasca s’ouvre sur l’image d’une procession funéraire devant un immense columbarium (scénographie signée par Hugo Cargiolo) dont toutes les cases portent le prénom de “Maria” : l’héroïne sort de son cercueil et son ombre erre ensuite sur scène, aux côtés des deux personnages masculins du Duende et du Payador (chanteur des rues) – mais ici incarnés par trois femmes (Melissa Vettore, Beatriz Sayad, et Inès Cuello) qui portent toutes la même robe rouge vif (couleur passion/sang) que Maria, pour une transgression des genres en même temps – en même temps qu’elles symbolisent les trois figures mariales qui animent l’œuvre : la jeune Maria, l’ombre de Maria, l’enfant née de Maria. L’image d’après nous transporte sous la charpente d’acier d’une gare où déambule la bonne société, tandis qu’en contrebas Maria est entourée de six danseurs/circassiens (3 hommes et 3 femmes de la Compania Finzi Pasca) qui multiplient des numéros virtuoses, souvent avec des accessoires (Cerceau, barres de pole dance, cordes diverses…). Un autre tableau figure le Paradis composé de grandes lamelles de papier aluminium, avant que les spectateurs ne retrouvent l’image des columbariums du début, l’histoire de Maria étant perçue comme un éternel recommencement…

 

Dans le rôle-titre, la soprano portugaise Raquel Camarinha impressionne. De formation lyrique, bien que la sonorisation se montre parfois indispensable pour la soutenir dans ses élans lyriques alors que c’est surtout sa voix de poitrine qui est ici sollicitée, elle est rien moins qu’habitée par le rôle, offrant une interprétation sensuelle et déchirante à la fois de son personnage, d’une palette émotionnelle tout à fait remarquable. Chanteuse de tango, Inés Cuello interprète El Payador avec une voix qui s’accorde parfaitement à celle de María, avec des teintes cependant plus sombres. Actrices très à l’aise vocalement, Melissa Vettore et Beatriz Sayad se partagent El Duende, lui apportant la théâtralité nécessaire à un rôle uniquement parlé.

 

En fosse, le chef d’orchestre argentin Facundo Agudin s’est entouré de grands solistes issus du tango – Marcelo Nisinman au bandonéon, Quito Gato à la guitare et Roger Helou au piano -, en plus d’enseignants et d’étudiants de la Haute Ecole de Musique de Genève. Au lieu de la douzaine de musiciens de la partition originale, l’orchestre se voit ainsi étoffé d’une quarantaine d’interprètes, ce qui permet de créer une atmosphère pleine d’énergie et une grande richesse sonore. 

 

Le public genevois sort de sa réserve habituelle pour faire une fête incroyable à cette vraie réussite d’ensemble !

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CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 27 octobre au 5 novembre 2023). PIAZZOLLA : Maria de Buenos Aires. R. Camarinha, I. Cuello, M. Vettore, B. Sayad. Daniele Finzi Pasca / Facundo Agudin. Photos © Carole Parodi.

 

VIDEO : Trailer de “Maria de Buenos Aires” d’Astor Piazzolla au Grand-Théâtre de Genève

 

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