Florent Siaud signe l’une de ses meilleures mises en scènes, à la fois esthétique et même d’un fini cinématographique, dramatiquement prenante, sans aucune baisse de tension, menée tambour battant comme un flux tragique et dramatique continu, comme un polar rouge sang.
Les manipulations et le cynisme le plus abject et l’hypocrisie sadique foudroient le cœur de deux artistes libertaires et amoureux. L’homme de théâtre soigne le relief de chaque protagoniste, les plaçant pour leur air majeur, seuls sans décors, derrière le rideau de scène comme exposés aux spectateurs [ainsi Scarpia dans la conclusion du I à l’église ; puis Tosca et sa saisissante adresse à la fin du II], grands moment de théâtre.
Prise de rôle à l’Opéra de Compiègne
Fragile, incandescente, éruptive,
la Tosca captivante
d’Axelle Fanyo
S’affirme alors la justesse d’un jeu d’acteurs millimétré où chaque regard, chaque port de tête, chaque geste signifie avec subtilité les sentiments qui jaillissent et submergent… En cela Eric Rouchaud, directeur du Théâtre Impérial-Opéra de Compiègne, a eu bien raison de choisir la soprano Axelle Fanyo : voix corsée, harmoniquement riche et somptueuse, idéalement puissante que porte un tempérament d’actrice éruptive [ses aigus à pleine voix, volcaniques] heureusement canalisé, voire ciselé par l’intuition très juste du metteur en scène québécois.
En résulte une Tosca comme rarement : intense, ardente, profonde, juvénile porteuse d’une candeur lumineuse au I, dont peu à peu l’immense joie de vivre est fauchée par sa rencontre avec le baron Scarpia ; ce dernier est incarné par Christian Helmer, qui sous la direction de Florent Siaud, trouve la posture et les gestes du parfait dégueulasse, rien que tyrannique dont le goût de la possession, la passion de la cruauté retrouvent une sorte d’innocence lui aussi qui lui permet de jouer avec sa victime comme le fauve avec sa proie. C’est d’ailleurs tout le génie du « Vissi d’arte, vissi d’amore… », grand moment émotionnel réussi vocalement par Axelle Fanyo, mais aussi tableau d’une sobre beauté, terrifiante et fascinante, où la chanteuse agenouillée, en prière est observée, analysée, décortiquée par un Scarpia libidineux, allongé auprès d’elle… Trop heureux et qui jouit amusé, en silence, bienheureux de la voir autant souffrir. A ce moment de l’action, ces deux corps statiques marquent le combat qui s’accomplit ; la trouvaille est d’une justesse géniale. Économe et surexpressive.
La tension qui émane de la scène synthétise la force globale du spectacle où la suggestion est le meilleur vecteur de l’intensité comme de la profondeur.
La trajectoire de cette Tosca dont le spectateur suit chaque passage émotionnel de la joie et du jeu à la souffrance la plus bouleversante reste mémorable : Axelle Fanyo lui insuffle une énergie et une sincérité que l’on a rarement écouté et vu sur scène. Non seulement la jeune diva joue avec la puissance de son instrument mais aussi avec sa jeunesse, sa fraîcheur voire son impulsivité ; dans le contrôle et la palette des sentiments exprimés, elle façonne sa trajectoire comme une actrice née, entre aisance, précision, finesse. Parfois manque-t-il la tenue de certains aigus filés… Mais gageons que l’interprète puise encore dans son formidable imaginaire et son souci de sobriété, une maîtrise vocale et expressive encore plus aboutie. C’est en tout point, une éblouissante incarnation qu’il faudrait suivre à chaque date de la tournée qui s’annonce.
À ses côtés, le Mario de Thomas Bettinger ne partage pas hélas la même urgence dramatique de sa consœur mais le sacristain de Mathieu Gourlet se distingue plus nettement par la projection naturelle de sa superbe voix baryton-basse qu’il articule avec un sens de la situation impeccable. C’est lui aussi un nouveau tempérament à suivre.
Tosca par Axelle Fanyo au Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne – Photos © Nicolas Descoteaux 2023
En fosse, Les Frivolités Parisiennes assurent leur partie avec panache et intensité, la cheffe Alexandra Cravero obtient le maximum d’un effectif resserré comme la partition [à laquelle ont été retirés certains débuts d’acte dont le plus célèbre matin dans la campagne romaine qui ouvre le III et son chant du jeune pâtre]. Idem pour les chœurs absents sur le plateau mais qui ont été enregistrés puis combinés au spectacle.
Le parti était annoncé, il est assumé et sert le but visé : offrir une version mobile, chambriste, sans entracte, facilement adaptable que peuvent accueillir les scènes et théâtres qui ne sont pas des maisons d’opéra. La production contribue ainsi à l’accessibilité et la démocratisation du genre. La formule est d’autant plus convaincante que sur le plan artistique, malgré ses coupures, le drame de Puccini n’a rien perdu de sa force ; pour nous l’acte II étant l’épisode le plus cohérent filant comme une descente aux enfers.
Avec Tosca, le Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne inaugure son festival En voix ! 2023 [6eme édition, du 10 nov au 22 décembre 2023], soit près de 18 spectacles et 53 représentations qui rayonnent partout dans les 5 départements de la région des Hauts de France, permettant l’accès de l’art lyrique et choral, au plus large public, ce dans toutes les formes.
TEASER VIDÉO : TOSCA éruptive à l’Opéra de Compiègne avec Axelle Fanyo © studio CLASSIQUENEWS – Réalisation Philippe-Alexandre PHAM © 2023 :
LIRE aussi notre présentation de TOSCA par Florent Siaud (entretien), avec Axelle Fanyo : https://www.classiquenews.com/compiegne-theatre-imperial-puccini-tosca-axelle-fanyo-alexandra-cravero-florent-siaud-les-10-et-11-novembre-2023/
LIRE aussi notre présentation la nouvelle saison 2023 – 2024 du Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne : https://www.classiquenews.com/theatres-de-compiegne-saison-2023-2024-tosca-festival-en-voix-les-ailes-du-desir-la-tempete-color/
dates de la tournée 2023 – 2024
Vendredi 10 et samedi 11 novembre 2023
au Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne
Mardi 14 novembre 2023 aux Théâtres de Maisons-Alfort (94)
Samedi 25 novembre 2023 au Théâtre de Saint-Dizier (51)
Samedi 9 et dimanche 10 décembre 2023 à l’Opéra de Reims (51)
Jeudi 28 mars 2024
au Centre des bords de Marne à Le Perreux-sur-Marne (94)
Jeudi 4 avril 2024 au Théâtre de Rungis (94)
________________________________________
