vendredi 21 mars 2025

CRITIQUE, opéra. COLOGNE, Staatenhaus (du 5 novembre au 6 décembre 2023). DONIZETTI : L’Elisir d’amore. K. Zukowski, D. Ivanchey, I. Choï, O. Montanari… Damiano Michieletto / Matteo Beltrami.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Après le profond et énigmatique Die Frau Ohne Schatten,de Richard Strauss le mois dernier, c’est avec le bien plus léger et drolatique L’Elisir d’amore (“Der Liebestrank” en allemand) de Gaetano Donizetti que l’Opéra de Cologne (Oper Köln) poursuit sa riche saison (en alternance avec des représentations de Peter Grimes). Metteur en scène parmi les plus plébiscités de sa génération, c’est l’italien Damiano Michieletto qui est à la manœuvre ici, après avoir monté cette production initialement au Teatro Real de Madrid (en coproduction avec le Palau de les Arts de Valencia). Autant dire que ces représentations de L’Elixir d’amour viennent comme une sorte de divertissement entre deux ouvrages et mises en scènes ambitieux, et le moins que l’on puisse dire est que l’on s’esclaffe souvent grâce à l’imagination débridée de Michieletto.

 L’action se déroule sur quelque plage d’Andalousie où l’on fait toujours la fête, aux alentours du bar de plage où Giannetta propose des « helados« , de telle sorte que tout est radieux grâce au soleil et la lumière généreuse qui baigne tout le premier acte. De multiples comédiens contribuent à alimenter cette fête permanente, tandis que Nemorino porte un petit short d’estivant, et que Belcore prend des douches, entre deux bains, et en chantant ! Dulcamara est quant à lui un dealer, et son élixir n’est pas du bordeaux, mais des boissons “énergisantes” type “red bull” (dans lesquels il verse une “poudre blanche”…), tandis que cinq jolies jeunes filles, affublées de mini-jupes et de perruques rouges, en font la promotion, en tant qu’assistante de Dulcamara… Bref, l’on rit de bon cœur à ce spectacle “décalé” et réjouissant à la fois, pour une transposition contemporaine particulièrement réussie.

Pour cette adaptation du Philtre d’Eugène Scribe, effectuée par son homologue italien Felice Romani, Donizetti a écrit une partition encore très voisine de l’esthétique de Rossini, exigeant des chanteurs une technique fortement fondée sur une grande agilité dans la vocalisation. Or, d’agilité, la jeune soprano allemande Kathrin Zukowski n’en manque pas. C’est merveille que de l’entendre émettre trilles et vocalises avec la plus déconcertante facilité et la plus impeccable justesse. Ainsi, l’exécution de la cabalette “Il mio rigor dimentico” laisse pantois. Son timbre fruité, son aigu lumineux et son medium corsé, alliés à de remarquables talents de comédienne – le passage de la femme hautaine à l’amoureuse fébrile est parfaitement interprété – en font une exquise Adina.

Si le jeune ténor russe Dmitri Ivanchey possède indubitablement toutes les facultés demandées par le rôle de Nemorino, il lui manque cependant encore un peu d’expérience, et sa voix nécessite d’être travaillée plus avant pour s’épanouir au mieux de ses potentialités, au demeurant fort prometteuses. Sa pratique de la scène devrait également lui apporter l’assurance qui lui manque encore dans la vocalisation, propre mais trop appliquée. De même, l’air fameux “Una furtiva lagrima”, s’il est fort bien délivré, ne procure pas (encore) le frisson et l’émotion espérés.

Les talents d’acteur, une aisance à brûler les planches et une diction syllabique d’une réjouissante verdeur font de l’excellent baryton-basse italien Omar Montanari un Dulcamara intensément présent. La voix fraîche de Maya Gour nous offre une délicieuse Giannetta, quand le baryton coréen Insik Choï (officier de marine) possède le mordant et l’autorité requis par le personnage de Belcore.

Quant à la fosse, placée ici à gauche de la scène, le chef Italien Matteo Beltrami fait montre d’un grand talent, avec une technique sûre et une maîtrise parfaite du fameux Orchestre Gürzenich. A ces atouts, le maestro ajoute un respect scrupuleux des exigences du chant et une grande intelligence dans l’approche musicologique, vécue non pas comme une fidélité idiote à la partition, mais comme une adaptation qui ne trahit jamais les intentions du compositeur. Sa flexibilité dynamique, ses infimes variations, la diversité de sa palette de couleurs le désignent comme un authentique chef donizettien !

 

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CRITIQUE, opéra. COLOGNE, Staatenhaus (du 5 novembre au 6 décembre 2023). DONIZETTI : L’Elisir d’amore. Kathrin Zukowski (Adina), Dmitri Ivanchey (Nemorino), Insik Choï (Belcore), O. Montanari (Dulcamara), Maya Gour (Giannetta). Orchestre Gürzenich. Damiano Michieletto (mise en scène) / Matteo Beltrami (direction musicale).

 

VIDEO : L’Elisir d’amore de Donizetti selon Damiano Michieletto au Sferisterio de Macerata

 

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