samedi 7 décembre 2024

CRITIQUE, opéra. ANGERS, Grand-Théâtre, le 7 mai 2024. PUCCINI : Tosca. Myrto Papatanasiu, Andeka Gorrotxategi, Stefano Meo… Clelia Cafiero / Silvia Paoli.

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Déjà vue en 2022 lors de sa création à Nancy, cette production très convaincante tombe à pic pour célébrer en 2024 le centenaire de la mort de Giacomo Puccini. C’est même avant de voir celle présentée par l’Opéra de Dijon, dans quelques jours, l’une des plus justes et spectaculaires, au sens le plus noble du terme, écoutée cette année dans l’Hexagone.

 

 

Angers Nantes Opéra
célèbre avec éclat le centenaire Puccini 2024…

 

Tosca épurée, contrastée, radicale…
La théâtralité juste et spectaculaire
de Silvia Paoli

 

 

Silvia Paoli met à distance le couple des artistes, la cantatrice Floria Tosca et le peintre Mario Cavaradossi, comme un mythe revivifié dans un espace scénique dont l’épure et les choix visuels composent une vanité humaine. Si Wagner dans Tristan und Isolde souligne l’impossibilité des amants à vivre leur amour, il en est de même ici pour Floria et Mario, deux cœurs éblouissants qui réactivent  la lyre tragique et amoureuse mais qui illustrent aussi le combat de deux âmes libertaires, deux étendards de la liberté qu’ ils chantent à pleine voix [précisément au III, et a capella, à pleine voix, face au public] comme pour se donner du courage [avant la vraie fausse exécution du peintre].

VANITÉ TERRESTRE… L’acte III dès son début troque l’habituel chanson du jeune pâtre dans les collines matinales de Rome, pour une scène d’un dépouillement essentiel, sorte de raccourci temporel vertigineux où un groupe de silhouettes dénudées s’agglomère ; récapitule l’éphémère d’une vie terrestre ; produisent in fine un ossuaire, dérisoire et ultime monticule primitif qui renvoie à ce que nous sommes en réalité : un tas d’os et de poussière. La vanité, nous l’avions déjà vue à l’opéra [chez Olivier Py et son sublime Tristan und Isolde présenté déjà par Angers Nantes Opéra]. Du lugubre voire du macabre à ce point, jamais aussi bien calibré. L’engagement des deux artistes gagne en relief, hymne au dépassement du dérisoire, telles deux torches qui portent tous les espoirs et les combats d’une humanité éprouvée, martyrisée.

La fin de l’acte I est particulièrement réussi et très juste, creusant le profil de Scarpia, ce satyre bigot qui sous le masque de la piété, s’excite en frénétique lubrique (selon les propres mots de Mario à l’acte I, s’adressant alors au Consul de l’ex République de Rome, Angelotti)… De fait le grand air [de possession] de Scarpia au moment du Te Deum, se réalise avec en fond de scène un tableau vivant de crucifixion, dans le style des retables baroques flamands, style Rubens [ici la croix gigantesque de Saint-André].

 

Final de l’Acte : la crucifixion ; au pied de la croix, Scarpia étendu, couché, face contre terre en orant pieux © Bastien Capela / Angers Nantes Opéra

 

La composition vivante semble sortie de l’esprit du faux croyant ; sa barbarie exaltée par le spectacle de la douleur, du sacrifice et de la … volupté. Ce changement à vue produit un effet saisissant qui foudroie et exalte, confirmant la force et la pertinence de la metteure en-scène florentine Silvia Paoli. Angers Nantes Opéra annonce d’ailleurs sa prochaine Traviata pour la saison nouvelle 2024 2025 qui promet d’être aussi forte.

Côté voix, la Tosca de la soprano Myrto Papatanasiu est ardente et nuancée ; même l’une des plus frivoles et facétieuse au I ; moins émouvante au II mais carrément sublime au III, voix lumineuse et militante, d’un panache juste et enivré, sa prosodie naturelle et articulée proche du théâtre… jusqu’à sa façon de se saisir du revolver et de se jeter sur le tas d’os en fin d’action. Le Mario du ténor Andeka Gorrotxategi, avouons le, commençait mal. Cherchant une clarté d’émission et une articulation de l’italien, instables, trop peu maîtrisées… jusqu’à la scène de torture du II. Là, trouvant un équilibre entre puissance et intonation, le soliste soutient l’intensité de son chant de liberté du II [quand est annoncée la victoire de Bonaparte à Marengo] et l’injecte sans réserve, dans un  » E lucevan le Stelle / Les étoiles brillaient… » , idéalement déchirant, puis dans son duo a capella avec Floria, véritable chant viscéral qui célèbre la vérité et l’absolu de l’amour. Puccini a conçu alors dans cet acte III, une séquence d’une force inédite. Ce jaillissement émotionnel s’impose alors grâce à la parfaite fusion des deux solistes sur scène.

Reste le Scarpia du baryton Stefano Meo… Avouons notre déception : trop lisse, pas assez nuancé, d’une méchanceté bonhomme et linéaire, l’interprète ne joue pas assez avec le texte, la théâtralité complexe et trouble du personnage. Pourtant l’un des plus captivants parmi les caractères graves et noirs du répertoire. Même ses assauts libidineux sur les servantes religieuses, comme son attitude vis à vis de la diva convoitée au II paraissent inaboutis voire ébauchés. Dommage car aux côtés de ses partenaires, parfaits dans le III, nous tenions une soirée absolument mémorable. Le Chœur maison d’Angers Nantes Opéra [et les membres de la Maîtrise des Pays de la Loire] sont parfaits vocalement comme scéniquement [entre autres pour l’excitation collective précédant le Te Deum du I ; au moment où la scène de crucifixion se met en place].

Piliers majeurs pour la réussite de cette Tosca saisissante, l’Orchestre National des Pays de la Loire et la direction à la fois dramatique et analytique de la cheffe Clelia Cafiero ; comme pianiste, la maestra déploie une attention spécifique aux détails et au sens des phrases musicales … Ceci expliquant cela, son passage récent à l’Opéra de Marseille avait suscité un même enthousiasme dans une Carmen mémorable. A Angers ce soir, son attention aux climats, aux couleurs de chaque situation, le raffinement des phrasés,… les dernières notes tenues à la fin de chaque phrase, le sens des respirations,… rétablissent la palette orchestrale d’un Puccini, scintillant, psychologique, dramaturge génial… dans ses moindres nuances. Ce travail de dentelle qui n’écarte pas le vertige des émotions ni l’intensité barbare s’avère jubilatoire pendant toute la soirée. Réécouter Puccini, son orchestre si passionnant et ainsi ouvragé est un régal. Une nouvelle réussite pour Angers Nantes Opéra et son directeur général, Alain Surrans. Courrez applaudir cette production-événement : encore de nombreuses dates à Nantes et à Rennes, avec le 8 juin (lire ci dessous), une diffusion grand écran en plein air…

 

Andeka Gorrotxategi (Mario) et Myrto Papatanasiu (Tosca) / Tosca de Silvia Paoli © Bastien Capela / Angers Nantes Opéra

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. ANGERS, Grand-Théâtre, le 7 mai 2024. PUCCINI : Tosca. Myrto Papatanasiu, Andeka Gorrotxategi…..Silvia Paoli / Orchestre National des Pays de la Loire / Choeur d’Angers Nantes Opéra, Maîtrise des Pays de la Loire, Clelia Cafiero (direction)

Une excellente production dans deux distributions [nous n’avons pas écouté les deux chanteurs alternatifs : Izabela Matula (Tosca) et Samuele Simoncini (ténor)… ], à l’affiche jusqu’au 13 juin 2024 : Grand Théâtre, ANGERS, les 5 et 7 mai 2024 – NANTES, Théâtre Graslin, les 23, 25, 26, 28, 29 mai 2024 – Plus d’infos sur le site d’Angers Nantes Opéra : https://www.angers-nantes-opera.com/tosca  /  à l’Opéra de RENNES, les 6, 8, 9, 11 et 13 juin 2024 : plus d’infos ici https://opera-rennes.fr/fr/evenement/tosca

 

Sur Grand Écran le 8 juin 2024
Sur grand écran en plein air, à Angers (place du Ralliement), Nantes (place Graslin), Rennes, samedi 8 juin 2024 et sur France musique, diffusion en direct depuis l’Opéra de Rennes.

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