samedi 25 janvier 2025

CRITIQUE, festival. GARSINGTON Opera Festival (Angleterre), le 13 juillet 2024. BRITTEN : A Midsummer’s night dream. Iestyn Davies, Victoria Songwei Li, Jerone Marsh-Reid, Richard Burkhard… Netia Jones / Douglas Boyd.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

La veille d’une “thrilling” production de La Walkyrie au Longborough Opera Festival, nos pérégrinations anglo-bucolico-lyriques nous avaient mené au Garsington Opera Festival, à mi-chemin entre Londres et Oxford. Si le premier est un théâtre “en dur”, celui de Garsington est “éphémère”, sa structure démontable étant installée aux abords d’un magnifique cottage, le Wormsley Estate, belle demeure victorienne avec ses dépendances, son étang, ses gazons rutilants, et son parc forestier grouillant de cerfs et de biches. Un lieu magique où A Midsummer’s night dream de Benjamin Britten avait donc toute sa place, puisque c’était pour cette édition 2024 l’un des quatre titre lyrique retenus – aux côtés du second opéra de Verdi Un Giorno di regno, des Noces de Figaro de Mozart et de Platée de Rameau.

 

 

Cette production du Songe d’une nuit d’été de Britten – importée du Santa Fe Opera Festival où elle a été étrennée en 2021 – est mise en scène par Netia Jones, qui s’est également occupée de la scénographie. Un décor unique et intrigant qui est composé d’un grand chêne qui a percé le vaste plateau inclinée de la scène – et au passage le piano à queue qui y trônait. Ses branches feuillues offrent un abri à Puck (c’est par là qu’il fait son entrée). Au centre de la scène se trouve un canapé bas et miteux, sur lequel Tytania et plus tard Bottom s’allongent. Au fond, trois télescopes sont placés, tandis que le côté gauche de la scène est occupé par une grande sphère armillaire. Ces objets astronomiques se trouvent probablement là parce que l’opéra fait souvent référence à la lune, mais à part l’arbre solitaire et majestueux, nous ne sommes clairement pas dans le décor forestier du livret, et la magie dont il est empli est globalement balayée également, si ce n’est au début du spectacle, quand les portes en verres qui ferment le fond de scène restent ouvertes – laissant ainsi entrevoir (à l’instar de l’Auditorium de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne) les arbres qui se trouvent derrière la structure éphémère, mais de lourds rideaux noirs viennent bientôt (à l’acte II) les occulter et assombrir le plateau. Un plateau par ailleurs truffé de trappes, d’où émergent à intervalles réguliers les lutins et fées incarnés ici par la jeune (et excellente !) troupe du Garsington Opera Youth Company, grimés ici avec des têtes d’animaux divers. De même, Obéron se met régulièrement une tête de loup sur la tête, faisant pendant à la fausse tête d’âne de Bottom, tandis que le bondissant et superlatif Puck de Jerone Marsh-Reid est lui vêtu d’un costume vert pomme. Au III, des images vidéos évoquant la Nature sont certes diffusées, de même qu’une grande lune fait son apparition, mais la poésie et la magie font trop souvent défaut néanmoins ici pour emporter pleinement l’adhésion (notamment avec des scènes de la pièce de Pyrame et Thisbé et du mariage de Thésée et Hipolyta inutilement compliquées 

La distribution réunie à Garsington brille par son homogénéité. L’Oberon de Iestyn Davies et la Tytania de Victoria Songwei Li (en remplacement de Lucy Crowe, annoncée souffrante) sont totalement accordés, quoiqu’un peu confidentielles, mais souples et très agréables à entendre. On y perd dans la violence de la confrontation, on y gagne en suavité et en émotion. Les quatre amoureux sont parfaitement en phase, avec les solides Lysander et Demetrius de Caspar Singh et James Newby, l’Hermia fruitée de Stephanie Wake-Edwards, et l’adorable Helena de Camilla Harris. De même, les cinq compagnons de Bottom se révèlent aussi bons chanteurs qu’excellents acteurs : le Quince de John Savournin, le Flute de James Way, le Snug de Frazer Scott, le Starveling de Geoffrey Dolton et le Snout d’Adam Sullivan qui se dépensent sans compter dans la fameuse représentation finale de Pyrame et Thisbé. Dans le rôle de Bottom, le baryton-basse Richard Burkhard, quant à lui, préserve idéalement l’équilibre entre ridicule et sentimentalité, tandis que la production se paie le luxe, pour leurs brèves apparitions, de Christine Rice en Hypolita et Nicholas Crawley en Thésée.

En fosse, rien moins que l’excellent et prestigieux Philharmonia Orchestra, placé ici sous la direction de Douglas Boyd, qui n’est autre que le directeur musical de la manifestation estivalo-britannique. Tous les talents de cette fabuleuse phalange évoluent ainsi dans l’écrin sonore né de la baguette du chef britannique, qui dirige avec ce mélange d’amour, de connaissance et d’imagination qui fait tout le prix d’une exécution des œuvres de Britten. Dès le prélude en glissement d’archets – mystérieux comme un fantôme sylvestre – le Philharmonia Orchestra restitue avec sensibilité le souffle enchanté et ravissant de l’intrigue féérique, l’élégance du grotesque, et la finesse parodique de l’ouvrage.

Et si vous n’avez pas pu vous rendre à Garsington cet été (la dernière représentation étant ce soir 19 juillet…), vous aurez une autre occasion d’entendre ces excellents musiciens et chanteurs au Royal Albert Hall en septembre dans le cadre des fameux Proms !

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CRITIQUE, festival. Garsington Opera Festival, le 13 juillet 2024. BRITTEN : A Midsummer’s night dream. Iestyn Davies, Victoria Songwei Li, Jerone Marsh-Reid, Richard Kurkhard… Netia Jones / Douglas Boyd.

 

VIDEO : Netia Jones raconte son « Midsummer’s night dream » lors de sa création au Santa Fe Opera Festival

 

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