L’ONPL (Orchestre National des Pays de la Loire) vient de créer l’événement en organisant, sur trois soirées, simultanément à Angers et à Nantes, un Festival BEETHOVEN ! Ce sont ainsi parmi les plus grands chefs-d’œuvres du Maître de Bonn que les auditeurs de l’ONPL ont pu entendre, avec une mise en bouche chambriste qui réunissait, le 5/11 à Nantes, son Septuor op. 20 et son Quintette op. 16 (par des musiciens de l’Orchestre National des Pays de la Loire, issus de la “phalange nantaise”). Au même moment, à Angers, résonnait son superbe Concerto pour violon op. 61, dévolu à l’allemande Veronika Eberle, sous la direction du directeur musical de l’ONPL, le chef autrichien Sascha Goetzel, qui donnait ensuite toute son ampleur à la célèbre Symphonie N°3 dite “Héroïque”. Ce dernier s’est exprimé au sujet du festival angevo-nantais, saluant « un événement culturel significatif qui rassemble les gens grâce au langage universel de la musique. Nous croyons que de telles expériences artistiques partagées sont essentielles, surtout dans le monde en constante évolution, car elles nous rappellent notre humanité commune et le pouvoir durable de l’art. » Une bien belle profession de foi !
A Angers, c’est bien évidemment la « phalange angevine” qui est en fosse (rappelons aux lecteurs que l’ONPL se divise en deux formations orchestrales bien distinctes, l’une basée à Angers et l’autre à Nantes…), et le public a répondu en masse à l’invitation de Guillaume Lamas, pour assister à ce mini-festival Beethoven (il y en a un très important qui se tient dans sa ville natale de Bonn, chaque année durant tout le mois de septembre). Et c’est la violoniste allemande Veronika Eberle qui ouvre le bal (en claudiquant vers le devant du plateau, sans que l’on nous ait expliqué ce qui lui était arrivé ?…) avec l’unique Concerto dédié par Beethoven à son instrument. On est séduit immédiatement par la profondeur des trilles, la finesse des attaques, la précision des accords, la dynamique d’un discours qui, loin d’être seulement musical, se voit partagé entre l’ardeur et la noblesse de ton, s’imprégnant d’une poésie et d’une sensibilité qui émanent généreusement et naturellement de cette émouvante instrumentiste. L’orchestre lui emboîte le pas avec de superbes sonorités, et l’on louera notamment l’étendue dynamique et la transparence des textures que Goetzel sait en obtenir.
Dans la célèbre Symphonie N°3 qui suit, juste après l’entracte, c’est bien avec une autre forme d’héroïsme que nous avons rendez-vous ! Là encore, à la tête de sa phalange (angevine), Sascha Goetzel enthousiasme par une direction de haute tenue et d’une précision exemplaire. Si la lecture du premier mouvement s’avère particulièrement tranchante et dynamique, elle sait respirer ensuite dans une « Marcia funebre » empreinte de gravité. Après un Scherzo transparent – l’effectif allégé favorise il est vrai une grande clarté dans le discours -, le chef autrichien souligne à nouveau le caractère conquérant et révolutionnaire de la partition, dans un Finale qui révèle une profondeur étonnante et une parfaite maîtrise des plans sonores.
Le lendemain, c’est au Théâtre Graslin de Nantes que nous poursuivons notre périple beethovéno-ligérien, en présence cette fois du pianiste français François Dumont (que l’on ne présente plus…), pour une exécution du Concerto N°4 pour piano. Nous retrouvons bien sûr Sascha Goetzel, placé cette fois à la tête de la phalange « nantaise” de l’ONPL. Nous écoutons avec délices le jeu toujours nuancé et personnel du pianiste, en particulier dans un second mouvement, idéalement profond et interrogatif, miroir de ce vertige des abîmes que Liszt a évoqué à son heure, dévoilant un Beethoven d’une grande gravité… qu’il renouvelle dans le bis offert au public, le mouvement lent d’une des nombreuses Sonates du grand Ludwig…
Place ensuite à la célèbre Symphonie N°7 du même compositeur, cette symphonie dionysiaque qui voulait, selon son auteur, « rendre l’humanité spirituellement ivre”. Après la composition de la Sixième Symphonie (1808), Beethoven se laisse quatre années d’un répit tout relatif : s’il attend ce délai pour se remettre à la composition de la Septième (dès 1810), le compositeur compose, entre temps, le concerto pour piano « L’Empereur”, la sonate « les Adieux”, les musiques de scène pour « Egmont » et les « Ruines d’Athènes ». La Septième est achevée en mai 1812, et créée le 8 décembre 1813, à l’université de Vienne, sous la direction de l’auteur. C’est à bras le corps que Goetzel empoigne ce monument symphonique, tandis que la vitalité oxygénée de l’ONPL rend justice à l’énergie et au souffle de l’ouvrage, tout comme la veille à Angers. Comme à son habitude, la baguette de l’autrichien se montre aussi affûtée que mordante, lyrique et tendre, et tous les pupitres s’engagent avec une belle ardeur, qui parviennent à communiquer leur enthousiasme à un public chauffé à blanc qui se répand en interminables bravi… éminemment mérités !
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CRITIQUE, concerts. ANGERS (Grand-Théâtre) / NANTES (Théâtre Graslin), les 5 et 6 novembre 2024. Festival BEETHOVEN. Veronika EBERLE (violon), François DUMONT (piano), Orchestre National des Pays de la Loire, Sascha GOETZEL (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Sascha Goetzel présente (en anglais) le Festival Beethoven par l’ONPL à Angers et Nantes