Après un concert d’ouverture de saison placé sous le signe du XIXe siècle allemand, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse remonte un peu le temps pour interpréter un des chefs-d’œuvre absolus du XVIIIe siècle : le Requiem de W. A. Mozart. Et pour donner toute sa vérité à cette pièce magistrale, Jean-Baptiste Fra (le délégué général de l’ONCT, qui vient de nous accorder une interview au sujet de sa saison 23/24 il y a quelques jours…) a fait appel à l’un des géants de la musique baroque pour diriger la phalange occitane, le vétéran hollandais Ton Koopman (qui se produisait pour la première fois à la Halle aux grains).
Première venue à Toulouse pour le géant du Baroque Ton Koopman, pour une interprétation du Requiem de Mozart de haute volée !
On connaît le chef comme un adepte des tempi rapides, et c’est donc une interprétation particulièrement vivace qu’il donne du chef d’oeuvre mozartien ici : trompettes et timbales véhémentes ponctuent un discours rapide, au point qu’il lui est même parfois nécessaire de donner de grands coups de frein (dans le “Salva me” par exemple). Dans le “Turba mirum”, baryton et trombone (instruments placés ce soir au milieu du chœur, derrière l’orchestre !) rivalisent dans l’excès d’articulation. Et le public toulousain n’aura guère le temps de souffler, car les choix interprétatifs du chef semblent clairs, une vision sombre, dramatique, heurtée voire dérangeante, qui pourra en exaspérer certains par son caractère excessif, on aurait envie de dire jusqu’au-boutiste.
Sans doute le goût des extrêmes de Koopman est-il cependant servi par l’écriture elle-même de cette messe des morts qui oscille sans cesse entre l’esprit de la musique religieuse et celui de l’opéra, entre le recueillement, le sens du tragique, celui du drame et le style festif, entre la recherche expressive et l’élégance du discours ; mais en fin de compte, c’est bien le dramatisme de son approche qui en ressort avec le plus de force. Le Choeur l’Opéra National du Capitole et l’Orchestre National du Capitole de Toulouse répondent parfaitement à l’attente du chef, tout comme un bon quatuor de solistes : Elizabeth Breuer, quoique parfois un peu sur la réserve, la mezzo suisse un peu en retrait également de Lara Morger, le ténor exemplaire de Kieran White, et surtout l’excellent baryton allemand Benjamin Appl.
Dans une première partie, après une brillante exécution de la 3ème Suite pour Orchestre de Jean-Sébastien Bach, le talentueux mandoliniste français Julien Martineau a ébloui le public toulousain par son interprétation du Concerto pour mandoline en sol majeur (1799) de Johann Nepomuk Hummel, où la présence de deux flûtes et de deux cors, en plus des cordes, colore étonnamment l’expressivité élégante de cette superbe partition. Tout au long des trois mouvements qui le composent, d’une agréable élégance et d’une diversité de sonorités et d’intentions bien calibrée, Julien Martineau caractérise son jeu par un son clair et une ligne limpide, la virtuosité pleine d’éclat et de verve de l’instrumentiste paraissant évidente au regard de la sérénité de son interprétation. Une belle découverte !
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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux grains, le 26 octobre 2023. MOZART : Requiem. E. Breuer, L. Morger, K. White, B. Appl. Orchestre National du Théâtre du Capitole / Ton Koopman. Photos (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Ton Koopman dirige le “Lacrymosa” du Requiem de Mozart à l’Auditorium de Lyon