Pour ce concert historique, des « huiles » politiques et culturelles étaient dans la salle. Toutes les places avaient été vendues, et on a même dû refuser du monde ! Tarmo Peltokoski faisait incontestablement l’événement. Ce jeune chef qui dirigera l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dès septembre 2024 en tant que directeur musical de la phalange toulousaine est effectivement un génie de la baguette. Avant de savoir que le destin allait lier ce jeune chef et l’Orchestre toulousain, j’avais déjà été ébloui par leur union en 2022 – dans un concert qui peut toujours se regarder sur Medici TV.
Premier concert de Tarmo Peltokoski avec son orchestre du Capitole
Aujourd’hui, c’est un rêve qui se réalise. Renouveler un coup de foudre entre un chef et l’ONCT, après la magnifique histoire avec Tugan Sokhiev, était bien improbable. Ce concert a été incroyablement enthousiasmant, et a tenu toutes ses promesses. En première partie, le chef avait choisi le terrifiant Concerto pour violon « A la mémoire d’un ange » d’Arnold Schoenberg. Il a d’ailleurs remercié le public dans un français exquis d’avoir écouté ce concerto. Œuvre difficile pour les musiciens comme pour le public, étendard du dodécaphonisme, elle se veut sans aucune séduction dans son intransigeance. Renaud Capuçon a été concentré et très solide techniquement. Cette virtuosité inouïe, il l’a totalement maîtrisée. Très engagé, son jeu a été très articulé et précis. Le chef a su garder une tension assez terrifiante tout du long. Seul le second mouvement a permis comme une détente. Très applaudi, Renaud Capuçon a donné en bis une variation sur la Daphnée de Richard Strauss. Habile choix qui a permis un lyrisme bien venu après tant de sécheresse, et a préparé la suite du concert.
Après l’entracte, l’orchestre s’étant élargi, nous avons pu vivre intensément le poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss. Le début est bien connu et sert d’ouverture dans le film culte, 2001 Odyssée de l’espace de Kubrick. Je n’ai jamais eu de tels frissons dans cette page grandiose. Ce soir Tarmo Peltokoski obtient des contrebasses un bruissement tellurique impressionnant puis des cuivres une brillance aveuglante. C’est grandiose et également très précis et rigoureux. Le grand crescendo est conduit de main de maître et l’accord fortissimo qui se termine sur l’orgue est précis, sans déborder comme c’est parfois le cas. Puis la partie de quatuor à cordes chante avec une subtilité incroyable. Il n’est pas nécessaire ensuite de parler de la perfection instrumentale de l’orchestre, chacun joue comme si sa vie en dépendait. Une urgence absolue se dégage de cette interprétation. Tarmo Peltokoski associe un geste fougueux et fédérateur à une précision parfaite. Les nuances sont exacerbées. Les crescendi nous clouent sur place. Ce qui pourtant est le plus émouvant est cette construction dramatique, cette capacité à raconter la musique. Ce jeune chef a une forme d’intuition qui fait que les musiciens comme le public adhèrent sans discussion à sa vision. Le public déguste la fin subtile et le long silence sur lequel se termine le poème symphonique, avant d’applaudir à tout rompre : succès total pour l’orchestre et le chef !
En fin de programme, l’ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner nous est offerte avec une lumière qui permet de déguster la riche construction contrapuntique ; c’est limpide et charpenté. C’est allant sans jamais aucune lourdeur, car le tactus est savamment conduit. Les couleurs rutilent et les nuances sont très creusées. L’enthousiasme communicatif du chef envahi le public qui applaudi avec frénésie. Cela confirme une union que l’on devine très intime entre ce jeune chef visionnaire, l’Orchestre du Capitole et son public. De bien beaux moments à venir sont promis aux toulousains ce soir. Medici TV a filmé et diffusé le concert en directe, nous espérons une rediffusion prochaine.
Les années Peltokoski sont attendues avec impatience à Toulouse après ce concert d’une telle intensité !
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Critique, Concert. Toulouse, Halle-aux-Grains, le 2 décembre 2023. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Concerto pour violon, op.36 ; Richard Strauss (1846-1949) : Ainsi parlait Zarathoustra, poème symphonique, op. 30 ; Richard Wagner (1813-1883) : les Maîtres chanteurs de Nuremberg, ouverture ; Renaud Capuçon, violon ; Orchestre national du Capitole de Toulouse ; Direction, Tarmo Peltokoski. Photos : Romain Alcazar & Hubert Stoecklin.
VIDEO : Renaud Capuçon joue le mouvement lent du Concerto pour violon de Richard Strauss