Piano aux Jacobins a fait découvrir en première audition française un pianiste rare et précieux. Jan Bartos vient offrir au public trois pages majeur de la musique de son pays. Originaire de Prague il propose en début de concert les Huits préludes de Miloslav Kabelac. Ce compositeur inconnu en France a porté haut dans son pays un art musical varié. Symphonies, musique de chambre, musique de piano, musique religieuse il a abordé avec grand succès tous les genres. Ces Huit préludes demandent au pianiste des moyens techniques considérables et une grande force expressive. Jan Bartos avec une énergie magnifique en offre une interprétation charpentée et très nuancée. Les couleurs sont vives, les nuances très creusées entre pianissimi diaphanes et fortissimi telluriques. C’est un magnifique piano extraverti et puissant. Puis avec la Sonate 1 X 1905 de Leos Janacek, c’est le drame, l’angoisse et la mort qui s’invitent. Jan Bartos avec une concentration extrême offre cette musique comme si sa vie en dépendait. Les prémonitions du premier mouvement avec des couleurs subtilement éclairées distillent une angoisse sourde. Puis le drame de la mort explose et nous terrasse. C’est vraiment avec une force dramatique peu commune que Jan Bartos nous interprète cette sonate : il y met comme une revendication. L’hommage de Janacek à cet ouvrier Frantisek Pavlik, jeune victime de la tyrannie d’état, semble vivifié par cet interprète si engagé. La dernière œuvre au programme, toujours tchèque, détend l’ambiance avec des partitions très subtiles de Bedrich Smetana. Dreams permet au pianiste d’utiliser des touchers plus subtils avec une grande variété de nuances. C’est vraiment très poétique et très beau.
Ce programme concentré sur la musique tchèque permet à Jan Bartos de démontrer de magnifiques qualités. Cet artiste encore inconnu en France – et que sa carrière internationale va bientôt conduire aux États-Unis – est un nom à retenir. Une telle hauteur de vue, un tel engagement sont des qualités aussi rares que précieuses. Le public applaudit généreusement et obtient un beau bis : un extrait de Sur un sentier herbeux de Janacek.
Un grand merci à Catherine d’Argoubet de nous avoir fait découvrir Jan Bartos, un artiste considérable !
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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, 44ème Festival Piano aux Jacobins / Cloître des Jacobins, le 26 septembre 2023. Miloslav Kabelac (1908-1979) : Huits Préludes op.30 ; Leos Janacek (1854-1928) : Sonate 1 X 1905 en mi bémol mineur ; Bedrich Smetana (1824-1884) : Dreams. Jan Bartos, piano. Photo (c) Piano aux Jacobins.
VIDEO : Jan Bartos joue « Réminiscence » de Leos Janacek