lundi 9 juin 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Salle Gaveau, le 23 janvier 2024. Récital d’Andreas Scholl

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Brigitte Maroillat
Brigitte Maroillat
De formation juridique, et passionnée de musique et d’opéra depuis l’adolescence, Brigitte Maroillat a collaboré à Opera Online en 2017/2018 puis à Forumopera.com de 2018 à 2024 avant de rejoindre ClassiqueNews. Elle est aussi administratrice de la page Facebook du baryton-basse José van Dam.

Andreas Scholl était de retour à la Salle Gaveau, hier soir, dans un programme de cantates, comme toujours judicieusement conçu, exigeant tout à la fois un chant élégiaque, introverti, suspendu, et, à l’opposé, vaillance, et mordant. On attendait donc beaucoup de cette soirée et ce d’autant plus que le contre-ténor partageait la scène avec la flûtiste Dorothee Oberlinger qui ne cesse de démontrer qu’elle est la meilleure spécialiste de son instrument. Depuis leur disque lumineux « Small gifts » consacré à J. S Bach, les deux artistes ont tissé des liens étroits dont l’essence profonde est à l’évidence le plaisir de faire de la musique ensemble. A cette affinité élective s’est joint le clavecin inspiré de Olga Watts. Cette soirée fut donc une affaire de fins musiciens dont la virtuosité a été l’écrin précieux d’un chant souverain.

 

En dépit de quelques résidus persistants d’une grippe récente qui se sont fait légèrement entendre, Andreas Scholl a montré, une fois de plus, toute la pureté de l’émission de sa voix et la qualité de sa projection. Plus encore que par l’aisance et l’élégance des vocalises de « Da Tuoi Lumi « de Caldara, on est capturé d’emblée par les sons filés et la grâce du contre-ténor dans la force méditative de la cantate « Nel dolce tempo » de Haendel. Et surtout, on ne s’est jamais lassé d’admirer, tout au long de la soirée, la beauté du timbre, notamment dans les airs « Pastorella co’ bei lumi erbe e fiori » et « Senti di te, ben mio ». Rare est cette voix d’une élégance subtile, savant équilibre entre naturelle aisance et maîtrise technique. Elle nous a fait, en effet, souvent l’offrande, au fil du programme, d’une parenthèse en apesanteur traduisant toute la pudeur et l’intensité de l’émotion contenue du contre-ténor dans une gamme de teintes raffinées, comme dans le récitatif « Troppo nobile ardor m’accese il seno » de l’aria « Vaghe Luci » de Caldara.

 

Le morceau de bravoure qu’est la cantate « Mi palpita il cor » de Haendel, a été également au cœur de ce récital. Andreas Scholl s’est joué ici de toutes les difficultés vocales par une diction claire et une riche ornementation. Dans les récitatifs « Tormento e gelosia » et « Clori, di te mi lagno », le chanteur a su animer la moindre phrase par un engagement total. Dans l’air « Se un di m’adora la mia crudele », on a pu pleinement apprécier dans cette interprétation habitée, les legati et crescendi, distillés dans un chant débarrassé de toute fioriture inutile. Car contrairement à certains contre-ténors, Andreas Scholl ne s’adonne ni au maniérisme, ni à la pyrotechnie vocale. L’artiste fait montre d’une virtuosité jamais ostentatoire, au service constant de l’expression et de la musique. Dans cette aisance naturelle sans effets inutiles, le contre-ténor a été en tout point rejoint par Olga Watts, au touché nerveux et énergique, dans La Chacone pour clavecin solo de Bach, extraite de sa Partita n°2 BWV 1004, et plus encore par Dorothee Oberlinger dont l’interprétation de La Follia et de La Sonate en fa majeur de Corelli a été suprême de bout en bout.

 

En guise de conclusion à ce récital, Andreas Scholl, et ses deux complices, nous ont fait l’offrande, de l’air « Il n’est point de bergère » tiré de La Pastorelle en Musique de Telemann, dans lequel le contre-ténor, abandonnant momentanément la voix de tête pour une tonalité grave de baryton, détonante mais au combien suave, a suscité les rires d’un public conquis. Avec une telle synergie, les trois artistes ont tenu l’auditoire à distance du froid de l’hiver en attisant le feu des couleurs d’un printemps à venir.

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Salle Gaveau, le 23 janvier 2024. Récital d’Andreas Scholl. Crédit Photographique (c) Brigitte Maroillat et Droits Réservés

 

VIDEO : Andreas Scholl chnate la largo « Ombra mai fu » extrait de Serse de Haendel

 

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