mardi 18 février 2025

CRITIQUE, concert. CLERMONT-FERRAND, Opéra-Théâtre, le 21 janvier 2025. “The Lafayette Tour” : Concert-Hommage au Marquis de La Fayette. Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, Thomas Zehetmair (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

En avant-première de sa prochaine tournée aux États-Unis, prévue au printemps 2025 l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes célébrait la nouvelle année 2025 avec un programme rendant hommage à son héros local, le Marquis de Lafayette, né auvergnat, à l’occasion du bicentenaire de sa tournée américaine de 1825, 50 ans après la déclaration d’Indépendance des Etats-Unis. Et après le Théâtre du Puy en Velay qui a eu la primeur de l’événement, c’est à l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand que le spectacle mêlant l’Orchestre National d’Auvergne, dirigé par son nouveau directeur musical, le chef/violioniste Thomas Zehetmair, et un film-dessin animé conçu par un studio parisien retraçant l’incroyable histoire du Marquis, devenu Général de Lafayette, figure historique et symbole du lien fort entre la France et les États-Unis.

 

En six temps, le très didactique et intéressant « biopic » déroule la vie du héros auvergnat, dont 5 pièces musicales viennent servir d’Interludes musicaux, et c’est l’Ouverture “L’Amant anonyme” (1780) du Chevalier de Saint-George qui ouvre musicalement la soirée, seul opéra de son auteur, qui fait penser à la musique de Joseph Haydn, avec des thèmes enjoués et enlevés, pour ne pas dire triomphants. La seconde pièce nous transporte en 1931, aux Etats-Unis, avec l’Andante pour cordes de Ruth Crawford-Seeger, qui explore des procédures de contrepoint dissonant, et de techniques sérielles. Même si elle est légèrement postérieure, la pièce vient ici rendre hommage à l’Escadron Lafayette qui, en 1916, vint soutenir l’effort de guerre de la France face à l’ennemi allemand lors de la Première Guerre mondiale. 

 

Le troisième morceau est le célèbre 5ème Concerto pour violon de W. A. Mozart, joué par le chef à la tête de son ensemble. L’ouvrage de Mozart fut écrit en septembre 1775, soit l’année de l’Indépendance américaine, pour cordes, 2 hautbois et 2 cors. Ample, avec des mélodies de toute beauté, l’œuvre offre un dialogue violon-orchestre d’une grande finesse, brillant et alerte dans une théâtralité orchestrale séduisante comme l’entrée du soliste sur le bref Adagio en récitatif du premier mouvement ou encore le court intermède turc du Finale. Sans insister sur la sonorité ou la puissance, Thomas Zehetmair fait jouer la sensibilité et l’intelligence, la précision et le raffinement. Sans jamais céder à des alanguissements ou à des minauderies hors-propos, d’une précision redoutable dans les aigus, le violoniste allemand, qui joue ses propres cadences, sait remarquablement rendre les différents climats qui se succèdent dans cet ouvrage. Dans les tutti, il joue avec les premiers violons, un exemple parmi d’autres d’un souci constant de ne pas se mettre systématiquement en avant et d’une envie de faire, en toute humilité, de la musique avec “son” orchestre, qui le soutient à la perfection, incisif et allant droit à l’essentiel.

 

C’est ensuite une pièce composée par Zehetmair lui-même qui fait suite, sa “Passacaille, Burlesque et Choral pour orchestre à cordes”, en création mondiale, une pièce qui parcours “à-rebours l’espace et le temps, du dodécaphonisme au choral grégorien “Pange lingua” de saint-Thomas d’Aquin”. On en retient le superbe Scherzo interprété en pizzicato, avant le majestueux Choral qui clôt ce véritable concerto pour 21 instruments à cordes. Enfin, la dernière oeuvre est de la main du grand Ludwig van Beethoven, composé en 1825 soit l’année du triomphal “Tour” de Lafayette dans tous les Etats-Unis, cinquante après les avoir quittés… L’ouvrage retenu est la Grande Fugue opus 133, morceau initialement destiné à être le Finale de son Quatuor opus 130, et considérée comme une des pièces parmi les plus radicales de son auteur, et qui provoqua l’incompréhension et le rejet tant du public que de la critique à l’époque de sa création. Aussi engagé que précis, l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes en livre un discours abrupt, violemment accentué, où les timbres râpeux des instruments semblent se livrer un combat furieux et sauvage. Et si cette approche rend pleinement justice à l’élément de lutte, toujours important dans la dialectique beethovénienne, la phalange auvergnate n’en maintient pas moins la tension dans les passages plus apaisés. Un morceau qui permet de juger de l’excellente forme de l’orchestre, que l’on languit de retrouver sous la baguette de son directeur musical ou d’un autre chef, comme cela sera le cas le 15 février prochain, où Zehetmair laissera sa baguette… au très médiatique Renaud Capuçon !

 

 

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CRITIQUE, concert. CLERMONT-FERRAND, Opéra-Théâtre, le 21 janvier 2024. “The Lafayette Tour” : Concert-Hommage au Marquis de La Fayette. Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, Thomas Zehetmair (direction). Toutes les photos (c) Droits Réservés

 

VIDEO : Teaser du “Lafayette Tour”

 

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