Les musiciens de l’Orchestre de l’Académie Sainte-Cécile de Roma ont débarqué à la Philharmonie de Paris. Ils ont ensoleillé le répertoire de Debussy, Prokofiev et Brahms. La musique de Brahms eut soudain des allures de bel canto. Brahms était-il devenu cousin germain de Puccini ? Tout cela a un charme fou. Grazie Roma !
C’est dans sa magnifique série des concerts d’orchestres internationaux que la Philharmonie de Paris a accueilli l’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia. Rien qu’à dire son nom, on entend déjà du Verdi ! A première vue, rien ne le distingue d’un autre grand orchestre symphonique. Mais à voir de plus près, on remarque que les seconds violons sont à droite, les contrebasses, surélevées, au fond à gauche. Cela n’est pas commun. Ce qui n’est pas commun, non plus, c’est l’arrivée de son violon-solo Andrea Obiso, les bras largement ouverts vers le public, tel un jeune premier de cinéma italien saluant son fan club. Par la suite, tout au long du concert, il faudra l’observer, accompagnant de mouvements du buste les élans de la musique, se soulevant de son siège dans les crescendi comme s’il était assis sur une chaise à ressort !
Pour anglais qu’il fût, l’admirable chef Daniel Harding, s’était mis lui aussi au diapason de l’Italie. Son interprétation de la Deuxième symphonie de Brahms eut une chaleur inaccoutumée. Il donna, oui, à ses nuances, à ses changements de tempi, à ses contours mélodiques des allures de bel canto. Il fallait entendre le vibrato qu’il réclama dans le premier thème du premier mouvement de la symphonie. Le second thème, à trois temps, avait presque des allures de valse. Dans les dix dernières mesures de ce même mouvement, lorsque les bois et les violons jouent en contretemps, on était proche du swing ! Il fallait aussi entendre l’entrée des violoncelles dans le début de l’Adagio : c’était du Puccini ! Quant aux grands éclats du Finale, ils auraient pu être de Verdi. Tout cela eut un charme fou. On adora et le public acclama !
Au début du concert, le Prélude à l’après-midi d’un faune, fut joué dans un tempo plutôt ralenti, avec un soin extrême du détail, comme si toutes les couleurs de l’orchestre se superposaient en un jeu subtil camaïeu. Le flûtiste Andrea Oliva fit merveille dans ses solos. Le Concerto de la soirée était le Deuxième de Prokofiev. Dressée comme une flamme dans sa robe-fourreau rouge, la violoniste Lisa Batiashvilli en fut une interprète idéale, aussi rythmique que lyrique, aussi virtuose que précise, mettant en relief tous les contrastes de l’œuvre. Prenant la parole, elle dédia sa performance à son peuple géorgien qui se bat pour la liberté. Le public l’approuva. Elle joua, en bis, un arrangement d’une aria de Bach pour violon et orchestre à cordes.
S’il fallait émettre une critique – il en faut toujours une ! – ce serait que les castagnettes ne fussent pas assez sonores dans le final du concerto. Prokofiev les avaient sollicitées de manière fort inattendue dans la perspective de la création de son concerto à Madrid. Elles ne furent pas assez mises en valeur. Et on eut droit, en bis, à un passage symphonique de Manon Lescaut de Puccini. L’extrait fut puissant, sonore, onctueux. Aucun doute, il ressemblait à du Brahms…
_______________________________
CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 2 décembre 2024. DEBUSSY / PROKOFIEV / BRAHMS. Lisa Batiashvili (violon) / Orchestra dell’Academia Nazionale di Santa Cecilia di Roma / Daniel Harding (direction). Toutes les photos (c) Ava du Parc