samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 14 décembre 2024. Gala lyrique pour les 80 ans de William Christie. Les Arts Florissants / William Christie (direction)

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Brigitte Maroillat
Brigitte Maroillat
De formation juridique, et passionnée de musique et d’opéra depuis l’adolescence, Brigitte Maroillat a collaboré à Opera Online en 2017/2018 puis à Forumopera.com de 2018 à 2024 avant de rejoindre ClassiqueNews. Elle est aussi administratrice de la page Facebook du baryton-basse José van Dam.

William Christie fêtait son quatre-vingtième printemps au cœur de l’hiver, hier soir à la Philharmonie de Paris. Un gala plein d’allant et d’humour à l’image du chef, et avec cette connivence unique qu’il a le don de cultiver avec la jeune génération. Cette complicité irradie en effet la scène, le chef multipliant les gestes d’affection envers les solistes. Qu’il les tienne par la main pendant qu’ils chantent ou les étreigne dans ses bras, on sent tout le bonheur du grand homme de partager avec cette jeunesse la parenthèse qui le fête.

 

Sous la direction de William Christie, tout semble aller de soi. Chœur et orchestre, tour à tour, font montre d’une aisance confondante et d’un spectre de couleurs riche et souple qui leur permettent de passer d’une pièce à l’autre, avec la virtuosité et l’expressivité requises. Les Arts Florissants sont ici au zénith de leur art, affichant puissance et nuances, cohésion et précision. La sonorité de l’ensemble est immédiatement reconnaissable, comme l’empreinte évidente des artistes qui ont atteint un haut degré de notoriété dans leur art.

 

Dans la lumineuse première partie du programme consacrée aux Indes Galantes de Rameau, l’ouverture annonce parfaitement la couleur et impose d’emblée une direction qui sait refléter toutes les péripéties et tous les atermoiements des personnages, de l’Entrée des sauvages au sublime « Forêts paisibles » porté par un chœur inspiré, d’une grande noblesse, avec juste ce qu’il faut d’effets sans jamais tomber dans l’emphase. Loin d’être uniforme (ce que l’on a parfois reproché au chef dans cette œuvre), la lecture de William Christie saisit toutes les opportunités pour varier les nuances, la puissance, le rythme notamment dans La Danse du Calumet de la Paix, avec un magnifique travail de percussion. Côté voix, c’est un show : Emmanuelle de Negri en Phani puis Zaïre, se distingue par une technique impeccable, et tout son art s’accomplit ici dans une diction ultra travaillée et un sens aigu des nuances. Elle forme un magnifique tandem avec le Don Carlos du jeune ténor Bastien Rimondi à la projection brillante, à l’ambitus sans limite, et à un parfait contrôle du souffle. Face à eux, le solide Renato Dolcini dont le charisme scénique et vocal est du plus bel effet pour Huascar puis Adario.

 

On retrouvera d’ailleurs le chanteur dans la seconde partie du programme où il campera un Roi d’Ecosse d’une grande noblesse au côté de l’Ariodante de Lea Desandre qui n’en finit pas de nous séduire. La mezzo-soprano dénoue souplement cette voix au grave dramatique, au médium moelleux finement ornementé. Il y a du velouté et du sensuel à chaque phrase musicale dans ce timbre suave et moiré. La diction d’une grande clarté et un travail détaillé sur les intonations confèrent beaucoup de théâtralité à son interprétation. Elle s’accorde aussi quelques fantaisies en dansant avec un William Christie, aux anges, sur les rythmes enlevés de Haendel. Plus en retrait la Ginevra d’Ana Maria Labin, d’une grande maîtrise technique mais moins impressionnante que sa collègue avec laquelle elle délivre cependant un beau duo « Bramo aver mille vite », les deux voix se mariant à juste et bel effet.

 

William Christie n’a jamais caché son vif intérêt pour une œuvre rare d’Haendel qu’il considère comme l’une de ses préférées et qu’il qualifie d’« incontournable » : L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato. Il l’a souvent exécutée en concert et il n’est donc guère étonnant de la retrouver dans son programme d’anniversaire. Pour porter cette œuvre, l’Écossaise Rachel Redmond allie une voix suave et ronde à un art raffiné de la vocalise. Son soprano délié et frais illumine tout ce qu’elle chante. Son duo avec la flûte solo est à cet égard un enchantement. L’Anglais James Way a une belle autorité dans sa manière de projeter le son et dans sa diction parfaite. Aussi à l’aise dans l’humour que dans le sentiment, il est ici dans son jardin, autant qu’il l’est aussi dans Bach et Britten. La soprano Maud Gnidzaz introduit magnifiquement le « Thy pleasures, moderation, give » du chœur, d’une voix fraîche et colorée. Le phrasé est admirable et le texte est parfaitement articulé, vécu de surcroît avec simplicité et émotion.

Après ce programme, vint l’heure des surprises en forme de cadeaux d’anniversaire. Après avoir  dirigé, le chef est invité à s’asseoir dans un coin de la scène pour découvrir les guest stars qui ne se sont pas faites annoncées mais qui sont venues le surprendre (et le public avec) par leur présence. C’est ainsi que Natalie Dessay a déboulé sur scène comme un tornade, devant un Bill Christie stupéfait, pour faire frissonner d’émotion le public avec des pianissimi à fleur de lèvre dans l’air de Cléopâtre « Se pietà », de Giulio Cesare. Vinrent ensuite son époux Laurent Naouri et un Nelson Monfort au sommet de sa forme, abordant William Christie (in english of course !) comme s’il était un sportif de haut niveau. C’est sur une note réjouissante (un Happy Birthday chanté d’une seule voix par le public et les artistes) que s’est achevée cette célébration en forme de feu d’artifice dont le fil conducteur était le plaisir évident de faire de la musique ensemble. Non sans quelques mots encore du grand Bill, rappelant Ô combien la France, sa terre d’adoption, a joué un rôle essentiel dans sa vie et sa carrière depuis 55 ans.

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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 14 décembre 2024. Gala lyrique pour les 80 ans de William Christie. Les Arts Florissants / William Christie (direction).  Toutes les photos © Brigitte Maroillat

 

 

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