mardi 29 avril 2025

CRITIQUE, concert. MONACO, le 21 janv. 2023. WEINBERG, PROKOFIEV. Orchestre Philharmonique de Monte Carlo, Mirga Grazinyté-Tyla / Thierry Amadi.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Parmi les jeunes cheffes d’orchestre qui montent, la lituanienne Mirga Grazynité-Tyla – actuellement en poste au City of Birmingham Symphony Orchestra (dont l’actuel directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, le japonais Kazuki Yamada, prendra bientôt les rênes…) – est en train de se faire un nom, et s’avère parmi les plus demandées au sein des grandes formations symphoniques. L’OPMC ne fait pas exception, et c’est bien naturel qu’il l’ait invitée à diriger la phalange monégasque, d’abord dans le Concerto pour violoncelle du compositeur polonais Mieczysaw Weinberg (dont la cheffe est devenue la grande spécialiste mondiale !), puis dans la plus coutumière Suite d’orchestre extrait du Roméo et Juliette de Serge Prokofiev.

 

 

La géniale Mirga Grazynité-Tyla à Monte-Carlo !

 

Mieczysaw WEINBERG : Concerto pour violoncelle, op.43 – Composé en 1948, l’ouvrage n’a été créé que dix ans plus tard par Rostropovitch, une fois que la terreur stalinienne et la censure de Jdanov ne risquaient plus de reprocher à cette œuvre sa mélancolie et ses élans Klezmer. Écrite pourtant onze ans avant le Concerto pour violoncelle n° 1 de Chostakovitch, l’œuvre partage bien des affinités avec les concertos de son ami et mentor russe, au travers de mélodies aussi méditatives que captivantes, en plus d’un humour souvent grinçant, une rage contenue, une ambivalence finale entre espoir et désespoir. La cheffe en donne une interprétation exemplaire, sans en forcer le trait, et c’est merveille de voir ce petit bout de femme (physique qu’elle partage avec sa collègue ukrainienne Oksana Lyniv) maitriser l’orchestre avec un geste aussi sûr que franc, main d’acier dans un gant de velours. Violoncelliste solo de l’OPMC, Thierry Amadi y fait preuve d’une musicalité et d’une ampleur peu communes, et reçoit de justes vivats de la part d’un public venu plus en nombre que de coutume dans l’immense Auditorium Rainier III de Monaco. En bis, il est rejoint par ses deux acolytes Liza Kerob (violon solo) et Federico Hood (alto solo), avec lesquels ils forment le Trio Goldberg, pour une exécution du finale du Trio à cordes op. 48 du même Weinberg, qui dégage une réelle émotion.

 

En seconde partie de soirée, place à l’opus de Prokofiev, couramment mis à l’affiche des salles de concert. A l’évidence, la conception de Grazynité-Tyla est avant tout dramatique et théâtrale, au meilleur sens du terme : même sans le support visuel du ballet, « on s’y croirait ! », pourrait-on dire, tant le réalisme des diverses scènes est bien rendu. Remarquable par ses choix de tempi, qui s’imposent avec évidence, la cheffe joue à plein des ressources de l’OPMC, tant en dynamique, éclatante, qu’en rigueur et précision autant rythmique que d’ensemble, sans occulter des jeux de couleurs et de timbres propres à l’expression choisie. Au fil des numéros, sa direction s’avère aussi convaincante dans les épisodes sardoniques, combatifs et violents que dans le suave et le poétique. Depuis les arrogants Montaigus et Capulets, la délicieuse et sautillante Juliette jeune fille, la poétique et voluptueuse scène du balcon, la très expressive et violente mort de Tybalt, la paisible et consolatrice scène de Frère Laurent, la gracieuse et sensuelle danse des jeunes filles des Antilles, le lamento pour les funérailles de Juliette, auquel succède, en guise d’adieu, la pathétique mort de Juliette, qui s’achève ici dans un souffle…

Bref, une interprétation où l’exaltante cheffe lituanienne n’omet aucun détail d’une orchestration extraordinaire d’inventivité, scellant ainsi de magnifiques noces avec une phalange… dont il se murmure qu’elle pourrait, en échange de bons procédés, permuter avec Maestro Yamada !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. MONTE-CARLO, le 21 janvier 2023. Mieczysaw Weinberg : Concerto pour violoncelle, op.43 ; Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, Suite d’orchestre 1&2. Orchestre Philharmonique de Monte Carlo, Mirga Grazinyté-Tyla / Thierry Amadi – Photo Grand format © JL Neveu / Petit format © Emmanuel Andrieu

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VIDÉO / extrait : Mirga Grazinyté-Tyla dirige la Symphonie N°7 de Mieczysaw Weinberg

 

 

 

 

 

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CD – LIRE notre critique complète des Symphonies n°3, n°7 de WEINBERG par Mirga Grazinyté-Tyla /CLIC de CLASSIQUENEWS :

WEINBERG : Symphonie n°3, n°7, Concerto pour flûte –  Mirga Gražinytė-Tyla (1 cd Deutsche Grammophon). De toute évidence, le catalogue de Weinberg est l’apport le plus important depuis les 2 dernières décades, à l’histoire symphonique du XXè. Ce qui s’apparente telle une intégrale en cours chez DG Deutsche Grammophon, comble évidemment un manque évident, qu’il est temps de réparer. D’autant que le compositeur a laissé 27 symphonies. Après ses précédents enregistrements des Symph 1 et 21 (DG, 2019), la cheffe lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla (née en 1986) convainc tout autant, dès la Symphonie n°7 qui associe les notes cristallines du clavecin au nuage orchestral, entamant entre les deux, un dialogue sonore des plus captivants (les deux premiers mouvements). Le Scherzo halluciné s’impose par son réalisme dramatique sans concession. Il fusionne la répétition incisive du clavecin et les cordes de l’orchestre, dans un climat d’inquiétude acide puis de transe panique, avant que les accords ténus, …

 

 

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