samedi 12 octobre 2024

CRITIQUE, concert. LA ROCHELLE, église du Sacré-Cœur, le 8 septembre 2024. PERGOLESI : Concerti, Stabat Mater. Jehanne Amzal / Coro della Pietà de La Rochelle / La Fenice aVenire, Jean Tubéry (direction).

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Le festival AGAPÉ célèbre Marie et propose un programme musical en parfaite concordance avec le thème marial. Dans le respect des valeurs humaines qu’il défend et qui sont au coeur de son projet artistique, le festival invite le très convaincant chef Jean Tubéry et son ensemble La Fenice aVenire. Méditation, communion, partage accordent ainsi musique et spiritualité dans le sentiment fraternel et dans le respect de l’autre. Le concert souligne aussi combien pour Jean Tubéry la transmission est essentielle dans l’activité et le fonctionnement de La Fenice ; parmi les instrumentistes présents ce soir, nombreux sont ceux qui auprès du maestro, ont tout appris du métier : un apprentissage sur la durée fondée sur l’exigence artistique autant que les valeurs humaines.

 

 

 

La soirée à l’église du Sacré Cœur de La Rochelle affiche un programme dédié à PERGOLESI (Jean-Baptiste Pergolèse) ; il s’inscrit ainsi idéalement dans le calendrier liturgique, ce 8 septembre [mettant en avant la Nativité de la Vierge], suivi le 15 sept, de la Messe de la Vierge douloureuse (des 7 douleurs), en particulier [en relation avec le Stabat Mater], la mère frappée par la mort du Fils crucifié, sa douleur et son humble dignité, telles qu’elles rayonnent dans la sublime partition du compositeur baroque Napolitain (1736). La force des textes (transmis par le franciscain Jacopone da Todi), le genèse elle-même de l’opus qui composé au moment de la mort du musicien pourtant très jeune [à 26 ans], en fait son testament musical et intime-, la subtilité de l’écriture, au delà du choix des effectifs, le sentiment de compassion et d’intime souffrance qui traverse tout le cycle (sans omettre signe du génie, la conclusion énoncée comme une espérance)… jaillissent avec éclat, grâce à l’interprétation de ce soir.

En première partie, collection de pièces instrumentales [Concerti] qui soulignent l’inspiration ciselée, naturelle [et théâtrale] du génie baroque, et dans le même temps, la grande sensibilité des instrumentistes de La Fenice, apte chacun à sculpter la matière sonore et à répondre à cette exigence agogique recherchée par le chef pour lequel le sens profond des œuvres importe autant que la finesse du geste musical. C’est assurément cette alliance experte du fond et de la forme qui fonde depuis toujours la pertinence de chaque programme élaboré par Jean Tubéry. Le chef nous gâte en jouant une pièce pour flûte [Adagio-Allegro] ; la rondeur fruitée de l’instrument admirablement maîtrisé, enrichit encore ce portrait contrasté de PERGOLESI, compositeur accompli et singulier, y compris ainsi dans le genre pastoral.

Cette cohérence programmatique s’impose dans la seconde partie où la lecture du Stabat Mater rayonne par sa grande cohérence expressive, le souci des contrastes, la finesse des intentions qui servent les images bouleversantes du texte latin.

L’opus est introduit par le plain chant, deux voix de femmes – les deux solistes, soprano et alto, faisant vibrer tout le vaisseau de l’église, insufflant ce caractère de célébration et de méditation qui est au cœur du Stabat.
L’évocation de la Vierge endeuillée bouleverse littéralement, en particulier dans la séquence du « Vidit suum dulcem. Natum« , instant suspendu où la Mère exprime la mort de Jésus entre tendresse et désespoir – les paroles « dum emisit spiritum« , étant la borne de ce tableau d’un sublime suspendu et tragique quand les mots suggèrent très précisément (et avec pudeur) l’esprit quittant le corps du Fils… Il est vrai que le soprano velouté et enivré, subtile et nuancée, qui vit et suggère le texte avec une splendide ductilité de Jehanne Amzal, affirme un chant d’une grande finesse, sans pathos, d’une sincérité irrésistible. La cantatrice éblouit d’ailleurs de bout en bout, avec le chœur de femmes [Coro della Pietà de La Rochelle] : timbre melliflu, tendresse naturelle, lumineuse exaltation… en elle, s’incarne chaque accent du dolorisme marial d’un Pergolèse qui préfigure la tendresse d’un Bellini. Lui répond d’ailleurs le relief détaillé, mordant, et aussi caressant, d’une grande acuité rythmique du continuo emmené par l’excellente violon 1, Anaelle Blanc-Verdin.

 

Douleur endeuillée de la Vierge
tendresse compatissante de la musique

Plusieurs instants de grâce parcourt le cycle des 12 tableaux sur le texte du XIIIème. Aux côtés du « Vidit suum dulcem Natum« , le plus long duo des deux solistes « sancta Mater, istud agas » est un autre absolu compassionnel, d’une plénitude partagée, où l’alto de Clara Pertuy, répond et fusionne avec le soprano de Jehanne Amzal. D’autant plus que le continuo d’une précision arachnéenne, ce dès l’inéluctable tragique et sombre du début, porte l’édifice avec l’incandescence requise,… On songe immédiatement dans ce chambrisme à le fois recueilli et mordant au Haydn des 7 Paroles du Christ, filiation directe dans la réalisation d’une musique méditative et d’une grande finesse expressive.
Comme habité par l’urgence intérieure du texte, le geste du chef ajuste, équilibre les parties, enveloppe le cycle dans une tension souple et recueillie ; il trouve un point d’équilibre idéal entre la tentation lyrique et l’abstraction mystique, entre opéra et oratorio.
Sa compréhension profonde du texte, éclaire la très grande charge émotionnelle de la musique écrite par un Pergolesi malade et condamné et qui dans la dernière strophe « quando corpus morietur » évoque la mort elle-même dans l’espoir du Paradis.
Au mérite du chef revient une lecture particulièrement attentive à chaque image d’un texte parmi les plus bouleversants de la littérature sacrée.

La participation du chœur féminin (Coro della Pietà de La Rochelle) permet ici de réaliser la version moins connue du Stabat avec chœur [à 3 parties], de sorte que la performance est aussi une expérience humaine exemplaire, en cela emblématique des valeurs défendues par le Festival AGAPÉ : étoffer et renforcer la richesse humaine du geste artistique en associant au concert, la participation d’un choeur de femmes non professionnelles, toutes originaires de La Rochelle ; les chanteuses se sont immergées dans la préparation du concert [comprenant aussi, en une conclusion pleine d’espérance, un extrait du Gloria de Vivaldi] sous la direction de Jean Tubéry, avec l’exactitude et la précision que nous lui connaissons. Rendez-vous est déjà pris pour le prochain concert AGAPÉ, l’année prochaine.

 

Photos : crédit classiquenews 2024

 

 

LIRE aussi notre présentation du Stabat Mater de Pergolesi par La Fenice aVenire / Jean Tubéry au festival AGAPÉ de La Rochelle : https://www.classiquenews.com/festival-agape-la-rochelle-dim-8-sept-2024-la-fenice-avenire-jean-tubery-pergolesi-stabat-mater-concertos/

 

FESTIVAL AGAPÉ, LA ROCHELLE, dim 8 sept 2024. La FENICE aVENIRE. Jean Tubéry. PERGOLESI : Stabat Mater, concertos.

 

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