samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, festival. BEAUNE, Festival International d’Opéra baroque et romantique (Basilique Notre-Dame), le 7 juillet 2024. J. S. & C. P. E. BACH (Motets et Cantates). INSULA ORCHESTRA / ACCENTUS / Laurence Equilbey (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Déjà présenté à Pâques à la Seine Musicale où la formation orchestrale (jouant sur instruments d’époque) Insula Orchestra a sa résidence habituelle, le programme réunit à nouveau – cette fois au Festival International d’Opéra baroque et romantique de Beaune -, les Bach, père et fils, soit Johann Sebastian et Carl Philip Emanuel. Une sainte filiation qui éblouit par sa lumière musicale, et dans le choix des partitions, Motets et Cantates, rétablit la trajectoire spirituelle du temps pascal : ferveur, lamentation, mort et Résurrection. Des Motets spirituels et mystiques, aux Cantates dramatiques et ferventes, le programme propose un parcours semé de joyaux sonores, des ténèbres à la pleine lumière (« De l’abyme à la lumière » comme est intitulé le concert).

 

 

Laurence Equilbey réalise ici, dans la superbe Basilique Notre-Dame de Beaune, une subtile cathédrale sonore, jouant sur les effets colorés des timbres instrumentaux (référence aux vitraux), jusqu’à l’intensité d’accents proprement éblouissants. Le tout d’une main experte qui sait détailler et construire l’édifice musical dans la clarté et dans une texture de plus en plus transparente à mesure que la promesse de la Résurrection se fait plus présente. Bois, vents, cuivres et cordes « historiques » dévoilent de somptueuses nuances, nimbant les textes d’un surcroît de poésie suspendue. L’incise des textes, tous exprimant les attentes des croyants confrontés au Mystère, profite de l’engagement entier et organique de la cheffe, à la battue précise et énergique – et des instrumentistes dont le geste synchronisé produit une texture riche, caractérisée, de plus en plus aérienne.

Ce soir, le plateau est même fastueux : aux instrumentistes d’Insula Orchestra, répond la même infaillible implication des voix du Chœur Accentus, elles aussi claires et détaillées, produisant cette matière céleste, véritable nuage spirituel qui appelle à la méditation et conduit à la… transcendance. Les solistes réunis offrent des tempéraments aussi individualisés que les instruments : de quoi pour chaque air ou ensembles, réussir l’incarnation des prières. Saluons le baryton suave et homogène de Victor Sicard, le souffle de l’alto Rose Naggar-Tremblay comme l’angélisme de la soprano Emmanuelle de Negri… Mais reconnaissons que la révélation de la soirée – en justesse, sincérité et intensité, demeure le ténor éblouissant du britannique Gwilym Bowen : la voix resplendit dans la lumière.

Aux côtés des Motets, les Cantates affirment cette entente superlative entre l’orchestre et le chœur fondés et dirigés par Laurence Equilbey. La maîtrise dramatique des effectifs se révèle très convaincante dans le répertoire des Bach, père et fils. Et distinguons surtout la Cantate du fils, datée de 1776, intitulée « Heilig ist Gott » – d’autant plus appréciée qu’elle demeure très rare en concert. Accents, souffle, ampleur préromantique aussi de certaines séquences… l’écriture préclassique de CPE dévoile des trésors d’intimisme psychologique, d’une somptueuse introspection, pour les voix comme pour les instruments.

C’est un triomphe amplement mérité, et avec un public tellement conquis, que Laurence Equilbey lui propose un bis : le Motet « Lobet den Herrn » (BWV 230), dont l’attribution est contestée, mais dont Mme Equilbey assure bien la paternité au Kantor de Leipzig !

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CRITIQUE, concert. BEAUNE, Festival International d’Opéra baroque et romantique (Basilique Notre-Dame), le 7 juillet 2024. J. S. & C. P. E. BACH (Motets et Cantates). INSULA ORCHESTRA / ACCENTUS / Laurence Equilbey (direction). Photos (c) Ars Essentia.

 

Programme :

Johann Sebastian Bach
Suite pour orchestre n°4 en ré majeur, BWV 1069, ouverture
Cantate « Aus der Tiefe ruf ich zu dir », BWV 131
Motet « Komm, Jesu, komm », BWV 229
Motet « Jesu meine Freude », BWV 227
Cantate « Alles nur nach Gottes Willen », BWV 72
Suite pour orchestre n°4 en ré majeur, BWV 1069, réjouissance

Carl Philipp Emanuel Bach
Motet-cantate « Heilig ist Gott » Wq.217
Motet « Lobet den Herrn », BWV 230 (bis)

 

Parcours INSULA ORCHESTRA 2024

 

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