mardi 17 septembre 2024

CRITIQUE, concert. BEAUNE, Hospices de Beaune, le 8 juillet 2023. HAENDEL : Theodora. S. Junker, P. A. Bénos-Djian, D. Savinova… Millenium Orchestra / Chœur de Ch. de Namur / L. Garcia Alarcon.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Le premier Week-End du 41ème Festival International d’Opéra baroque et romantique de Beaune célébrait Purcell (nous y reviendrons plus bas) et Haendel, au travers du “plus bel oratorio” du Caro Sassone, tel que le chef baroque Leonardo Garcia Alarcon le formule en préambule de la soirée mettant à l’affiche ‘Theodora’ (1750) dans la cour des majestueuses Hospices de Beaune. Mais les propos d’avant-concert du chef argentin s’avèrent avant tout un hommage à Kader Hassissi, cofondateur du festival (aux côtés de son épouse Anne Blanchard), brutalement disparu quelques jours après la fin de la dernière édition (en 2022).
Chef d’oeuvre sublime et insolite, Theodora est le seul oratorio de Haendel dont le livret n’est pas tiré de la Bible, mais d’un roman destiné à l’éducation des jeunes gens, s’appuyant sur l’hagiographie à des fins moralisatrices. En résulte une partition intimiste et dramatique, qui voit les sentiments amoureux et religieux se mêler de façon étonnante, l’inspiration du compositeur ne quittant jamais les sommets.
La soprano belge Sophie Junker offre à Theodora la douceur qu’on lui connaît, tout en se haussant à la hauteur des exigences vocales de son personnage, à force de fervente humilité et de discipline vocale. A la place de Christopher Lowrey initialement annoncé, c’est au final le jeune contre-ténor français Paul-Antoine Bénos-Djian qui incarne Didymus (après avoir abordé le rôle au TCE il y a deux ans) : il subjugue l’auditoire par la beauté intrinsèque du timbre et la perfection des vocalises, livrant un chant qui se pare aussi de mâles accents (pour exprimer les révoltes morales du soldat romain), dont il incarne avec conviction l’ingénuité obstiné autant que la ferveur religieuse. Le chant de la basse allemande Andreas Wolf est plus fruste, mais sa morgue autoritaire “colle” bien au personnage malfaisant qu’est Valens. Le ténor américain Matthew Newlin butte sur les vocalises de son premier air, mais ne donne pas moins beaucoup de relief à Septimius, grâce à son engagement vocal. Comment résister, enfin, à la mezzo estonienne Dara Savinova dont les riches couleurs de la voix et le magnifique phrasé font d’Irene une figure centrale, livrant notamment un “As with rosy steps” de toute beauté, avant un “Defend her, Heav’n!” qui suscite des applaudissements nourris.
L’excellent Chœur de chambre de Namur se montre de bout en bout magnifique, superbe de plénitude sonore et de musicalité, suffisamment véhément lorsqu’il dépeint les romains ; grandiose de ferveur lorsqu’il s’agit des chrétiens. Et le fait qu’il ne se contente pas d’être aligné derrière l’orchestre (ce qu’il ne fera qu’en toute fin de soirée), mais qu’il se meut sans cesse en prenant place parmi le public ou dans les coursives des hospices, ajoute à notre bonheur de spectateurs. De même, le Millenium Orchestra, également basé à Namur,  fondé en 2014 et dirigé par Leonardo Garcia Alarcon, n’encourt aucun reproche. Plus solennelle que théâtrale, sa direction (depuis son clavecin) ne fait que souligner l’ambiguïté d’une œuvre étreignante dont le message, bien malheureusement, n’a rien perdu de son urgence…

Un mot, en guise de conclusion, sur le concert mettant à l’affiche l’Ode à Sainte Cécile de Purcell (plus quelques courtes autres pièces chorales du maître anglais) – la veille de cette Theodora (en ouverture du festival) à la Collégiale Notre-Dame -, dirigé par Paul McCreesh à la tête de son ensemble Gabrieli Consort & Players. Dès la monumentale “symphony” introductive, on ressent la joie et la fraîcheur dont est emplie la partition, que tempèrent les somptueuses harmonies déployées dans les mouvements lents. La poésie est de chaque instant, avec les deux moments d’exception que sont le trio “With that sublime Celestial Lay” et le chœur final “With rapture”, toute de pâmoison contemplative. Parmi les treize chanteurs réunis ici, la palme revient aisément au contre-ténor britannique Tim Mead qui interprète le périlleux “Tis Nature’s voice”, délivré avec autant de flamme que de nuances.

 

Photos © Ars-Essentia

 

 

 

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CRITIQUE, concert. BEAUNE, Hospices de Beaune, le 8 juillet 2023. HAENDEL : Theodora. S. Junker, P. A. Bénos-Djian, D. Savinova… Millenium Orchestra / Chœur de Chambre de Namur / Leonardo Garcia Alarcon. Photos © Ars-Essentia

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