
Placé sous la direction musicale de la cheffe israélo-brésilienne Déborah Waldman depuis 2020 (tandis qu’Alexis Labat a repris le flambeau – pour sa direction générale – des mains de Philippe Grison en décembre 2021), c’est peu de dire que l’Orchestre National Avignon Provence mérite bel et bien son label acquis en même temps que l’arrivée de sa cheffe, tellement les progrès réalisés par la formation provençale sont flagrants – après que nous ayons pu assister à un concert symphonique à l’Opéra Grand Avignon, dirigé non pas par Waldman mais par le non moins excellent chef français Jean-François Verdier, qui préside lui la destinée de l’Orchestre Victor Hugo Franche Comté (à Besançon).
Mettant en valeur tous les pupitres de l’orchestre, le premier morceau symphonique de la soirée, “Incanto” (2001), est une courte page typique de l’écriture du compositeur français Eric Tanguy : modale, virtuose… et toujours en mouvement ! Mais bien que spectaculaire, cette pièce est portée par un flot continu, sans pause et sans silence, qui s’apparente à un discours musical quelque peu verbeux. On lui préfère les aussi rares que magnifiques “Chant bibliques” (1894) d’Antonin Dvorak, magnifiés par la superbe voix de la jeune mezzo Eugénie Joneau, Révélation dans la catégorie Artiste lyrique de l’année aux Victoires de la Musique en 2022 (et plus récemment, en 2023, Second Prix du plus prestigieux concours de chant au monde : le Concours Operalia !). “Les chants bibliques” sont en fait une sélection de psaumes de David, chantés en tchèque, que Dvorak écrivit pendant son exil new-yorkais. Le cycle, relativement court, développe des accents de prière lyrique, entre intimité et extériorité, l’expression suivant au plus près les sentiments développés par le texte. Baigné de nostalgie et d’émotion, le cycle permet au registre grave de la chanteuse (et à son timbre magnifique) – très bien soutenue ici par l’ONAP – de faire des merveilles et d’enchanter nos oreilles.
En seconde partie, place à la célèbre 7ème Symphonie de Ludwig van Beethoven, qui révèle surtout la qualité et l’homogénéité acquises par la formation symphonico-provençale depuis l’arrivée de Déborah Waldman. Jean-François Verdier tente, dès les premiers instants, de dynamiser des cordes encore dans la retenue au Poco sostenuto. Mais déjà les bois, première flûte et premier basson en tête, présentent une superbe clarté, et si le chef cherche avant tout – dans le délié et la netteté des phrases – à faire respirer l’ouvrage beethovénien, il montre aussi par la vigueur de sa direction quelle belle densité il sait donner aux cordes. L’Allegretto est parfait dans sa mise en valeur du thème récurrent génial écrit par Beethoven, mais l’interprétation impressionne encore plus à partir du Presto, fantastique d’intrépidité et de luminosité. L’Allegro con brio achève l’œuvre avec la même vigueur, pour une prestation de grande qualité que l’on doit à un Orchestre National Avignon Provence à la hauteur de son label “national”. Mais le public avignonais n’en ai pas resté là, et c’est ensuite un vibrant hommage que le chef et l’orchestre ont rendu à l’immense chef japonais Seiji Ozawa, disparu deux jours plus tôt, avec une trés émouvante interprétation de la déchirante ouverture « Rosamunde » de Franz Schubert.
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CRITIQUE, concert. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 9 février 2024. TANGUY/DVORAK/BEETHOVEN. Eugénie Joneau (mezzo), Orchestre National Avignon Provence, Jean-François Verdier (direction). Photos © Emmanuel Andrieu
VIDEO : Déborah Waldman dirige l’Orchestre National Avignon Provence dans la Symphonie N°65 de Josef Haydn
