Le concert symphonique inaugural du 22ème LILLE PIANO(S) FESTIVAL célèbre ce soir au Casino Barrière, les noces réjouissantes d’un clavier impérial et d’une phalange immédiatement réactive, celle de l’Orchestre National de Lille [initiateur du présent festival] lequel, retrouvant son chef fondateur Jean-Claude Casadessus, redouble d’éloquence poétique.
Le clavier défendu ce soir est des plus engageants ; dès les premiers accords du piano, le jeu puissant, radical qui sait rugir [mais aussi bercer voire enivrer littéralement], affirme l’ardente sensibilité du pianiste ouzbek BEZHOD ABDURAIMOV ; sa virtuosité diabolique, lisztéenne, captive, ensorcèle même, dans de somptueux phrasés, réalisés par une digitalité éblouissante qui semble unir et Apollon et Jupiter, la grâce mozartienne, et l’assise impériale d’une conception remarquablement construite.
Le style est brut ; le geste sûr, solide, droit, mais aussi d’une subtilité souvent envoûtante ; en somme, il dévoile peu à peu les dons surprenants d’un tempérament manifeste : ceux d’une finesse volcanique.
Ouverture du 22ème LILLE PIANO(S) FESTIVAL : Magistrale !
Le pianiste entame un dialogue des plus animés avec l’Orchestre lillois qui sous la baguette hypersensible et très allante de Jean-Claude Casadesus, cisèle toutes les séquences idéalement contrastées du premier concerto de Tchaikovsky, réalisées ce soir avec un feu millimétré… D’autant que le compositeur réserve plusieurs cadences infernales, rythmiquement puissantes, entraînant orchestre et piano dans une course échevelée, en particulier dans l’ample premier mouvement…
PIOTR illytch aime aussi colorer par les vents et les bois chaque épisode ; il en fait jaillir des élans de tendresse, des appels à la rêverie [solo du violoncelle amoureux voluptueux, repris ensuite par le hautbois dans le même premier mouvement], d’une prodigieuse effusion sous des doigts aussi souples et percutants, et dans une enveloppe orchestrale des plus complices.
On ne cesse de penser en particulier dans le mouvement central à la musique des ballets que Tchaikovsky a porté à un niveau inédit. Le jeu du pianiste y semble ciselé, perlé, d’une finesse en apesanteur.
Le chef sait instaurer comme rarement un dialogue passionnant entre le soliste et l’Orchestre qui répond, accompagne, amplifie, commente, favorise en somme du début à la fin, une saisissante entente entre les forces réunies, chacune porteuse selon le souhait de Tchaikovsky, d’une vie intérieure riche et continue.
En ouverture du festival 2025, on ne pouvait souhaiter meilleur lever de rideau : engagement orchestral total, aussi fin et articulé, que puissant et expressif ; un bain symphonique idéal d’autant plus convaincant que dans un jeu concertant d’une somptueuse intelligence, le pianisme de Bezhod Abduraimov, fusionne élégance virtuose, phrasés oniriques, puissance d’un jeu d’une rare intensité. Il a troqué le factice et l’artificiel pour une ardeur crépitante, un jeu félin et nerveux qui transforme le son en sentiment. De quoi poursuivre ainsi une belle carrière. Talent à suivre évidemment.
En début de programme, Jean-Claude Casadesus joue l’ouverture d’Oberon de Weber, un prodige de délicatesse qui immédiatement déploie une sonorité cohérente et voluptueuse, transparente et secrètement lumineuse… pour préparer au jaillissement de la valse et à l’explosion impérieuse de la fin. En conteur généreux, Jean-Claude Casadesus fouille et révèle chaque accent et nuance, le maestro inscrit Weber dans le sillon de Mozart, dans la lumière et l’élégance d’un Mendelssohn, autant de caractères qui ont suscité l’admiration du jeune Wagner [qui aurait même reconnu devoir à Weber sa vocation de musicien… c’est dire!].
De fait, Jean-Claude Casadesus en exprime le raffinement de l’écriture, mais aussi la séduction des mélodies et la construction véritablement opératique [qui suit précisément les enjeux du drame Shakespearien]. S’y déploient le caractère du rêve, les querelles amoureuses entre Titania et Oberon, l’atmosphère nocturne et féerique d’une nuit d’enchantement et de métamorphoses [cf MIDSUMMER NIGHT ‘S DREAM, l’ opéra de Britten et évidemment de Mendelssohn…],.. Le maestro exprime le flux séducteur qui prépare à l’explosion spectaculaire produisant une exaltation impérieuse, vrai feu d’artifice exprimé dans une jubilation explosive et pourtant toujours suprêmement élégante. Magistrale inauguration qui annonce une nouvelle édition du Festival, exaltante.
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SUITE du 22 ème LILLE PIANOS FESTIVAL, les 14 et 15 juin 2025 : LIRE notre présentation et nos coups de cœur ici : https://www.classiquenews.com/lille-pianos-festival-2025-les-12-13-14-et-15-juin-2025-orchestre-national-de-lille-jean-claude-casadesus-orchestre-de-picardie-antwerp-symphony-orchestra-bertrand-chamayou-dmytro-choni-lu/https://www.classiquenews.com/lille-pianos-festival-2025-les-12-13-14-et-15-juin-2025-orchestre-national-de-lille-jean-claude-casadesus-orchestre-de-picardie-antwerp-symphony-orchestra-bertrand-chamayou-dmytro-choni-lu/
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