vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, cinéma. « Maria » de Pablo Larraín (avec Angelina Jolie)

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Salué à la Mostra de Venise, le biopic consacré aux derniers jours de Maria Callas s’affiche sur nos écrans ce mercredi 5 février. Dans le rôle-titre, Angelina Jolie fait ce qu’elle peut mais reste prisonnière d’une réalisation mièvre et convenue.

 

Le film s’ouvre avec la mort de la diva, allongée sur le parquet d’un vaste salon, entourée de quelques personnes figées. Des brancardiers surgissent, silencieux plus que discrets. Suivent des images d’archives reconstituées (en noir et blanc pour nous aider à comprendre que c’était avant) tandis qu’Angelina Jolie prête le mouvement de ses lèvres à l’Ave Maria d’Otello (sous la direction de Nicola Rescigno), pour nous aider à comprendre que c’est triste… Flash-back de quelques jours. Voici la Callas qui parle avec ses domestiques, se préoccupant faussement du mal de dos de l’un (Ferruccio Mezzadri), à qui elle impose les incessants déplacements de son piano à queue, narrant ses insomnies à l’autre, qui cuisine, entourée de deux caniches frisés (hideux). Puis, tandis que Bruna Lupoli fait frire une omelette, elle chante Casta Diva a capella. Un caniche gémit pour nous aider à comprendre que Callas peut mieux faire. C’est confortable, on est bien.

 

Elle fume trop, se nourrit peu, avale des cachetons : à ce moment du film, on est en droit de se demander si elle est bien dans sa peau. Heureusement, les dialogues sont ciselés : « What did you take ? », « I took liberties, all my life. And the world took liberties with me ». On observera que cette blague avait déjà été utilisée dans un film de John Ford (« Liberty Valance taking liberties with the liberty of the press »), rendons au moins grâce aux dialoguistes de Maria qu’ils sont cultivés. La voici qui se promène au Trocadéro. Surprise : les touristes sont en fait des choristes et l’on entend le Trouvère. Pour Callas, on comprend que la musique est partout. Au moindre bruit de klaxon, on se surprend à s’interroger : serait-ce du Gershwin ? Du Varese ? L’hallu se poursuit. Devant une église, avec des musiciens et des choristes stoïques sous la pluie (mais pourquoi ?), le chœur à bouche fermée de Madama Butterfly se fait entendre. Les choristes sont en tenue traditionnelle, elles tiennent des lampions, sans doute parce que c’est joli, et Maria, grimée, penche la tête à gauche puis à droite. « Rain and tears are the same », elle pleure. EMOTION.


Interviewée par un journaliste qui arbore un col de chemise pelle à tarte (so 70s), elle sourit tandis qu’au-dessus d’elle un métro aérien surgit, dans sa belle livrée verte et blanche pas du tout 70s, allô la post-prod ? A une terrasse de café, elle engueule un fan, elle est irascible, puis, à l’intérieur du café, engueule le serveur (on a tous rêvé de faire ça un jour…). Entretemps, elle prend des cachets, n’en prend plus, balance quelques anecdotes, essaye de chanter à nouveau mais quand ça veut pas hein… On a un plan appuyé sur son stock de médocs. Le docteur Fontainebleau (oui, comme dans Don Carlo) est incarné par Vincent Macaigne, c’est drôle). Il énonce : sédatifs, tranquillisants, stéroïdes… De quoi gagner plusieurs fois le Tour de France. On est tristes tout de même, on se dit que ça va mal finir, surtout que Vincent Macaigne est tout tristounet.

 

Un peu d’Onassis, quelques reconstitutions scéniques (très très brèves), un piano qu’on déplace, John Kennedy renvoyé dans ses 22 mètres et des caniches, le film poursuit son travail mémoriel gnan gnan, avec application. Dans le vaste appartement de l’avenue Georges Mandel, Pablo Larraín multiplie les mouvements de caméra, tous d’une lenteur millimétrée. Mais il ne suffit pas d’une lumière sépia (esthétique du moment pour les années 1970, comme si cette décennie s’était déroulée dans un nuage de soufre) et de gros lustres à la lumière faiblarde pour être Visconti. On sait que Wim Wenders a utilisé des films en super 8 pour donner plus de véracité à son Paris Texas (1984). En bon élève, Pablo Larraín fabrique donc des faux films super 8 (une image dégueu, ça suffit) pour faire vrai. C’est cheap et toc.

Noyé dans les anecdotes, le film s’avère incapable d’aborder son véritable sujet : une cantatrice qui n’a plus sa voix. Le réalisateur se contente de deux ou trois séances d’essais au piano. Rien de plus. Pourquoi ? Parce qu’il répugne à montrer ce sujet si peu cinématographique (sauf à avoir du talent) qu’est le travail, la répétition. Dans la plupart des biopics de chanteurs ou de compositeurs, la musique doit tenir lieu de miracle : une inspiration soudaine, géniale. Cette vision, certes cinématographique, est fausse car elle néglige l’aridité de l’effort répété. C’est ce travail qui est résolument absent de Maria. Les effets sont donc lourdement appuyés : Callas cherchant à retrouver sa voix chante comme une casserole et se noie dans le pathos (sa maman ne l’aimait pas). Pablo Larraín restitue une fragilité de pacotille.

Au moment de mourir, elle retrouve sa voix et son Vissi d’Arte (direction : Georges Prêtre) s’entend… depuis la rue. Probablement qu’elle n’avait pas de double vitrage, je vous parle d’un temps que les DPE ne peuvent pas connaître. Elle tousse, Tosca a rejoint Violetta. Puis c’est fini. Un de ses caniches gémit dans l’appartement, toujours aussi mal éclairé. Quelques vraies images d’archives et ce biopic parfaitement inutile s’achève. Deux heures, misère…

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Maria (2024) de Pablo Larraín, 124 minutes, sortie France : 5 février 2025

Avec Angelina Jolie (Maria Callas), Haluk Bilginer (Aristote Onassis), Alba Rohrwacher (Bruna Lupoli), Pierfrancesco Favino (Ferruccio Mezzadri), Vincent Macaigne (docteur Fontainebleau)

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