D’une liberté vagabonde, les Suites de Haendel au piano souligne une parenté immédiate avec les œuvres pour instrument seul de JS Bach, son contemporain. Le Saxon élabore des architectures contrapuntiques d’une évidente séduction dont le piano du coréen Seong-Jin Cho énonce et étire avec fluidité et articulation, la séduction chantante, soignant en particulier leur charme et leur flexibilité. La sobriété du jeu évite tout maniérisme, sachant exprimer aussi (surtout) ce caractère de rêverie flottante, suspendue, d’une mélancolie heureuse (en particulier dans les 2 adagios de la HWV 427 (n°2). Plus élaborée en 5 mouvements, avec ses 3 danses dernières successives (Allemande, Courante, Gigue), la n°8 (HWV 433) dévoile une intériorité plus profonde et nuancée encore de la part de l’interprète. Quand la n°5 séduit immédiatement dès son Prélude initial grâce à la diction digitale libre et comme improvisée du jeune pianiste, y compris dans le contrepoint virtuose des 5 variations finales.
Ces dernières font passerelle avec le second cycle pilier de ce « Handel project » : « Variations et Fugue sur un thème de Haendel » du néo-baroque Brahms : après l’exposition de l’Aria initial, les 38 Variations qui suivent, fugaces, courtes, s’exposent librement dans une palette de couleurs idéalement différenciées, jusqu’à la résolution (développée… plus de 5 mn) de la Fuga ultime.
Facétieux, percussif aussi (superbe staccato de la XXIII), ou plus murmuré, énigmatique (VI)… le jeu de Seong-Jin Cho multiplie les éclairages et les humeurs ; il saisit l’esprit de prouesse, de défi spectaculaire ou d’architecture grandiose (IX, XX), d’esquisse enchantée (XXII) et aussi le brio plus nuancé d’un Brahms qui est visiblement autant séduit par la construction du Handel architecte que fin mélodiste (XXI). Enchaînée et elle aussi librement articulée, la Fugue finale se fait embrasement et joie pure, aux accents et vertiges totalement assumés. On reste sous le charme par la sureté du jeu dans les 2 dernières pièces, tout en retenue : la Sarabande, suggestive et intime énoncée avec tendresse et sobriété, avant le sublime menuet (dans l’arrangement de W Kempf) d’une absolue rêverie (HWV 434).
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CRITIQUE CD. THE HANDEL PROJECT – Suites de Haendel / Variations d’après Haendel de Brahms. Seong-Jin Cho, piano (1 cd Deutsche Grammophon – enregistré en sept 2022 à Berlin). CLIC de CLASSIQUENEWS mars 2023.
Plus d’infos sur le site de Deutsche Grammophon / Seong-Jin CHO : https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/the-handel-project-cho-12884