vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE CD. MOZART : Die Zauberflöte K 620 (1791). Bastian Kohl, Manuel Walser… Orkester Nord, Vox Nidrosiensis. Martin Wahlberg, direction (3 cd Aparté)

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Comme une épure, jouant sur l’éclat scintillant, percutant, métallique de chaque timbre instrumental comme de chaque voix soliste, le chef fondateur d’ORKESTER NORD, Martin Wahlberg défend une conception fortement dégraissée, voire essentiellement structurelle de La Flûte Enchantée de Mozart. Une vision réduite à l’ossature de la partition ; son squelette primordial.

 

 

Ce parti de la décantation, s’inscrit d’abord dans le choix de voix blanches, droites, sans vibrato (ou le moins possible sauf quand cela est déterminé par un effet expressif…) ; ainsi le cas des chanteuses Pauline Texier (La Reine de la nuit) qui malgré son agilité manque de précision dans les coloratoures ; surtout de Ruth Williams dans le rôle de Pamina dont la juvénilité plus enfantine qu’adolescente et d’une clarté acidulée, primitive, au timbre proche d’un garçon qui n’aurait pas mué, inscrit la fiancée de Pamino hors de toute tradition lyrique écoutée jusque là. Certes les archives indiquent que la créatrice du rôle Anna Gottlieb n’avait que 17 ans mais rien ne précise qu’elle avait une tel soprano acide et aiguë…

Ce chant instrumental souvent dépourvu de toute charge émotionnelle laisse parfois décontenancé ; ainsi le trio avec les 3 garçons au poli glacial ; ou encore son duo avec Monostatos laisse… froid. Même le chant des hommes armés aux abords du Temple, sonne distancié, comme lointain et désimpliqué, – comme le feraient des jouets mécanisés qui chantent et occupent une fonction, plutôt qu’ils ne campent un personnage.

Pourtant ce chant sans vibrato (ou si peu) est comme contredit par le ténor Angelo Pollak (Pamino) qui lui en use et abuse à l’excès. Les deux chanteurs forment un couple d’élus bien mal assortis au final.

On reste beaucoup plus convaincus par les voix graves : comme l’indiquent clairement le tempérament et la style plus naturel de Papageno (Manuel Walser) et surtout l’excellent Bastian Kohl, voix ample, riche, aux harmoniques naturelles qui incarne toute l’épaisseur humaine et fraternelle du sage Sarastro.

Le chef inscrit sa lecture dans la tradition des opéras comiques de Grétry et Dalayrac (si prisés à Vienne à l’époque de Mozart). Il souligne aussi la parenté de la Flûte Enchantée avec les ouvrages spectaculaires et philosophiques (l’anneau de pouvoir, la pierre philosophale), drames encyclopédiques et magiques, que représente et conçoit Shikaneder, le librettiste et directeur du théâtre populaire aux der Wieden. Cette double activité de l’opéra, à la fois conte magique et rite philosophique (voire maçonnique) est en revanche parfaitement exprimé.

Orchestralement et musicalement, l’approche ne manque pas d’attraits : variations libres avec ornementations quasi improvisées, équilibre sonore plutôt chambriste avec focalisation sur les bois et les vents (la fameuse colonne maçonnique), nuances des cordes, – parties historiques avérées ici dévoilées (comme la fantaisie pour flûte de Tamino pendant l’épreuve du silence…), mais aussi effets sonores propre à l’imaginaire du conte (oiseaux, tonnerre, instrument magique de Papageno…) … tout œuvre pour l’enchantement et l’accomplissement d’un parcours qui en forme d’épreuves, doit révéler les personnages à eux mêmes. Tout ce qui les fait passer de rôles à individus (on aurait souhaité que cette métamorphoses soit littéralement plus audible).

Ajoutons des choix de tempo parfois très (trop) lents qui creusent davantage la profondeur spirituelle, le sens caché de certains épisodes (ou souvent la portée des choeurs abordés très justement comme les chorals de Bach). La dimension théâtrale est d’autant plus manifeste que l’intégralité des dialogues parlés est restituée. Sauf les réserves dans le choix des voix, la lecture ne manque pas d’arguments. Elle permet même de nuancer notre compréhension de la partition, d’envisager un autre dispositif d’après ce que nous savons des conditions de la création en 1791.

 

 

 

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MOZART : Die Zauberflöte K 620 (1791). Bastian Kohl, Manuel WalserOrkester Nord, Vox Nidrosiensis. Martin Wahlberg, direction (3 cd Aparté) – enregistré en 2023

 

 

 

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