samedi 20 avril 2024

CRITIQUE CD. LOUISE FARRENC : Symphonies 1-3 / Insula Orchestra (2 cd Warner classics)

A lire aussi

 

Les réalisations discographiques d’ampleur dédiée au défrichement, en particulier aux génies romantiques féminins se faisant rares, on ne peut que louer le choix de Warner et d’Insula Orchestra de ressusciter ainsi les Symphonies de Louise Farrenc (1804 – 1875) : voici un recueil majeur dans la redécouverte des génies oubliés du romantisme français qui honore la marque Erato, catalogue depuis longtemps dédié au patrimoine hexagonal. Il était temps que l’on mesure à propos et sur pièce l’écriture de Louise Farrenc, sa conception de l’architecture et des couleurs orchestrales. Le tissu sonore de Farrenc, éminent professeure de piano au Conservatoire (dès 1842 et jusqu’en 1872), se nourrit via ses maîtres dont Reicha et Hummel du grand symphonisme de Mendelssohn ou de Weber ; au milieu du XIXè, alors que s’impose quoiqu’il en dise, Berlioz (et sa Fantastique depuis 1830), le tempérament classique et flamboyant de Farrenc s’accomplit – mais dans la sphère privée car au Conservatoire, la classe de composition est réservé aux… hommes (aberrante discrimination) : son écriture renouvelle Beethoven, avec une fluidité qui regarde au delà du Rhin vers Mendelssohn déjà cité et Schumann. Le choix des instruments d’époque s’avère pertinents ici, révélant des couleurs et une texture souvent irrésistible car l’ivresse schumanienne le dispute à la transparence lumineuse de Mendelssohn, à l’éloquente maîtrise de la forme sonate, associée à une orchestration vivante, brillante, hautement dramatique. Farrenc soigne en particulier les séquences dialoguées des vents (bois et flûtes) : somptueuse motricité articulée de l’Andate de la Symphonie n°2 opus 35 (CD2).

 

 

Insula Orchestra ressuscite enfin
le génie symphonique de Louise Farrenc
Rivale de Berlioz, entre Beethoven et Schumann

A la mitemps du XIXème, l’opus symphonique de Louise Farrenc affirme et assume ses attaches résolument viennoise – La Symphonie n°1 (CD1) est encore très classique, quoique élaborée et son orchestration, très juste et raffinée : achevée en 1841, elle ne sera créée qu’en 1845 au Conservatoire de Bruxelles que dirige Fétis. Le COnservatorie de Paris malgré l’activité d’Habenek (Beethovénien de la première heure) jugeant peu pertinent de créer les œuvres orchestrales de sa consœur.
La 2è Symphonie (1849, CD2) d’un souffle intérieur remarquablement élaboré, nous semble la plus personnelle, s’abreuvant à une source multiple : bois, cordes, percussions, cuivres (cors lointains) en verve complice et articulation très suggestive rappellent l’esprit buccolique de la Pastorale de Beethoven : éclairage encore développé dans l’Adagio, à la fois tendre et majestueux qu’Insula Orchestra réalise avec un relief détaillé, une richesse de couleurs réellement enivrante (entre Beethoven et Schumann) ; la direction est allante et affûtée ; sert indiscutablement le propos dramatique de l’architecture symphonique, qui trouve son apogée dans le Finale : Allegro dont la référence à Bach (Fugato) est clairement énoncée.
Le tempérament de Farrenc tempête, rugit, exprime les vertus de l’énergie, de l’éclat victorieux, de la joie collective en effet beethovénienne. Insula Orchestra articule la fougue collective de l’écriture sans épaisseur, mais avec une caractérisation superlative des bois, vents, cuivres et cordes, d’une vivacité précise, mordante, flexible.

Les deux Ouvertures soulignent l’invention souveraine de Louis Farrenc en une forge orchestrale tout assi trépidante et intensément dramatique, fusionnant en quelques sorte la carrure beethovénienne, l’élégance viennoise, la verve et l’allant schumanniens, entre jubilation et lumière. 

Superbe révélation et « première intégrale symphonique sur instruments d’époque », totalement réussie.

 

 

 

______________________________________

CRITIQUE CD événement. LOUISE FARRENC (1804 – 1875) : Symphonies 1 à 3 – Ouvertures n°1 et 2, opus 23 et opus 24 – Insula Orchestra – L Equilbey – Enregisté en mars 2021 (CD1) et sept 2022 (CD2) – 2 CD ERATO – WARNER classics / CLIC de CLASSIQUENEWS – Note : 5 / 5.

 

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE CD événement. JULIUS ASAL, piano : Scriabine / D Scarlatti (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Voilà assurément un programme fascinant en ce qu’il est aussi bien composé qu’interprété. S’y distingue le tempérament intérieur, d’une...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img