A 22 ans, Wolfgang séjourne pour la 3ème fois à PARIS, ainsi de mars à sept 1778 : séjour nécessaire selon son père pour obtenir protection, financement voire emploi… Comme dans le concert – récital d’un salon parisien à la fin des années 1770, les interprètes éclairent ce raffinement sombre voire tragique que porte le jeune Mozart, il est vrai marqué par la mort de sa mère dans la Capitale…
La Sonate K 310, d’abord, jouée sur un instrument historique, dans le miroitement parfois instable de sa sonorité d’époque, mécanique à la clé (clavier Silbermann), exprime au plus juste, précisément dans son premier mouvement (Allegro maestoso), l’agitation parfois panique d’un cœur tourmenté (n’est-il pas tombé amoureux à Mannheim d’Aloysia Weber ?) ; surtout endeuillé par la mort de sa mère qui meurt en juillet 1778 du typhus. Le jeune compositeur parvient cependant à faire jouer sa musique à l’Académie royale et aussi au Concert spirituel (Symphonie en ré majeur K 297 « Parisienne »), institutions incontournables… Le Concerto pour flûte et harpe (K 299), commande du Duc de Guînes et de sa fille, marque l’étonnante maturité de Mozart dans le style galant… Une séduction qui allie raffinement et profondeur et qui explique que dans le prolongement du séjour, les œuvres mozartiennes sont désormais éditées et jouées à Paris.
En particulier les fameuses 3 Sonates « Palatines » (dédiées à l’Électrice Palatine et composées à Mannheim puis Paris) : la K 304 ( en mi mineur) ici choisie, rayonne par son équilibre et sa grâce trouble faisant dialoguer le violon et le clavier à parts égales, selon le modèle de Joseph Schuster ; s’y confirme une certaine langueur noire derrière leur distinction altière. Le format en véritable duo en deux mouvements, marque l’influence directe de Johann Christian Bach que Wolfgang admire et qu’il retrouve chez le Duc de Noailles dans son château de Saint-Germain à l’été 1778. La gravité et la profondeur de Mozart s’y déploient sans entrave avec une acuité inédite, en lien avec les difficultés du 3è séjour.
Le contraste est consommé avec les variations d’après les mélodies dans l’air du temps (Lison dormait dans un bocage… tiré de la Julie de Dezède, 1772)) où Mozart se plie à la mode avec la verve et la facilité qui le caractérisent : entre virtuosité et génie des audaces harmoniques (comme il le fera aussi d’après les opéras de Grétry ou la musique de Baudron pour Le Barbier de Séville de Beaumarchais)… L’intérêt du présent album est l’usage d’un pianoforte carré Silbermann qui est idéalement approprié aux œuvres jouées ; ce qui nous change des interprétations historiques précédentes souvent sur claviers viennois, bien postérieurs à Mozart.
Même facilité dans les Variations K 360 d’après la romance d’Albanèse « Au bord d’une fontaine… ». Ce compositeur apprécié pour ses romances dans les années 1770 fut un castrat fameux, recruté en 1747 pour chanter le dessus à la Chapelle du Roi à Versailles. Les interprètes en comprennent les défis et les enjeux expressifs, ce souci constant du renouvellement mélodique, dans un élan réalisé comme un jaillissement continu.
L’essor d’une expressivité ciselée s’accomplit ainsi dans les romances d’Albanese, ici particulièrement emblématiques : « Dans les erreurs d’un songe » (désarroi d’une âme amoureuse, proie des illusions d’un rêve) et la Romance de Rosemonde (paysage tragique et noble en miroir de l’inconsolable veuve), aux couleurs intérieures inédites qui inspirent à la parure instrumentale, accords et accents d’un exceptionnel raffinement. Dommage que la soprano n’articule pas suffisamment car le texte est souvent perdu, même si le timbre est très séduisant. Au diapason d’une vive attention aux nuances mozartiennes, révélant aussi la sensibilité déjà romantique du chanteur / compositeur Antoine Albanese (1728 – 1803), les interprètes nous régalent en éclairant différemment le 3è séjour de Mozart à Paris. La maturité d’un jeune homme plein de sensibilité, d’une vérité émotionnelle absolue, à l’image du portrait de jeune homme peint par Greuze (couverture du cd) dont la touche elle aussi, est déjà romantique.
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CRITIQUE CD événement. MOZART Á PARIS 1778 : Arnaud De Pasquale, pianoforte. Avec Perrine Devillers,soprano / Jérôme van Waerbeke, violon (1 cd CVS Château de Versailles Spectacles – enregistré à l’été 2022). CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024
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