samedi 26 avril 2025

CRITIQUE CD événement. JEAN-SEBASTIEN BACH : six Suites. Pierre – Henri Xuereb, alto ancien et moderne [3 cd Indesens]

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Les Suites pour violoncelle ont été probablement composées dans le contexte et au début de la période de Coethen [circa 1718]. BACH exploite ainsi les virtuoses de l’Orchestre princier (qu’il dirige alors) dont les solistes Linigke et Abel qui tiennent la basse d’archet… La viole étant un instrument élégant et noble par excellence, il était temps de relativiser l’habitude le jouer sur violoncelle, habitude familière mais non historiquement avérée comme tendrait à l’attester seule, la copie de Marie Magdalena Bach, – en l’absence de la partition originelle autographe. Pour quel instrument spécifique, Bach a-t-il conçu ce cyle majeur ? La question reste donc ouverte.

Mais pas insoluble ni stérile. Comme en témoigne ici l’approche vivante et versatile de l’excellent Pierre-Henri XUEREB qui manie instruments modernes et anciens, avec une sensibilité naturelle, comme improvisée !

Le changement d’instrument s’impose particulièrement pour la 6 ème suite qui exigeant 5 cordes, appelle plutôt un instrument piccolo… Comme la viola pomposa, conçue par BACH lui même ou la viola da spalla.

Esprit architecte affirmant une structure basique qui en assure l’assise, BACH opte pour un même canevas pour les 6 Suites de danses, alternant pour contrastes et diversité, 7 épisodes, lents et rapides, enchaînant ainsi dans un ordre canonique : allemande, courante, sarabande [qui en est le cœur et l’axe spirituel], enfin gigue avec préalable introductif; les deux dernières suites comprenant un élément complémentaire de style menuet, bourrée ou gavotte, que Bach appelle « galanterien » et qui pour la seconde est rejouée. 

BACH a pris soin de préserver la place et le rôle central de la Sarabande, mouvement de plénitude introspective qui donne la profondeur et souligne les vertus de l’interrogation.

 

 

Altos moderne et baroque ou viole d’amour…
Pierre-Henri Xuereb traverse l’architecture des 6 Suites de Bach,
du terrestre proclamé au céleste évanescent

 

Comme illustre interprète, prêt en exprimer l’essence spirituelle au delà de la seule séduction sonore, Pierre-Henri Xuereb trace comme un parcours psychique, du terrestre au céleste, comme si l’expérience de les jouer et de les écouter] enchaînées, réalisait une manière de rite, d’approfondissement intime qui forge la quête de l’être profond. A l’instar des séquences de la Messe en si qui quel que soit l’ordre final dans lequel les avait imaginés Bach, combine chaque section comme le jalon d’un pèlerinage musical : la voie de l’esprit. La musique de Bach plus que toute autre, permet la transformation et la métamorphose. Au cœur de ce cheminement progressif d’une conscience à l’autre, chaque sarabande en concentre l’énergie de transformation, d’autant plus souterraine et viscérale, qu’elle se déploie sur le mode pudique et méditatif. La pensée de Bach se fait réflexion active, et l’activité de la musique sous l’archet de l’interprète, en permet les apports.

C’est une trajectoire personnelle dont les stations seraient méditations questionnant chez chacun de nous, la relation à la Nature, à l’humain, à l’âme et la conscience, à la mystique, à la mort, enfin à l’espérance et la joie éternelle.

Indice d’une compréhension particulière de tout le cycle, l’usage selon les séquences d’un instrument à l’autre, parmi les 4 choisis, s’avère stimulant autant pour l’interprète que l’auditeur, lequel dans une écoute ainsi active, en éprouve la vitalité des sensations sonores qui s’en dégagent. Le cycle joué dans sa continuité dessine un flux qui va s’allégeant, de l’affirmation à la lévitation.

En ce sens, la volubilité et la souplesse d’approche de Pierre-Henri Xuereb sont bénéfiques : accordées à la prodigieuse facilité de l’instrumentiste, le changement instrumental confère à la musique de Bach, une ampleur, un souffle qui tend à l’universel. La question n’est pas tant le choix final de l’instrument à cordes, que l’intention et la ligne structurelle qui donnent le sens et envisage un commentaire voire une réponse.  

Le passage d’un instrument moderne à son « double » baroque prend une signification particulière, les timbres spécifiques et l’émission naturelle, en termes de format et de balance, soulignent les qualités de chaque instrument ; entre autres passages saisissants, la Courante de la BWV 1011, d’abord sur alto moderne (au son plein et rayonnant, lumineux et proclamatoire), contraste de façon spectaculaire avec l’intériorité toute introspective et pudique de la Sarabande axiale de la Suite : l’économie et l’incisive spécifique de l’alto baroque exprime à sa suite, la profondeur d’un questionnement profond, qui est à l’origine de toute construction et de toute Suite. 

Puis le recours à la viole d’amour pour la 2è Gavotte, déploie une qualité de legato, une ligne chantante d’une évidence renversante. Toutes les aptitudes de l’interprète dans l’art d’articuler et de respirer se révèlent alors ; et le sens de ce 2è chant renforce la spiritualité de tout l’édifice. En 2è lecture, la musique de Bach gagne un degré supplémentaire dans la réalisation et la conscience. Ce qui accrédite derechef l’idée de cheminement et de transformation. Magistral.

 

 

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CRITIQUE CD événement. JEAN-SEBASTIEN BACH : six Suites. Pierre – Henri Xuereb, alto ancien et moderne [3 cd Indesens]

LIRE aussi notre annonce du cd événement : BACH : Six Suites par Pierre-Henri Xuereb (3 cd Indésens) : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-jean-sebastien-bach-six-suites-pierre-henri-xuereb-alto-ancien-et-moderne-3-cd-indesens/

 

CD événement, annonce. JEAN-SEBASTIEN BACH : six Suites. Pierre – Henri Xuereb, alto ancien et moderne [3 cd Indesens]

 

 

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