mardi 17 septembre 2024

CRITIQUE, danse. METZ : Cité de la Musique / Grande salle de l’Arsenal, le 6 octobre 2023. EMANUEL GAT : “Träume”, d’après des textes et musiques de Richard Wagner et Mathilde Wesendonck.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

La dernière pièce du chorégraphe israélien Emanuel Gat, “Träume”, a été l’un des événements majeurs du dernier Festival de Pâques de Salzbourg, car c’est la première fois que la danse était invitée au plus prestigieux des festivals de musique classique et d’art lyrique au monde. Et c’est donc une première française que la Cité de la musique de Metz (dont nous avons annoncé récemment la pléthorique saison dans ces colonnes) propose à son public, puisque le célèbre chorégraphe est désormais en résidence in loco, après avoir été “artiste associé” du Festival Montpellier Danse en 2013, puis en résidence de 2016 à 2018 dans cette même ville.

 

 

Bizarrement (ou pas…), ce sont surtout des chorégraphes israéliens (Saar Magal et son Hacking Wagner en 2012 à Munich) qui ont rapproché l’univers de la danse et la musique de l’antisémite notoire qu’était Richard Wagner – précisément ou à cause des écrits ouvertement antisémites de ce dernier. C’est ainsi que Gat a imaginé cette pièce d’une heure intitulée “Träume” (“Rêve”) à partir – et en utilisant – des textes et des musiques de l’Echanson de Bayreuth (mais aussi de sa muse Mathilde Wesendonck, à qui est justement dédiée le Lied “Träume”, dernier des cinq Lieder composant les fameux Wesendonck Lieder). La pièce est ici défendue par sa compagnie Rock Riding School, composée de treize danseurs et danseuses, et la Grande salle de l’Arsenal – conçue tout en bois clair par Riccardo Bofill – se transforme en véritable cathédrale d’art, grâce aux lumières réglées par Gat lui-même, tandis que sa compagnie n’investit pas seulement le plateau mais également les coursives arrières et latérales de l’immense vaisseau en bois.

Quand les spectateurs entrent dans la salle, un danseur est déjà affalé dans un grand canapé rouge, vêtu d’une robe “baroque” de la même couleur. Puis les lumières s’éteignent, et un autre danseur, vêtu d’une sorte de tutu blanc, fait son apparition derrière les piliers de bois tout en haut derrière la scène, ce dernier se mettant à énumérer des sentences extraites de “L’Art et la Révolution”, livre majeur que Wagner publia à l’orée des années 1848/49, en opposition au gouvernement provisoire de Dresde. Et puis le séraphin blanc commence à descendre les marches depuis l’arrière-scène, sue lesquelles il est rejoint par une douzaine d’autres messagers célestes (tout de blanc vêtus aussi), et tous investissent alors l’espace entier du plateau.

Puis la musique surgit, celle des Wesendonck Lieder précités, qu’Emanuel Gat interprète plus qu’il ne les illustre ici : la danse ressemble à un flux associatif, d’où émerge des sculptures en mouvement, des frises corporelles ordonnées en diagonale ou des groupes d’expressions chorales. En général, le moment expressif constitue le socle sur lequel ces “rêves” s’épanouissent, telles des plantes aquatiques enlacées. Puis les treize artistes enlèvent leurs costumes blancs, dans une seconde partie, disparaissent et reviennent vêtus de robes de taffetas froissées. Entre les pauses, quand la voix de Julia Varady s’éteint (puisque c’est l’enregistrement discographique des Wesendonck Lieder retenu ici), les crinolines et longues traînes qu’ils arborent crissent et bruissent.

Puis, la plupart des danseurs s’assoient sur le canapé rouge pour assister au geste chorégraphique de deux, trois ou quatre danseurs, que l’on voit s’étreindre, de plus en plus ardemment, comme si une tempête émotionnelle s’emparait d’eux. Tel un ouragan, la musique entraîne le groupe de danseurs dans une spirale, puis les ramène vers les marches des escaliers. Il ne reste alors plus que deux corps dansants, au centre du plateau, modelés par une lumière tamisée… jusqu’à ce que le double organisme disparaisse dans l’obscurité. C’est tout simplement Superbe !

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CRITIQUE, danse. METZ : Cité de la Musique / Grande salle de l’Arsenal, le 6 octobre 2023. EMANUEL GAT : “Träume”, d’après des textes et musiques de Richard Wagner et Mathilde Wesendonck. Photo © Emmanuel Andrieu

 

VIDEO : Extraits de “Träume” d’Emanuel Gat (Salzbourg, avril 2023)

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