Volubile, d’une plasticité étonnante, le Trio œuvre de jeunesse de KORNGOLD, indique clairement l’imagination géniale du jeune compositeur viennois [13 ans en 1910] visiblement marqué par l’éclectisme heureux et même fantasque de son prodigieux aîné, Richard Strauss…. Dès le début, les 3 musiciens en comprennent et expriment son balancement capricieux, d’une insouciance tranquille. A son esprit facétieux et même dansant, les 3 musiciens ajoutent un parfum fantasque, enivré.
Le Larghetto [3] est d’une grande subtilité d’intonation, énoncé comme dans un songe (violon souple et suave à la fois). Et la souplesse comme la volupté de la séquence finale,- notes égrénées du piano aérien-, se rapprochent de l’ambiance onirique vaporeuse de l’opéra Die Tote Stadt.
Soucieux de contrastes, Korngold architecture son Finale (allegro molto e energico / 4) avec une aspérité, sorte de raucité plus caractérisée moins séductrice qu’au préalable, avec des accents d’une pure fantaisie rêveuse : volubilité en miroir avec la légèreté fantasque et capricieuse du premier Allegro con espressione, comme l’attestent les amorces de valses intercalées dans un enchaînement surexpressif voire parodique, dans l’esprit idéalement assimilé là encore du caprice straussien (le Richard Strauss fantaisiste et brillant néo baroque d’Ariane auf Naxos et de la Suite néo baroque francaise du Bourgeois Gentilhomme d’après Lully). Les musiciens en viennois assumés, jouent et se délectent dans ce labyrinthe de rythmes et d’influences croisées.
Éclectisme virtuose, enivré
du jeune Erich Wolfgang Korngold
Bruno Monteiro ajoute pour la richesse de ce programme passionnant une œuvre de maturité [composée à 16 ans !] qui porte encore l’attachement à cet idéal viennois, à la fois insouciant et d’un éclectisme stylistique : la sublime Sonate pour violon et piano.
Le « Ben moderato » [5] met en lumière la volubilité lunaire du violon, si proche du chant, mais un chant calqué sur la parole et la pensée libre, fantaisiste, qui berce et rêve… et s’achève très haut dans le ciel d’aigus enchantés et enivrés comme sait les distiller l’enchanteur KORNGOLD. Piano et violon en expriment avec acuité la très gande force suggestive et émotionnelle.
L’Adagio [7] est tendresse éperdue, douceur, abandon mesuré, jeu sur les modulations et les passages harmoniques vaporeux, enivrement extatique aux confins de la tonalité, jouant entre rêve et cauchemar mais dans la justesse sans mollesse (ainsi qu’il est noté « mit tiefer empfindung » / avec une profondeur sensibilité »).
Dans le Finale : Allegretto [8] – le caractère d’insouciance heureuse traverse tout le dernier mouvement (con grazia), mais aussi un sentiment de plénitude heureuse, comme enivrée là encore, alliant le fantasque et le caprice comme dans l’esprit d’un mouvement construit comme une fantaisie – la partie du violon est proche de la voix, d’un chant continu et diaphane, tandis que le piano se love dans les plis et replis de ressentiments préservés, secrets, jamais réellement exprimés. Cette brume onirique, ce flottement comme envoûté composent le charme d’une pièce qui semble d’une première écoute, diffus et incertain, dévoile en définitive une charge émotive extrêmement bien construite dont c’est la ligne de violon qui détient le contrôle et le flux d’un bout à l’autre.
En complément les interprètes jouent le Tanzlied de Pierrot, extrait de l’opéra Die Tote Stadt pour violoncelle et piano : les deux interprètes en expriment la suave fragilité, comme l’effusion délicate d’un songe qui s’évapore.
Ce programme souligne avec justesse le génie précoce et d’une complexité virtuose d’un compositeur viennois d’une infinie séduction.
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