jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu : Poitiers. Cinéma « Le Castille », le 27 mai 2013. En direct du Royal Opera House de Londres. Rossini : La donna del lago. Juan Diego Florez, Joyce DiDonato … Michele Mariotti, direction.

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Joyce Didonato portraitLorsqu’il compose La donna del lago en 1819, Gioachino Rossini (1792-1868) hérite d’un livret initialement destiné à Gaspare Spontini (1774-1851) qui venait de quitter la France pour la Prusse, laissant tout autre projet en plan. Rossini est le premier compositeur à recevoir un livret tiré d’une oeuvre de Walter Scott; vingt ans plus tard en effet Gaetano Donizetti se basera sur La fiancée de Lamermoor pour son opéra Lucia di Lamermoor. La donna del lago est certes moins donnée ou enregistrée que d’autres opéras de Rossini mais l’oeuvre n’en contient pas moins de très belles pages, notamment l’air d’entrée de Malcom, et le rondo final (Tanti affeti in tal momento) dévolu à Elena (ce rondo sera repris plus tard dans Bianca e Falliero, revenant à Bianca).

Pour cette nouvelle production, le Royal Opera House de Londres réunit un plateau vocal exceptionnel largement dominé par Juan Diego Florez et Joyce DiDonato en grande forme. Le couple rossinien s’était déjà retrouvé dans la même oeuvre donc dans les mêmes rôles il y a 3 ans sur les planches du Palais Garnier à Paris.

Quant à la mise en scène,c’est John Fulljames qui en est chargé et … on ne  peut que le regretter.

Si la volonté de bien faire est évidente, on peut se demander pourquoi il commet autant d’erreurs. La transposition au XIXe siècle n’a rien de choquant, il y en a déjà eu : Les Troyens, par exemple, autre production du Covent Garden, ou Lucia di Lamermoor au Metropolitan Opera de New York. En revanche le fil rouge du duo Scott/Rossini tombe à l’eau; en effet si chacun connaissait la réputation de l’autre, les deux hommes ne se sont jamais rencontrés.
D’autre part situer l’action dans l’une des innombrables sociétés historiques qui existaient au début du XIXe siècle, Walter Scott était d’ailleurs le président de l’une d’entre elles, est assez incompréhensible. John Fulljames a-t-il souhaité par là se souvenir du temps ou l’Écosse était un pays à part entière? Faut il rappeler que l’Écosse n’a été intégrée au Royaume Uni qu’en 1603 sous le règne de Jacques VI. Il faut aussi se remémorer que Jacques V, Uberto pour tous jusqu’aux deux ou trois dernières scènes, était l’un des derniers rois de l’Écosse indépendante. Si le recours au flash-back peut être une bonne idée, quelle bizarrerie de mettre Elena dans une vitrine en verre : souvenir ou prison?
Enfin l’entrée de Rodrigo et de ses hommes, accompagnée d’une série de viols pendant qu’ils chantent les vertus de l’amour est assez peu convaincante et plutôt mal venue. Si les costumes sont seulement corrects et les chorégraphies tout à fait honorables, seules les lumières de Bruno Poet ont un intérêt particulier car elles soulignent avec justesse les moments les plus dramatiques.

Vocalement, le Royal Opera House a réuni une distribution prestigieuse et quasi idéale au vue de la grande difficulté de la partition. A tout seigneur, tout honneur : Joyce DiDonato est une Elena irréprochable tant scéniquement que vocalement; l’artiste américaine affronte avec une facilité impressionnante les redoutables vocalises rossiniennes. Quant au rondo final, si on peut regretter qu’il soit pris sur un tempo si lent, DiDonato l’aborde crânement d’autant que la mise en scène ne l’aide vraiment pas. Face à la mezzo américaine, Juan Diego Florez campe un Uberto (Giacomo V) ébouriffant; le ténor péruvien qui connait parfaitement le répertoire rossinien plie sa voix à sa volonté et il relève le défi avec brio. En revanche, la mezzo soprano italienne Daniela Barcellona est un Malcom inégal; tendue pendant tout son air d’entrée la jeune femme a du mal à vocaliser correctement. La voix, est pourtant belle et correspond bien à la tessiture terrible du rôle; elle se reprend cependant avec aisance et chante impeccablement dans le second acte. A sa décharge, le vilain costume dont elle a été affublée ne l’aide vraiment pas à faire sien un rôle travesti qui, même s’il n’est pas forcément très long est dense et redoutable pour la voix. Colin Lee est un excellent Rodrigo; la vocalise est aisée quoique parfois hachée et les aigus sont faciles mais à la décharge du ténor américain, la mise en scène ratée de l’entrée de Rodrigo ne l’aide vraiment pas à se mettre en valeur. Notons par ailleurs que la voix de Colin Lee est assez similaire à celle de Juan Diego Florez mais le ténor péruvien est plus aérien et plus facile que son collègue ce qui lui donne un avantage certain pendant toute la soirée.

Le choeur du Royal Opera House remarquablement préparé par son chef se montre à la hauteur de la distribution exceptionnelle qui évolue sur le plateau et ce malgré une mise en scène peu convaincante.

Dans la fosse, Michele Mariotti dirige le prestigieux orchestre du Royal Opera House avec efficacité insufflant à ses musiciens et aux chanteurs une énergie et un dynamisme bienvenus. Il est cependant dommage que son enthousiasme, pour communicatif qu’il soit, le pousse à couvrir Daniela Barcellona ici et la pendant son air d’entrée; mais dans l’ensemble le chef italien dirige le chef d’oeuvre de Rossini avec une justesse et une intelligence qui sont pour beaucoup dans le succès globales de la soirée.

On peut regretter la mise en scène truffée d’erreurs, peu engageante, handicapante pour les chanteurs avec des décors et des costumes au mieux corrects mais sans véritables liens avec l’histoire. En revanche, le plateau vocal est de rêve largement dominé par Joyce DiDonato et Juan Diego Florez éblouissants.

Poitiers. Cinéma CGR « Le Castille », le 27 mai 2013. En direct du Royal Opera House de Londres. Gioachino Rossini (1792-1868) : La donna del lago opéra en deux actes sur un livret de Andrea Leone Tottola tiré du roman éponyme de Walter Scott The lady of the lake. Juan Diego Florez, Urbeto (Giacomo V); Joyce DiDonato, Elena; Colin Lee, Rodrigo; Daniela Barcellona, Malcolm; Justine Gringyte, Albina; Robin Leggate, Serano; Simon Orfila, Douglas; Pablo Bemsch, Bertram; Christoph Lackner, un barde. Orchestre et choeur du Royal Opera House, Michele Mariotti, direction. John Fulljames, mise en scène; Dick Bird, décors; Yannis Thavis, costumes; Bruno Poet, lumières; Arthur Pita, chorégraphies.

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