Compte-rendu, oratorio. Massy. Opéra de Massy. 23 mars 2016. J.S. Bach : Passion selon Saint Jean. Fernando Guimaraes, Rachel Redmond, Enguerrand de Hys… Ensemble Aedes, choeur. Ensemble Les Surprises, orchestre. Mathieu Romano, direction musicale. Qui dit période de Pâques dit Bach… quelle meilleure façon de célébrer les 10 ans de l’Ensemble Aedes que de présenter la Passion selon Saint Jean du Cantor de Leipzig (Direktor Musices), avec l’orchestre aux 18 instrumentistes sur instruments d’époque : Les Surprises ? Nous sommes donc à l’Opéra de Massy pour la première étape de cette célébration qui continue son chemin à Compiègne puis à Suresnes.
PASSION INTIMISTE. Sans doute la moins pathétique des Passions de Bach, elle n’est pas pourtant sans anecdote ni controverse. Si auparavant on a voulu voir un anti-sémitisme notoire dans le texte, les recherches actuelles et la remise en contexte prouvent au contraire que l’Oratorio de Jean-Sébastien Bach est l’un des moins antisémites, surtout par rapport à son siècle. On a voulu voir aussi une Passion un peu trop lyrique, trop exubérante pour le sujet d’origine sacrée ; le reproche que les âmes les plus conservatrices font encore au Mozart de la Messe en Ut, par exemple. Si ce dernier point reste un sujet de débat stylistique, l’interprétation intimiste du choeur Aedes aide à remettre en question tous les a priori qu’on peut avoir par rapport à la musique dite sacrée, et surtout en ce qui concerne l’ornamentation et la stylisation dans l’expression d’une ferveur religieuse quelconque.
Dirigés par Mathieu Romano, le choeur et l’orchestre des Surprises débutent la soirée avec quelques petits soucis d’accordage aux cordes (toujours une question délicate dans les instruments d’époque), qu’ils ont pu régler rapidement après le choeur qui ouvre l’oeuvre « Herr, unser Herrscher, dessen Ruhm in allen Landen herrlich ist! ». La distribution des solistes est jeune et brille d’un dynamisme particulier, à commencer par la soprano écossaise Rachel Redmond (collaboratrice fréquente et talent déniché par William Christie) qui se montre toute agilité, virtuose dans chacun de ses airs, qu’ils soient méditatifs ou agités. Le jeune ténor Enguerrand de Hys interprète ses airs pour ténor avec un timbre et un style remarquables, même s’il y eut des moments où l’équilibre entre sa voix alléchante et l’orchestre baroque s’est vu compromis. Le ténor Fernando Guimaraes interprète quant à lui le rôle ingrat, pénalisant et hyper expressif de l’évangéliste. Si la diction de son allemand approximatif est parfois flagrante, il campe une performance pleine d’esprit, très dramatique comme la partition l’exige. Si l’interprétation de l’alto Mélodie Ruvio est solide et parfois intense, elle demeure pourtant peu mémorable. A la différence de celles des deux basses, Victor Sicard dans le rôle de Jésus (NDLR* : autre partenaire familier des Arts Florissants et lauréats récents du Jardin des voix de William Christie) et Nicolas Brooymans (membre du choeur Aedes) dans le rôle de Pilate. Le premier, qui est plus baryton que basse offre un chant tout à fait touchant, spiritoso. Brooymans quant à lui impressionne par sa voix large et imposante.
Le Choeur Aedes s’améliore progressivement. Si au début de la présentation nous avons été étonnés par la dynamique quelque peu hasardeuse entre les voix du choeur, ils se sont très rapidement accordés. Par la suite ils ont tout simplement rayonné par un entrain baroque, et se sont montrés d’un dynamisme aux effets surprenants, une qualité qui leur est propre et très remarquable. Une fois avoir surpassé les soucis d’accordage des cordes, Les Surprises se sont aussi accordés à la complicité du choeur, sans pour autant captiver l’audience. Une proposition très intéressante, et une célébration des dix ans d’existence de l’Ensemble Aedes tout à fait à la hauteur de leur âge !
(*) NDLR : Note de la Rédaction