COMPTE-RENDU, ORATORIO. BEAUNE, le 15 juillet 2018. HAYDN : Les Saisons, GABRIELI Ch, con & pl. PAUL McCREESH, direction. L’oratorio de Haydn occupait l’affiche à Beaune 2018 : La Création tout d’abord le 13 juillet (assez terne et tendue sous la direction plus méticuleuse que naturelle et flexible de Laurence Equilbey), surtout le moins estimé Les Saisons de 1801, ce 15 juillet donc, point culminant pourtant d’une réflexion active voire surinspirée par Haydn sur le genre et aussi d’après le poème panthéiste, naturaliste et religieux d’un certain James Thomson (poème The Seasons, vers 1730).
Dans le cas du britannique Paul McCreesh, le geste est autrement plus sûr et visionnaire, généreux et architecturé, avec une attention très fine pour les détails et ici, emblème d’un auteur qui fut autant génial dans le quatuor que la Symphonie (deux genres qu’il « inventa » littéralement), les timbres orchestraux. Les Saisons sont d’abord une partition pour les instruments, capables sous la direction de McCreesh, d’exprimer le souffle, les mouvements, spectaculaires et intimes, de la miraculeuse Nature, à travers l’enchantement des saisons. En leur succession, porteuse de variété et d’éloquente caractérisation. Paul McCreeesh, ardent défenseur de la partition après le non moins sublime Nikolaus Harnoncourt, dévoile cependant sa propre traduction en anglais, écartant la piètre mise en poésie en allemand par Swieten d’après le texte originel anglais. Est ce pour cela que connaissant dans le moindre détail littéraire, l’ouvrage du dernier Haydn, le chef en exprime toute la dimension émerveillée et spirituelle avec autant de franchise et d’intensité? Il y a un fossé entre la conception efficace mais sans âme d’Equilbey et l’ivresse sensorielle, un appel à la contemplation partagée que proclame Mc Creesh.
Le séjour londonien (où il a un véritable public) de Haydn (1791-1795) lui permet d’approfondir encore sa connaissance de la source première de l’oratorio anglais : Haendel. Après La Création, coup de mâitre de 1799, voici donc Les Saisons de 1801 où le vieux compositeur, comme Rubens en fin de carrière, décuple d’audace formelle, de verve et d’imagination. Le plat qu’en délivre McCreesh est à la fois copieux et admirablement détaillé.
Les Gabrieli Choir, Consort & Players sont à leur aise, dans cette fresque opératique de 3h de musique continue : où en particulier dans l’Automne, se développent dans une verve inédite, les tableaux (délirants) de la chasse et surtout des vendanges. L’été est plus amoureux (mettant en avant le couple désirant, sensuels de la soprano et du ténor solistes) ; l’hiver dévoile la morale du cycle à travers les frimats et l’impuissance solitaire de l’homme face à ce paysage saisissant de glace et de neige (somptueuse introduction orchestrale, d’une force poétique aussi impressionnante que le début de La Création : son chaos primordial). Les interprètes indiquent tout ce que la partition a de poésie, non descriptive mais évocatoire, au sens d’une écriture moins narrative que poétique qui annonce évidemment la 6è Symphonie « Pastorale » de Beethoven, créée 7 annnées plus tard en 1808. Simon le fermier (basse), sa fille Hannah et le fiancé de cette dernière, Lucas, agrémente le tableau, chacun témoignant de son expérience et aussi de la bienveillante nature, elle même emblème du miracle divin. Comme le dit McCreesh, Les Saisons sont l’oeuvre la plus écologiste du XVIIIIè, une défense enivrée, parfois délirante, célébrant l’harmonie et la perfection de la Nature.
Dans cette tapisserie scintillante où l’orchestre récapitule les enchantements du monde, – surgissement du soleil à l’été, chasse à l’automne où brâment d’éloquents et rutilants cors (spacialisés), avant l’ivresse collective du tableau des vendanges, – pièce maîtresse et défi relevé par le choeur qui conclut dans le délire le plus truculent l’Automne. Les 3 solistes redoublent de précision et de justesse expressive : à Simon (impeccable Ashley Riches) dans l’Hiver, revient le dévoilement de la leçon ainsi développée pendant 3h : les Saisons récapitulent une existence humaine. Et l’homme à l’hiver de sa vie ne peut que remercier le destin et dieu de l’avoir ainsi réconcilier avec le monde et la miraculeuse nature.
L’élégance de Hadyn, sa verve et son sens du drame non dénué d’humour font les délices de cette lecture inspirée, stylée, … marquée par la question du tempérament et de la vivacité, clairs éléments définissant aujourd’hui l’approche du collectif Gabrieli. A Paul McCreesh, infatigable meneur de troupes, revient le mérite de comprendre une œuvre révélée avant lui par Harnoncourt (excellent enregistrement chez Sony) : McCreesh, plus britannique qu’aucun autre, cisèle, sculpte le raffinement viennois de Haydn avec un savoureux naturel proche de l’opéra. Avant Beaune, le chef a pu diriger la partition lors du premier week end inaugural du Festival Menuhin de GSTAAD (Suisse, Saanenland), le 14 juillet dernier, jalon remarqué de la 62è édition de l’événement fondé par Yehudi Menuhin en 1957.
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COMPTE-RENDU, ORATORIO. BEAUNE, le 15 juillet 2018. HAYDN : Les Saisons, 1801. Hanna : Carolyn Sampson, soprano — Lucas : Jeremy Ovenden, ténor — Simon : Ashley Riches, basse. GABRIELI CHOIR, CONSORT & PLAYERS. PAUL McCREESH, direction.