lundi 14 octobre 2024

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 2 fév 2020. WAGNER : Parsifal. BORY, BEERMANN, KOCH, SCHUKOFF.

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COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 2 fév 2020. WAGNER : Parsifal. BORY / BEERMANN, KOCH, SCHUKOFF. Peut-on rêver plus extraordinaire production de l’oeuvre si «hors normes» de Richard Wagner ? Les comparaisons avec Strasbourg qui monte sa production au même moment seront certainement intéressantes tant tout semble les différencier. Je dois pourtant reconnaitre que je resterai à Toulouse afin d’assister à plusieurs représentations de ce Parsifal si réussi. Il sera difficile de développer tout ce que j’ai à dire sur ce spectacle total tant il est riche. Je serai moins long sur les voix car ailleurs elles ont été bien analysées. C’est tout simplement le quatuor vocal le plus abouti actuel qui puisse se s’écouter aujourd’hui, pour une version parfaitement cohérente. Voix sublimes de jeunesse, de puissance, de timbres rares et de phrasés somptueux. Chanteurs-acteurs beaux et convaincants. La prise de rôle de Sophie Koch en Kundry est magistrale, de voix, de timbre, de jeux et de style. Tout y est : de la quasi animalité à la plus élégante séduction , en particulier la souffrance contenue dans ce rôle complexe. Sophie Koch est une Kundry qui va conquérir le monde tant elle est déjà accomplie.

 

 

 

PARSIFAL EN MAJESTÉ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réussite est totale d’autant que son Parsifal, Nikolai Schukoff, est un des plus grands spécialistes actuels du rôle. Je l’avais vu et entendu à Lyon en 2011 déjà magnifique dans ce rôle et nous le connaissons bien à Toulouse dans divers opéras. A présent pour lui, il n’est plus seulement question de rôle, de voix parfaite ou de chant souverain : Nikolai Schukoff EST Parsifal. Il assume la jeunesse du rôle et met en lumière son charisme naissant sous nos yeux dans un jeu fin et émouvant. Et quelle parfaite voix de helden-ténor est la sienne ! Idéalement assortie à celle de Sophie Koch ; ainsi leur duo est vocalement parfaitement équilibré. L’Amfortas de Matthias Goerne est mondialement célèbre ; dans l’extraordinaire mise en scène d’Aurélien Bory, il atteint des sommets de spiritualité toujours avec une voix somptueuse. Peter Rose en Gurnemanz est puits d’humanité dans une voix de toute beauté. Il est peut être possible actuellement de trouver d’autres chanteurs de ce rang pour ces quatre rôles, mais pas un quatuor plus assorti. Tous les autres artiste sont d’un extraordinaire niveau.
L’ élégant Klingsor de Pierre-Yves Pruvot donne beaucoup d’ampleur au rôle. Le Titurel de Julien Véronèse est très impressionnant. Les filles fleurs sont délicieuses et les écuyers bien présents. Les chœurs associés entre Toulouse et Montpellier font honneur à la partition si extraordinaire de Wagner. La spacialisation des chœurs si fondamentale est totalement réussie. Un beau travail d’harmonisation des voix a été fait ; cela sonne puissant avec de belles couleurs et de formidables nuances. Nous savons combien l’Orchestre du Capitole excelle dans la vaste répertoire symphonique comme dans la fosse de l’opéra ; ce soir il est symphonique dans la fosse et absolument incroyable de beauté. Même au disque, il est exceptionnel d’entendre de si belles choses. Il faut reconnaitre que l’alchimie avec le chef Franck Beermann est totale. La perfection instrumentale est mise au service du drame. Franck Beermann tend des arcs musicaux envoûtants. Le tempo semble naturel tout du long, ni rapide ni lent, juste exact. Cela devient le personnage central. Un torrent de beauté et d’intelligence dramatique.

Il est certain que la diffusion sur France Musique le 29 février 2020 permettra d’approfondir la somptuosité musicale et vocale de ce Parsifal. Mais ce qui est le plus extraordinaire dans cette production est la mise en scène d’ Aurélien Bory qui magnifie la dimension symbolique et dramatique du Festival Scénique Sacré wagnérien. Car ce n’est pas un opéra comme les autres, le sens philosophique est partout présent et les personnages sont presque des problématiques humaines incarnées. Aurélien Bory travaille sur l’espace depuis longtemps ; il comprend la dimension fondamentale dans cet ouvrage comme personne. Et il lie cela au temps d’une manière si magistrale que les cinq heures de l’ouvrage passent bien trop vite. L’intelligence du spectateur est réveillée autant que son sens esthétique. La beauté offerte aux yeux, la richesse des symboles et la somptuosié de ce que les oreilles recueillent s’associent dans un tout métaphysique.

Je devine que le travail entre le chef et le metteur en scène a été fait en profondeur. Dès le prélude, les écritures lumineuses sont en phase avec la musique comme un ballet parfaitement réglé.Tout sera ensuite dans ce respect mutuel permettant à la mise en scène d’épouser la partition et inversement. Quand tant de metteurs en scène rajoutent en lui nuisant, des « idées » à la partition, Aurélien Bory épouse les idées wagnériennes en utilisant son propre vocabulaire. La rigueur des déplacements des éléments de décors est fantastique. La subtilité des ombres tient du génie. La mise en scène développe à l’infini la notion de dichotomie qui construit le monde et l’homme. Les couples d’opposés fonctionnent à merveille, blanc/noir, ombre/lumière, nature/culture, orient/occident, horizontal/vertical, lignes droites/lignes courbes, etc…. Cette mise en scène parfaitement huilée faisant un tout avec les décors et les lumières, ainsi que de très beaux costumes, offre des images de grande beauté et riches de sens qui resteront dans les mémoires.

 

 

 

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Ainsi les branches de feuillages enveloppant les hommes, les protégeant ou les gênant représente notre ambivalence par rapport à la nature. L’image d’ Amfortas infirme qui doit mettre toute l’intensité dans sa plainte rend son chant déchirant. Le quadrillage qui de ligne va se projeter en courbes représente à la fois l’enfermement et la libération. Le triangle noir qui interdit à Kundry et Pasifal de se toucher renforce l’érotisme de leur chant puis lorsque la lumière portée par Kundry envoûte Parsifal la révélation maturante résulte d’un choc terrible entre les corps par le baiser. Toute la retenue du duo, toute la séduction centrée dans le chant, toute cette tension explosent avec une puissance magistrale lors de la pénétration dans le triangle interdit. Au dernier acte le retour à Montsalvat  de Parsifal en costume japonais et la lenteur de ses gestes tient de la magie pure. Les lumières en forme de sabre sont tellement intelligentes et belles qu’elle renouvellent l’effet des tubes néons ! Et le Graal dévoilé sous forme de volutes de lumières et d’ombres qui s’épousent est tellement musical en fin de premier acte !
Aurélien Bory a fait un travail d’orfèvre sur scène comme Franck Beermann dans la fosse. Tous les artistes sont engagés totalement dans ce spectacle parfait. Le résultat est tout saisissant et cette production aussi somptueuse musicalement que scéniquement deviendra inoubliable, tant le respect et l’intelligence s’y rencontrent.

 

 

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Compte-rendu opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 2 février 2020. Richard Wagner (1813-1883) : Parsifal ; Festival scénique sacré  en trois actes ; Livret  de Richard Wagner ; Création  le 26 juillet 1882 au Festival de Bayreuth; Nouvelle production ;   Aurélien Bory :  mise en scène ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Manuela Agnesini :  costumes ; Arno Veyrat  : lumières ; Nikolai Schukoff  : Parsifal ; Sophie Koch :  Kundry ; Peter Rose  : Gurnemanz ; Matthias Goerne :  Amfortas ; Pierre-Yves Pruvot  : Klingsor ; Julien Véronèse :  Titurel ; Andreea Soare  : Première Fille-Fleur; Marion Tassou  : Deuxième Fille-Fleur / Premier Écuyer; Adèle Charvet  : Troisième Fille-Fleur; Elena Poesina  : Quatrième Fille-Fleur; Céline Laborie  : Cinquième Fille-Fleur ; Juliette Mars : Sixième Fille-Fleur / Deuxième Écuyer / Voix d’en Haut ; Kristofer Lundin  : Premier Chevalier du Graal; Yuri Kissin  : Deuxième Chevalier du Graal; Enguerrand de Hys  : Troisième Écuyer; François Almuzara  : Quatrième Écuyer;  Choeur et Maîtrise du Capitole ; Choeur de l’Opéra national de Montpellier-Occitanie ; Alfonso Caiani : chef de choeur ; Orchestre national du Capitole ; Direction musicale : Franck Beermann. Photos :  © Cosimo Mirco Magliocca – Retransmission sur France Musique le 29 fév 2020, 19h.

 

 

 

 

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