vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu, opéra. Stresa, le 9 sept 2018. Bernstein, Peter Pan. Pierpaolo Preziuoso / Gianandrea Noseda…  

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

BERNSTEIN-2-600x397Compte-rendu, opéra. Stresa, le 9 sept 2018. Bernstein, Peter Pan. Pierpaolo Preziuoso / Gianandrea Noseda… A l’occasion du centenaire de la naissance du compositeur américain (NDLR : LIRE notre grand dossier CENTENAIRE BERNSTEIN 2018), le prestigieux Stresafestival a programmé pour sa 57e édition, le rare Peter Pan, donné pour la première fois en Italie, et la seconde fois en Europe après Lisbonne. C’est une partition d’une fraîcheur irrésistible, aux mélodies qui ne le sont pas moins. L’orchestration, qui rappelle tour à tour Puccini et Wagner, est d’un raffinement extrême. Un concert magnifique et une superbe découverte.

Bernstein méconnu à Stresa
Peter Pan à Broadway : raffinement et finesse

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Les eaux calmes du lac Majeur servent d’arrière-plan paradisiaque au Palais des Congrès où se déroule la première italienne du Peter Pan de Leonard Bernstein. Si l’acoustique laisse quelque peu à désirer (elle sera améliorée l’an prochain après quelques travaux bienvenus), l’atmosphère est d’emblée électrique lorsque le chef Gianandrea Noseda attaque les premières notes de l’ouverture, d’une opulence inattendue pour ce genre de spectacle a priori léger. Des arpèges envoûtants évoquant la traversée des mers (un clin d’œil au final de l’or du Rhin ?) tiennent les spectateurs en haleine qui sont immédiatement conquis. Les pièces instrumentales sont également nombreuses (danses des marins, carillons, tic-tac du crocodile, shadow dance, crew dance, etc), parfois mêlées aux dialogues (traduits en italien pour l’occasion) et qui concourent à l’extrême variété sonore (on y entend également un solo au piano) d’une partition décidément bien foisonnante.
Lorsqu’apparaît Peter Pan, magistralement incarné par le jeune comédien Pierpaolo Preziuso, la force évocatrice du discours, la clarté de l’élocution, l’intensité brûlante du jeu scénique, suffisent à faire oublier qu’il ne s’agit que d’une version concert. Dans le rôle exigeant de la fée Wendy, la mezzo Cristina Zavalloni compense une voix légèrement acidulée par un engagement et une musicalité qui forcent le respect. Ses songs sont admirablement chantés, et dès son air d’entrée, d’un pathétisme roboratif (« Who am I »), le ton est donné d’une interprète hors-pair ; à ce song liminaire fait écho son chant d’adieu, à la fin du musical, lorsqu’elle prend congé du jeune garçon (« Dream with me »), qui distille un profond sentiment de nostalgie. Dans le rôle non moins écrasant du Capitaine Crochet, la basse Nicola Ulivieri conjugue une longue expérience de chanteur lyrique à un formidable talent d’acteur : la gestuelle et la diction remarquables permettent là aussi d’imaginer les fastes d’une scénographie cantonnée à une virtualité éloquente. La hargne, la « grinta » comme disent les Italiens, associée au personnage, fait merveille chez ce chanteur racé. Le song qu’il interprète sur les enfants endormis (« Pirate Song ») est d’un raffinement extrême, que confirme la pièce instrumentale suivante, scintillante de mille feux, qu’on dirait tout droit sortie d’une page de Turandot. Le chant suivant, en dialogue avec Peter Pan, puis repris par les chœurs (« Plank Round »), est sans doute la pièce maîtresse de la partition, dont la mélodie entraînante, entêtante, est d’une séduction vraiment irrésistible. Il faut saluer aussi les deux sirènes qui ponctuent l’intrigue de leur voix gracile, et surtout le chœur Ars Cantica Choir, d’une puissance évocatrice impressionnante.
À la tête de l’orchestre Filarmonica Teatro Regio Torino, Gianandrea Noseda confirme qu’il est un chef exceptionnel. Sa direction, d’une précision de métronome, parvient à un équilibre miraculeux des pupitres, en magnifiant les mille nuances d’un musical qui lorgne tout à la fois du côté de l’opéra pour enfant (on songe au Pollicino de Henze, ou plus récemment au Pinocchio de Boesmans), du théâtre chanté, en somme une forme de drame musical entre larmes et rires qui rattache en toute légitimité cet opus magistral d’un Bernstein semi serio à la noble tradition lyrique.

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Compte-rendu opéra. Stresa, StresaFestival, Leonard Bernstein, Peter Pan, 9 septembre 2018. Pierpaolo Preziuoso (Peter Pan), Cristina Zavalloni (Wendy), Nicola Ulivieri (Capitaine Crochet), Ars Cantica Choir, Marco Beerrini (direction), Filarmonica di Torino, Gianandrea Noseda (direction)

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