jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu, concerts. 73ème Festival du Septembre musical de Montreux-Vevey, Auditorium Stravinsky et Château de Chillon, les 7 & 9 septembre 2018. Dmitry Masleev, Martha Argerich & Charles Dutoit.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Compte-rendu, concerts. 73ème Festival du Septembre musical de Montreux-Vevey, Auditorium Stravinsky et Château de Chillon, les 7 & 9 septembre 2018. Dmitry Masleev, Martha Argerich & Charles Dutoit. Le concert de clôture de la 73ème édition du Septembre musical de Montreux-Vevey avait une saveur particulière car il marquait aussi les adieux de Tobias Richter à une manifestation qu’il dirigeait depuis pas moins de quatorze années ! Et ce sont deux piliers du festival qui ont répondu présents, l’ancien couple à la ville que sont la grande pianiste argentine Martha Argerich et le chef d’orchestre suisse Charles Dutoit, placé ce soir à la tête de l’European Philharmonic of Switzerland, une jeune formation dont beaucoup de membres sont issus du fameux Orchestre des Jeunes Gustav Mahler.

 

 
 

argerich montreux festival 2018 critique concert concert review par classiquenews

 

 
 

9 SEPT 2018. La soirée débute avec le (rare) ballet « Jeu de cartes » d’Igor Stravinsky. Créé en 1937 pour Balanchine à New York, sous la baguette du compositeur russe, ce ballet est pourtant un petit bijou jouant de la forme classique plutôt que s’y assujettissant, utilisant l’art de la citation avec notamment un thème de l’ouverture du Barbier (dans la « troisième donne »), changeant sans cesse de rythme, et d’une ardeur débordante toujours contenue dans une stricte géométrie anguleuse. La jeune phalange y fait preuve d’une impeccable mise en place et d’une grande virtuosité. Puis arrive la lionne, qui prend alors son instrument à bras le corps comme elle nous en a donné l’habitude : d’emblée les premiers accords du Premier Concerto pour Piano de Liszt résonnent avec grandeur, et quelques mesures suffisent pour que Marta Argerich parvienne à la densité de jeu voulue, mais c’est bien un véritable dialogue qui s’instaure avec un orchestre qui brille par la qualité de ses soli instrumentaux, notamment ceux des bois. Le concerto s’achève dans un climax parfaitement maîtrisé par Charles Dutoit. Commence alors une valse d’hésitation, bis ou pas bis, mais devant la frénésie du public, Argerich s’exécutera finalement trois fois ! Elle interprète tour à tour la pièce Widmund du duo Schumann/Liszt, la première pièce des Scènes d’enfants du même Schumann, mais surtout l’incroyable Rondo de la Sonate K 141 de Domenico Scarlatti, débutée comme une œuvre romantique et conclue sublimement avec une agilité tout simplement diabolique !

 

 
 

ARGERICH & MASLEEV à MONTREUX

 

 
 

Après l’entracte, place à la grandiose Symphonie n°3 (avec orgue) de Camille Saint-Saens, dans laquelle Dutoit laisse parfaitement respirer son orchestre pour en dégager une sonorité d’une remarquable ampleur. L’Allegro initial débute par un beau crescendo réunissant petit à petit toutes les forces instrumentales dans une dynamique souple, superbe par son équilibre, ses nuances délicates et son élégance, jusqu’à un Finale qui fait lui résonner avec éclat les cuivres dans une coda majestueuse rythmée par les timbales omniprésentes. Mais la soirée ne se termine pas par cette effervescence sonore mais par un bis choisi par Tobias Richter à la demande de son ami Charles Dutoit : c’est ainsi par les accords de la célèbre Valse triste de Sibelius que s’achève la soirée, une pièce qui prend une teinte plus nostalgique que jamais au regard du contexte…

 

 
 

Dmitry MASLEEV 7 SEPT 2018. Deux jours plus tôt, dans la grande salle du magnifique château de Chillon, à la pointe extrême du Léman, nous avons pu assister à un récital du jeune prodige russe Dmitry Masleev, lauréat du prestigieux Concours international Tchaïkovsky en 2015. Il débute son récital avec sept morceaux issus du cycle des 18 Pièces pour piano op. 72 de Tchaïkovski, composées en 1893, et donc une des toutes dernières réalisations du compositeur russe, puisqu’il devait disparaître au cours de cette même année. Ces pièces dont chacune dure à peine cinq minutes, présentent des climats divers qui rendent parfois hommage à Schumann ou à Chopin. Le jeune pianiste parvient à donner une vraie unité à ce cycle hétéroclite, et réussit l’exploit de se fondre dans l’esprit de chaque pièce ; grâce à une technique brillante et virtuose, il se joue par ailleurs des nombreuses difficultés de la partition. Il enchaîne avec une œuvre non inscrite au programme, la magnifique transcription de l’Adagio du Concerto pour hautbois de Marcello par Bach, ici délivrée avec une incroyable tendresse qui restera le moment le plus émouvant de la soirée.
Le programme reprend avec la Deuxième Sonate op. 14 de Sergueï Prokovief, et l’on ne peut qu’être admiratif devant la technique du soliste, dont la robustesse du jeu n’a d’égale que la richesse de la palette sonore. De plus, le phrasé est toujours juste, et l’expression va ici à l’essentiel. Mais l’apothéose vient avec la Rhapsodie espagnole de Franz Liszt, longue pièce d’une difficulté affolante, mêlant de nombreux motifs plus au moins hispaniques, que le russe va maîtriser avec une économie et une rigueur extrêmes. Pas d’effets inutiles dans cette interprétation fière et rude, mais un toucher puissant et torrentiel, d’une grande intensité sonore et d’une virtuosité sans faille ! Un grand récital, très chaleureusement accueilli par un public remarquablement attentif, auquel Masleev offrira trois bis : deux pièces de Scarlatti ; plus le curieux « Football » de Chostakovich, sport dont le célèbre compositeur russe raffolait….

 

 
 

PIANO montreux festival 2018 critique recital critique piano par classiquenews dmitry-masleev

 

 
 

MISCHA DAMEV nouveau directeur… En guise de conclusion, signalons qu’au lendemain de la soirée de clôture, on apprenait la nomination de Mischa Damev à la tête du festival, un ancien pianiste et chef d’orchestre d’origine bulgare qui dirige depuis 10 ans la division des Affaires culturelles et sociales de la Fédération des coopératives Migros (dont 1% du chiffre d’affaire est affecté à du mécénat en faveur de la musique classique). Sous son impulsion, le festival sera rebaptisé « Septembre musical – une fenêtre sur le monde », et sera dédié chaque année à un pays. Souhaitons-lui bonne chance dans ses nouvelles fonctions… et vivement la 74ème édition qui sera consacrée – on le sait déjà… – à la Russie !

 

 
  

 
 

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Compte-rendu, concerts. 73ème Festival du Septembre musical de Montreux-Vevey, Auditorium Stravinsky et Château de Chillon, les 7 & 9 septembre 2018. Dmitry Masleev, Martha Argerich & Charles Dutoit.

 

 
  

 
 

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