Fraîcheur, élégance, légèreté à l’Opéra-Comique grâce à une Ciboulette revisitée. Première opérette de Reynaldo Hahn, Ciboulette (1923), revient à la Salle Favart après la création triomphale de cette production à l’hiver 2013. La musique raffinée et gracieusement sophistiquée du plus parisien des vénézuéliens rebondit sur l’audience, totalement charmée par l’événement d’une profonde et ravissante légèreté. Une distribution quelque peu modifiée par rapport à la création habite les rôles et est fabuleusement accompagnée par l’Orchestre de Chambre de Paris en très bonne forme.
Ciboulette d’amour et d’insolence
Reynaldo Hahn, grand lettré et fervent admirateur de Mozart, est né à Caracas, Venezuela en 1874. Suite à son arrivée en France, il devient élève de Lavignac et de Massenet. S’il demeure connu du grand public pour des recueils de mélodies et pour cette triomphante Ciboulette, il donne déjà en 1898 L’Ile de Rêve à l’Opéra-Comique, puis en 1902 La Carmélite, en 1910 le ballet La Fête chez Thérèse et finalement Nausicaa en 1923, peu avant la première de Ciboulette au Théâtre des Variétés. L’opérette la plus parisienne du XXe siècle, Ciboulette est en vérité un hommage à l’opérette du XIXe, notamment à Offenbach. L’histoire mignonne est celle d’une vendeuse de légumes aux Halles nommée Ciboulette, qui rêve d’amour et de gloire. Le noeud de l’action demeure sa rencontre avec Antonin de Mourmelon, jeune aristocrate à la naïveté touchante. Après une série de situations déjantées, ma non troppo, vient le lieto fine : Ciboulette devient cantatrice et se marie avec Antonin.
Le baryton grec Tassis Christoyannis est touchant mais aussi drôle dans le rôle du M. Duparquet. Sa prestation est délicieuse, son chant charmant. Il est ainsi comique et tenace lors de son duo au 3e acte avec Antonin et tendre dans celui du 2e avec Ciboulette, le célèbre “Nous avons fait un beau voyage“. Melody Louledjian est une Ciboulette pétillante. Excellent actrice, son jeu est plein d’esprit et de fraîcheur. Sa performance, savoureuse et drôle. Elle fait un bon couple avec l’Antonin de Julien Behr, d’une tendresse particulière lors du duo du 1er acte : “Les parents, quand on est bébé”. Julien Behr rempile dans le rôle d’Antonin : belle ligne de chant et solide jeu d’acteur, naïf et drôle. Nous constatons l’évolution vocale et scénique du jeune ténor, et c’est un bonheur. M. et Mme. Grenu sont interprétés par Jean-Claude Saragosse et Guillemette Laurens avec un humour plein de brio et une vivacité contagieuse. Leurs voix s’harmonisent parfaitement ; ils se distinguent entre autres par leur phrasé, par leur réactivité et charisme sur scène. La performance du choeur Accentus, très sollicité et dirigé par Christophe Grapperon, est progressive. Il est présent dans tous les actes et ses membres font une belle représentation des divers stéréotypes de la société. Le choeur finale en bis est un cadeau sympathique qui clôt la première.
Les décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay sont beaux et efficaces. Comme les costumes de David Belugou, inspirés de cette fin du 19 ème siècle insouciante et légère s’inscrivent parfaitement dans la fabuleuse mise en scène de Michel Fau. Une approche poétique et respectueuse de l’époque à laquelle Reynaldo Hahn fait hommage avec sa musique, mais non dépourvue d’une certaine insolence gaie tout à fait ravissante ! L’Orchestre de Chambre de Paris dirigé par Laurence Equilbey est superbe dès le début. Si nous aimons la transparence et le punch de la prestation, le prélude bucolique du IIe acte reste le sommet expressif de la performance. Les cordes toujours très présentes laissent les bois exprimer une paix champêtre mi-tendre, mi-nostalgique, brillamment accompagnés par les cors… Une reprise riche en bonheur à voir et revoir sans modération ! A l’Opéra-Comique, encore le 29 avril et les 3, 5 et 7 mai 2015.
Compte rendu, opéra. Paris, Opéra-Comique, le 27 avril 2015. Reynaldo Hahn : Ciboulette. Mélody Louledjian, Tassis Christoyannis, Julien Behr, Guillemette Laurens… Orchestre de Chambre de Paris. Laurence Equilbey, direction. Michel Fau, mise en scène.
Illustrations : © V.Pontet Opéra-Comique 2015