samedi 20 avril 2024

Compte rendu, opéra. Liège. Opéra Royal de Wallonie, le 30 décembre 2014. Giacomo Puccini : Tosca. Barbara Haveman, Marc Laho, Ruggero Raimondi. Paolo Arrivabeni, direction musicale. Claire Servais, mise en scène.

A lire aussi

Pour clore en beauté l’année 2014, l’Opéra Royal de Wallonie a offert aux liégeois un cadeau sans prix : les derniers feux du Scarpia de Ruggero Raimondi. Et en ce soir de dernière pour le légendaire baryton-basse italien, l’émotion était palpable devant ce qui était vraisemblablement son l’ultime incarnation du Baron. Le chanteur jette ainsi toutes ses forces dans la bataille, et on frémit de plaisir à son apparition, inquiétante et fantomatique, hantant littéralement le plateau. Avouons-le, nous venions avant tout voir le comédien se glisser une fois encore dans un rôle qu’il fait sien depuis bien longtemps, c’est le chanteur qui nous a pris par surprise, faisant tonner sa voix dès les premières notes, avec une puissance et un éclat que nous ne soupçonnions pas. Le temps a naturellement émoussé l’émail de l’instrument, le recouvrant d’un voile dans le médium, mais cette brume ne fait que rendre plus percutant encore l’aigu, véritable lame qui traverse la salle dès que la colère et l’autorité sont de mise. 

 

 

 

Raimondi souverain : celui devant qui tout Rome tremblait

 

En outre, on ne perd pas un mot des terribles paroles prononcées par le chef de la police, l’interprète prenant un plaisir gourmand à en distiller chaque syllabe, en grand diseur. Le personnage, arpentant lentement la scène en tournant autour de sa proie, se dresse ainsi dans toute sa noire grandeur, ce qui nous vaut un deuxième acte anthologique de désir à peine contenu et de cruauté amoureusement savourée. Un rare moment d’opéra, de ceux qui ne s’oublient pas, et qu’on est heureux d’avoir pu partager ce soir. Face à ce monstre sacré, les chanteurs paraissent galvanisés par l’aura d’un tel partenaire.

Tosca altière, noble et fière, Barbara Haveman, après un premier acte au vibrato incertain, offre le meilleur d’elle-même dans le deuxième, dardant des aigus puissants et un grave poitriné avec une rageuse ardeur, notamment lors du meurtre de Scarpia. Dans « Vissi d’arte », elle trouve de superbes piani, parenthèse d’une émouvante pudeur au milieu du drame qui se joue.

Pour son premier – et inattendu – Cavaradossi, Marc Laho surprend, se tirant avec les honneurs d’une écriture excédant pourtant ses moyens naturels. Le médium sonne ferme, l’aigu se déploie sans effort – malgré un manque de vaillance parfois –, et la diction demeure remarquable de limpidité. On attend maintenant avec impatience le ténor belge dans Nadir des Pêcheurs de perles, un rôle qui lui ira parfaitement.

Excellents également, les seconds rôles, de l’Angelotti franc et sonore de Roger Joakim au Sacristain impeccable de Laurent Kubla, sans oublier le Spoletta insidieux et percutant de Giovanni Iovino. Tout ce petit monde évolue avec évidence dans la mise en scène imaginée par Claire Servais, d’une simplicité toujours respectueuse du livret.

L’église, où la colombe du Saint-Esprit demeure comme un point de fuite, et le bureau de Scarpia, que domine un Christ en croix encadré par les lavis de Goya et leurs images de torture, illustrent parfaitement l’intrigue, laissant libre cours à l’expression des chanteurs. Seul le Château Saint-Ange déçoit par manque d’imagination, malgré un ciel rougeoyant du plus bel effet.

A la tête des forces de la maison wallonne, Paolo Arrivabeni tire, comme à son habitude, le meilleur du chœur et des musiciens, trouvant les tempi justes et ciselant en orfèvre l’harmonie tissée par Puccini, tout en sachant faire gronder son orchestre sans couvrir les voix. Une belle soirée, saluée par un public debout, à l’issue de laquelle on salue une fois encore la performance inoubliable de Ruggero Raimondi.

Liège. Opéra Royal de Wallonie, 30 décembre 2014. Giacomo Puccini : Tosca. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Victorien Sardou. Avec Floria Tosca : Barbara Haveman ; Mario Cavaradossi : Marc Laho ; Baron Scarpia : Ruggero Raimondi ; Cesare Angelotti : Roger Joakim ; Le Sacristain : Laurent Kubla ; Spoletta : Giovanni Iovino ; Sciarrone : Marc Tisson ; Le Geôlier : Pierre Gathier. Chœurs et Maîtrise de l’Opéra Royal de Wallonie ; Chef de chœur : Marcel Seminara. Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie. Direction musicale : Paolo Arrivabeni. Mise en scène : Claire Servais ; Décors : Carlo Centolavigna ; Costumes : Michel Fresnay ; Lumières : Olivier Wéry ; Assistant à la mise en scène : Rodrigue André

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img