Puccini : Madama Butterfly à l’Opéra de Tours, avec Anne-Sophie Duprels… C’est avec un enthousiasme mérité qu’a été accueillie – au Grand-Théâtre de Tours – cette magnifique production de Madama Butterfly, signée par Alain Garichot et créée in loco en 2001. Il faut ici saluer son remarquable travail, très « wilsonien », dans sa volonté d‘épure. L’opéra s’ouvre ainsi sur un plateau nu avec, pour tout décor, un praticable bas qui symbolise la maison de Cio-Cio San. Sur les côtés ou tombant des cintres, des cloisons translucides délimitent des espaces clos et permettent de très esthétisants jeux d’ombres : le sacrifice de l’héroïne, vu ainsi au travers d’une de ses cloisons de papier, tandis que l’enfant joue juste devant, est particulièrement réussi et poignant. Mais les lumières sont ici au moins aussi importantes que les décors et l’on retiendra donc la qualité du travail de Marc Delamézière, dont les éclairages fortement dramatiques sculptent littéralement l’espace.
Trop rare en France, la superbe soprano française Anne-Sophie Duprels investit le rôle de Butterfly de son tempérament de feu et de sa sensibilité passionnée. Sa voix se fait tour à tour porteuse de rêves, de nostalgie, de tourments, épousant les nuances de la partition. La chanteuse rappelle utilement que l’héroïne de Puccini n’a rien d’un papillon fragile ni d’un rossignol automate, mais requiert une tragédienne sachant doser ses effets.
(NDLR: Les tourangeaux ont pu déjà la découvrir dans La Voix Humaine précédemment produite ici même à Tours au cours de la saison dernière : voir notre reportage vidéo dédié à La Voix Humaine à l’Opéra de Tours, présentée alors en couplage avec L’heure espagnole de Ravel). La cantatrice est portée par la direction du maître des lieux, l’excellent Jean-Yves Ossonce (lequel vient d’annoncer son départ de l’institution tourangelle en 2016, après 16 ans de bons et loyaux services…) qui prend un plaisir contagieux à mettre en valeur une œuvre qu’il respecte visiblement.
Comme toujours sous sa direction, l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire Tours se montre sous son meilleur jour, c’est à dire admirable de précision et d’engagement.
On déchante par contre avec le Pinkerton d’Avi Klemberg qui n’a aucune des qualités requises par son personnage. La voix manque de puissance et de projection, l’émission est serrée et souvent brouillonne, l’acteur est falot ; bref, il livre une prestation vocale et scénique sans charme ni éclat. Jean-Sébastien Bou est en revanche un vrai luxe dans la partie de Sharpless, gratifiant l’auditoire de sa coutumière magnifique ligne de chant. Delphine Haidan possède également du répondant en Suzuki : elle allie profondeur d’approche à un portrait vocal attachant et précis. De son côté, Antoine Normand se montre suavement inquiétant dans le rôle de Goro, tandis que François Bazola demeure un solide Oncle Bonze. Enfin, Pascale Sicaud-Beauchesnais fait une élégante apparition en épouse américaine.
Compte-rendu, opéra. Grand-Théâtre de Tours, le 11 octobre 2015. Giacomo Puccini : Madama Butterfly. Anne-Sophie Duprels (Madama Butterfly), Avi Klemberg (Pinkerton), Suzuki (Delphine Haidan), Jean-Sébastien Bou (Sharpless), Antoine Normand (Goro), François Bazola (Oncle Bonze). Alain Garichot (mise en scène). Jean-Yves Ossonce (direction). Madama Butterfly à l’affiche de l’Opéra de Tours, encore le 13 octobre 2015.
Prochaine production à l’Opéra de Tours : La Belle Hélène d’Offenbach (Jean-Yves Ossonce, direction. Bernard Pisano : mise en scène et chorégraphie), du 26 au 31 décembre 2015.
Illustration : © François Berthon / Opéra de Tours 2015