jeudi 18 avril 2024

Compte-rendu, opéra. Dijon, le 15 nov 2018. VERDI : Nabucco. Rizzi Brignoli / Signeyrole.

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VERDI_442_Giuseppe_Verdi_portraitCompte rendu opéra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018.  Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Les ouvrages lyriques dont on sort abasourdi, voire bouleversé et réjoui, sont rares. Le Nabucco coproduit par les opéras de Lille et de Dijon est de ceux-là. La lecture très actuelle que nous impose la mise en scène de Marie-Eve Signeyrole, dans le droit fil du message politique de Verdi, est un soutien clair aux victimes contemporaines de l’oppression. La richesse d’invention en est constante, conjuguant tous les moyens pour atteindre la plus grande force dramatique. L’action qui se déroule sur le plateau, suffisante en elle-même, est démultipliée par la vidéo, et renforcée par des chorégraphies bienvenues. Les images, démesurées, simultanées, empruntées à une actualité féroce, ou simplement grossies des visages des chanteurs, les actualités en continu, avec interview, titres des chapitres et versets bibliques (cités en exergue dans la partition), se superposent au chant.

 

 

Nabucco viva !

 

 

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Le déferlement d’images et de sons amplifiés de bombardements, de cris, le bruit et la fureur ajoutés, stressants, voire terrorisants, s’impose, parfois au détriment de la musique. En effet, la pluralité des sources d’information nous interdit de suivre chacun des registres. Choix douloureux, qui laisse un goût amer dans la mesure où on a le sentiment de perdre une part du message, d’autant plus que cette profusion d’images phagocyte la musique autant qu’elle la renforce. Conscient de n’avoir pu en apprécier toutes les références, tant les renvois abondent dans cette mise en scène incroyablement riche, foisonnante et efficace, on a envie de revoir ce spectacle total, de l’approfondir tant sa richesse est singulière.

Un dispositif complexe, monumental, descendant des cintres autorise une continuité musicale et dramatique par des changements à vue. Costumes, décors et éclairages sont une réussite pleinement aboutie. Mais c’est encore la direction d’acteur, millimétrée et juste, qui force le plus l’admiration. Il n’est pas un mouvement, d’un soliste comme du plus humble des choristes,  qui ne soit porteur de sens.

Le chœur, rassemblant les chanteurs des opéras de Dijon et de Lille est omniprésent. Du grand chœur d’introduction au finale, on n’énumérera pas les numéros tant ils sont nombreux. Evidemment, le célèbre “Va pensiero”, chanté dans un tempo très retenu, avec une longueur de souffle et une progression étonnantes, est un moment fort, que chacun attend. Il faut souligner non seulement leurs qualités de cohésion, d’équilibre, d’articulation et de puissance, mais aussi leur présence dramatique, pleinement convaincante.

Quatre des solistes de la distribution lilloise, comme le chef,  continuent de servir l’ouvrage. Commençons donc par les « nouveaux ». Zaccaria est Sergey Artamonov, grand baryton, qui donne à son personnage toute l’autorité du prophète dans les premiers actes, pour redevenir un homme sensible et bon lorsqu’il accompagne Fenena au martyre. Les graves sont amples, le legato splendide : le Sarastro de Verdi. Malgré la similitude de la tessiture avec celle de Nabucco, la caractérisation vocale est idéale, qui permettrait de les distinguer à l’aveugle en ne comprenant pas le livret. Sa prière, avant le chœur des Lévites, puis la prophétie, héroïque, sont deux moments forts. Valentin Dytiuk chante Ismaele, l’amant de Fenena. C’est un beau ténor dont on apprécie particulièrement le trio du premier acte. Florian Cafiero, autre ténor, Abdallo, n’intervient ponctuellement qu’aux deux derniers actes, Anna est la sœur du prophète, Anne-Cécile Laurent lui prête son timbre pur et clair. Tous ces seconds rôles sont crédibles et confiés à de solides voix, en adéquation avec les personnages.

 
 

 
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Evidemment, le rôle-titre retient toutes les attentions. Il exige des moyens superlatifs et une expression dramatique juste, de la puissance impérieuse du despote aux affres du père bafoué, en passant par la folie. Nikoloz Lagvilava a toutes les qualités requises et campe un émouvant Nabucco. La voix est sonore, projetée, aux aigus clairs comme aux graves profonds. Chacune de ses interventions est un moment fort. Il en va de même de l’Abigaïlle que vit la grande Mary Elizabeth Williams. Phénomène vocal autant qu’immense tragédienne, c’est un bonheur constant, car sa technique éblouissante lui permet de se jouer de toutes les difficultés de son chant orné, mais aussi de construire un personnage ambivalent, fascinant. La Fenena de Victoria Yarovaya, seule mezzo de la distribution, aux graves soutenus avec des aigus aisés, donne toute la douceur requise à la cavatine comme la violence passionnée, attendue. La digne fille de son père. Enfin, rôle mineur, le Grand prêtre de Baal est chanté par une basse impressionnante, Alessandro Guerzoni. Les nombreux ensembles qu’écrit Verdi sont remarquablement servis : le deuxième acte s’achève par un final d’anthologie.

L’Orchestre Dijon Bourgogne, que dirigeait déjà  Robert Rizzi Brignoli pour un extraordinaire Boccanegra, donne toute sa mesure sous la direction de ce grand verdien. Dès l’ouverture – un peu occultée par la belle chorégraphie simultanée – on sait qu’un grand Verdi sera là. Puissant, tonitruant comme subtil, élégiaque, il donne le meilleur de lui-même.

Le public, malgré la transposition et la richesse de la mise en scène, fait un triomphe aux interprètes. Que demander de plus ?

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Compte rendu opéra. Dijon,  Auditorium, le 15 novembre 2018. Verdi, Nabucco. Roberto Rizzi Brignoli / Marie-Eve Signeyrole. Nikoloz Lagvilava, Mary Elizabeth Williams, Sergey Artamonov, Victoria Yarovaya. Crédit photographique © Gilles Abbeg – Opéra de Dijon /  Nabucco – Opéra de Lille © Frédéric Iovino.

 

 
 

 

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