Bien qu’indiquée comme nouvelle production, ce Don Pasquale au Liceu de Barcelone – signée par le célèbre metteur en scène Laurent Pelly (dont on se souvient in loco d’une Fille du régiment et d’une Cendrillon plutôt réussies) – est la reprise d’un spectacle qui a vu le jour l’été passé au Festival de Santa Fe. En situant l’intrigue dans les années cinquante, Pelly vise à souligner les analogies entre le cinéma italien de cette période-là et le chef d’œuvre comique de Donizetti, qui, par certains aspects, pourrait être considéré comme une comédie à la Monicelli ou à la Risi avant la lettre. L’homme de théâtre français signe un spectacle très agréable et amusant en tout cas, avec quelques trouvailles hilarantes, comme le renversement – au sens propre – de la maison de Don Pasquale, au III, après que Norina ait décidé de transformer la triste demeure du vieillard en un endroit coquet et coloré.
Soprano et ténor en verve à Barcelone
2 voix à suivre : Pretty Yende et Juan Francisco Gatell
C’est la soprano sud africaine Pretty Yende qui interprète le rôle de la jeune délurée. Elle a tout pour séduire, à commencer par un tempérament dramatique et un abattage qui auraient dû mettre Don Pasquale sur ses gardes, quant à la prétendue « naïveté » de la jeune fille ! Bref, la chanteuse entraîne tout le monde dans le tourbillon de sa vitalité. Sur le plan vocal, les moyens sont incontestables, avec un aigu d’une grande facilité, soutenus par une technique impeccable.
Dans le rôle-titre, la basse bouffe italienne Roberto de Candia confirme sa totale maîtrise d’un emploi qu’il ne tire jamais vers la caricature ni les effets faciles. Sa voix saine nous change de tant de Pasquale aux moyens usés, l’interprète s’avérant plus touchant que grotesque, avec une articulation et une projection de la langue de Dante exemplaires. A saluer également la performance du baryton polonais Mariusz Kwiecien qui s’impose d’entrée, dans le rôle de Malatesta, avec un magnifique « Bella siccome un angelo ». La voix est bien conduite, le chanteur généreux, et la présence scénique incontestable.
Mais la véritable surprise est venue de du ténor argentin Juan Francisco Gatell qui, malgré son jeune âge, campe un Ernesto d’une sensibilité et d’un raffinement dans le phrasé dignes d’admiration. Son art de la nuance fait notamment merveille dans le fameux « Com’è gentil », d’abord susurré, puis couronné in fine par un aigu éclatant. Une mention également pour les chœurs maisons, auxquels le public réserve une ovation après leur « valzer » du troisième acte.
Sous la baguette du jeune chef brésilien Diego Matheuz – nommé récemment directeur musical de La Fenice de Venise -, l’Orchestre du Gran Teatre del Liceu répond avec beaucoup de concentration au moindre de ses gestes, pour obtenir une exécution plus qu’honorable. On apprécie surtout les qualités de maestro concertatore de Matheuz qui dirige avec finesse, richesse de coloris et variété dans la dynamique, sans jamais sacrifier les voix, ni le nécessaire équilibre entre fosse et plateau. Lui fait peut-être défaut ce zeste de flexibilité dans le rythme, obtenu par un savant dosage de rubato et de rallentando, que Don Pasquale réclame, plus que tout autre opéra de
Donizetti.
Compte-rendu.Opéra. Barcelone ; Gran Teatre del Liceu, le 27 juin 2015. Gaetano Donizetti : Don Pasquale. Roberto de Candia (Don Pasquale), Pretty Yende (Norina), Juan Francisco Gatell (Ernesto), Mariusz Kwiecien (Malatesta). Laurent Pelly, mise en scène. Diego Matheuz, direction.