samedi 20 avril 2024

Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Karine Deshayes, Bataclan…

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Compte rendu, festivals 2016. Montpellier, festival Radio France. Les 11 et 12 juillet 2016. Terre de fantasmes multiples le grand Sud à Montpellier déploie sa formidable lyre allusive. Notre correspondant et envoyé spécial Pedro Octavio Diaz était présent pour plusieurs événements artistiques mémorables, les 11 et 12 juillet derniers. Compte rendu et bilan de l’édition montpeliérenne du Festival Radio France décentralisé, hors de la Maison ronde parisienne… Compte rendu en 3 étapes, 3 programmes diversement évalués… sous le filtre impertinent, critique de notre rédacteur globe trotter.

FESTIVAL RADIO-FRANCE MONTPELLIER – OCCITANIE. Du 11 au 26 JUILLET 2016. LES VOI(X)ES DE L’ORIENT. Le Sud est dans l’imaginaire de bien de cultures, synonyme d’un indénombrable fantasme. A la fois redoutable et émerveillant, le Sud tout comme l’Orient, sont des épigones de la fascination. Le voyage vers le Méridion de la France et enivrant. Dès que le train file parmi les champs verts d’Ile de France, passant dans le feuillage enchâssé des forêts Bourguignonnes ou les collines mordorées du Lyonnais, on aperçoit déjà une toute autre lumière. La coupe du soleil se renverse totalement sur les garrigues quasi-désertiques du Vaucluse, et les méandres turquoises du Rhône, juste avant de tourner vers Nîmes et arriver au coeur de la ville de pierre blanche et palmiers qu’est Montpellier.

L’histoire a gâté Montpellier, des étudiants de médecine du Moyen-Âge à la cité ultra-dynamique de l’ère digitale, la ville des étangs est devenue un centre culturel névralgique et musical en particulier. Après 31 années de passion, le Festival Radio France à Montpellier s’engage encore une fois dans la redécouverte et la diffusion des talents prometteurs. Cette édition, Jean-Pierre Rousseau et son équipe ont pris les routes de l’Orient pour des voyages surprenants avec des escales dans toutes les nuances du spectre musical.

 

 

 

étape 1 : LUNDI 11 JUILLET 21h, OPERA BERLIOZ – LE CORUM
LES MILLE ET UNE NUITS

KARINE DESHAYES, mezzo-soprano
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Michael Schønwandt, direction
Lambert Wilson – récitant

MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade –  Asie
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, La mer et le vaisseau de Sinbad
Le récit du prince Kalender
CARL NIELSEN 1865-1931
Aladin, Le rêve d’Aladin
Danse de la brume matinale
La Flûte d’Aladin
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, La flûte enchantée
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, Le jeune prince et la jeune princesse
CARL NIELSEN  1865-1931
Aladin, La place du marché à Ispahan
MAURICE RAVEL  1875-1937
Shéhérazade, L’Indifférent
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV  1844-1908
Shéhérazade, Fête à Bagdad – La mer – Le Vaisseau se brise sur un rocher

 

 

L’Ouverture du livre d’images

Comme dans une estampe, les couleurs d’été envahissent les places et esplanades de Montpellier. Parmi les feuilles et les fontaines, la fraîcheur se faufile doucement. On se plairait à ressentir la brise de la toute proche Méditerrannée et qui gonfla jadis les voiles des navires qui partaient pour cet Orient aux cieux parfumés d’encens et étoilés tels des voiles de soie.

Ce soir, les pages de la merveille littéraire des Mille et Une Nuits allait prendre place pour introduire le 31ème Festival. Un incipit qui incite à redécouvrir les contes enchanteurs de la belle Shéhérazade et les aventures inachevées de ses personnages.

La musique a souvent fait appel à ces fables persanes pour s’essayer à l’évocation de l’Orient. Tant par la force de la parole, comme Ravel et les poésies de Klingsor et les rêveries enivrantes de Rimski-Korsakov, la sensualité des Mille et Une Nuits en musique portent le trésor de l’exotisme et de la beauté. Ajoutant tant du mérite que de la magie à ce programme, la redécouverte en France des pages de l’Aladdin de Carl Nielsen sont une surprise de taille. Le génie Danois ne pouvait pas être écarté d’une si belle évocation.

En effet, ce programme est composé avec adresse, nous offrant à la fois des pièces et musiques qui nous sont familières, mais aussi une découverte qui, sans doute, passionnera les mélomanes pour Nielsen, un des grands compositeurs Danois. Pour certains, il est connu par son opéra Maskerade ou ses symphonies. Cependant son Aladdin prouve être un réel chef d’oeuvre de la musique narrative et allégorique. Nous recommandons notamment au lecteur le mouvement « La place du marché à Ispahan », avec ses quatre orchestres spatialisés, on se croirait au coeur des souks et des ruelles d’une médina.

Karine Deshayes, cantatesPour ce concert, le voile s’est ouvert avec Karine Deshayes, au timbre riche de nuances et des contrastes essentiels à Ravel. Malgré un manque de prosodie manifeste, nous sommes embarqués dans les récits enivrants de Shéhérazade et des volutes de la musique de Maurice Ravel. Soliste à son tour aussi, Lambert Wilson nous offre une voie ponctuée de poésie. Avec une déclamation enchanteresse et limpide, il dépeint avec finesse une introduction allusive à ce rêve. Ses interventions nous rappellent à la genèse littéraire de ces nuits où l’on survit par la passion du récit et la soif de l’aventure.

Saluons vivement l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon et bien évidemment ses chefs de pupitre. On y découvre des phalanges aux mille et une couleurs. Dans Rimski-Korsakov et Nielsen il est évident que nous sommes face à un orchestre manifestement au sommet. Le parcours de l’ONMLR, chaotique à cause de la crise récente, a survécu tel le phénix aux promesses des récifs. Tel le navire de Sinbad il franchit les mers et nous mène vers une multitude de découvertes que nous souhaitons partager encore et encore. Nous remarquons notamment la sublime prestation de Dorota Anderszewska, premier violon super soliste de l’Orchestre, elle incarne la voix de Shéhérazade avec clarté et sensualité. Grâce à ces formidables musiciens on a plaisir à parcourir les belles pages de ce livre d’images que le programme nous propose. Espérons retrouver bientôt cet orchestre au pinacle dans les plus grandes pages du répertoire et aussi dans des redécouvertes.

A sa tête, le chef Danois Michael Schønwandt fait un travail fascinant d’orfèvre, notamment chez Nielsen. On y retrouve des sonorités inattendues, et dans les pages de Rimski-Korsakov, il nous dévoile des surprises bien cachées avec des tempi enthousiasmants.  A la fin, nous avons la joie de redécouvrir en Bis, la « Grande Marche Orientale » de l’Aladdin de Nielsen, un salut musical qui promet des nouvelles surprises pour la suite du festival. En rentrant, au loin, perce d’une façade la lueur d’un abat-jour, serais-ce une moderne Shéhérazade qui se plaît à la rêverie ou à l’évocation?

 

 

 

étape 2 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 18h, SALLE PASTEUR – LE CORUM

Jacques Offenbach
BA-TA-CLAN

Fé-an-nich-ton – Stéphanie Varnerin – soprano
Fé-ni-han – Rémy Mathieu – ténor
Ké-ki-ka-ko – Enguerrand de Hys – ténor
Ko-ko-ri-ko – Jean-Gabriel Saint-Martin – baryton

Agnès Pagès-Boisset – piano
Jean-Christophe Keck – direction

 

 

Le voyage se poursuit, après avoir passé par les encens de Bagdad, place à la chinoiserie rêvée des Boulevards parisiens.

KECK jean christophe keck operas offenbach les contes d hoffmann opera classiquenews 3_Offenbach_enchanteur_Jean-Christophe_KeckOn se plairait à parler des concordances onomastiques sur le titre de l’oeuvre redécouvertes ce 12 juillet à Montpellier, mais que l’on nous excuse de passer sous silence toute corrélation. Ce n’est pas par les effusions que l’on rend hommage aux trépassés, mais par le silence du recueillement.  Saluons l’enthousiasme et la vitalité du Festival Radio-France de Montpellier qui retrouve pour son public les trésors du passé et les rend à des nouvelles lumières. Aussi nous aimons à voir jaillir, grâce à la vision du Festival, des nouveaux talents.

Pour les retrouvailles de Ba-ta-clan, c’est une belle équipe qui s’offre à nous, afin de donner une nouvelle vie à ce petit opéra comique d’Offenbach, son premier grand succès. Ba-ta-clan a tout de la fantastique imagination du génie comique du Second Empire. La musique est pétillante et le crescendo de l’intrigue nous mène tout droit vers un des dénouements les plus comiques de sa production. En effet, tous « les chinois » de cette partition s’avèrent être des Français déguisés.  De quoi alimenter la satyre politico-sociale pour une époque qui savait bien l’autodérision.

Finalement, comme dans l’intrigue, tous les chanteurs « chinois » sont bel et bien Français. Et c’est la fine fleur du chant Français qui nous offre une interprétation désopilante et sensible au style. Incarnant le seul rôle féminin, Stéphanie Varnerin nous réjouit par une voix claire, généreuse, agile. Tout autant, le ténor Enguerrand de Hys, campe un Ké-ki-ka-ko, désopilant de la première à la dernière note. Ce jeune ténor, révélation de l’ADAMI, se révèle être un acteur complet et; il nous ravit lors du Ba-ta-clan final par une allégorie de trompette très réussie. De même son interprétation ne démérite pas dans la richesse de son timbre qui est tour à tour cristallin et velouté, un bel équilibre. Avec un accent de Brive-la-Gaillarde voulu par son personnage, le ténor Rémy Mathieu nous propose un Fé-ni-han aux couleurs multiples qui ajoutent une magie spéciale à son personnage de souverain incompétent. Portant sur son visage le masque du terrible général Ko-ko-ri-ko, Jean-Gabriel Saint-Martin est parfait et notamment dans le duo franco-italien avec Fé-ni-han. Le talent incontestable de cette joyeuse troupe nous fait constater encore une fois, que le chant Français a une relève certaine et qui nous ouvre des voies nouvelles dans l’interprétation. Avec un égal talent, nous sommes admiratifs par la formidable prestation de Anne Pagès-Boisset,qui interprète au piano la partition d’orchestre d’Offenbach sans perdre ni l’énergie, ni le rythme ni l’esprit.

A la tête de cette joyeuse troupe, le grand passionné d’Offenbach Jean-Christophe Keck nous propose un Ba-ta-clan rafraîchi, incandescent, empli de joyaux inoubliables qui demeurent dans la tête bien après la fin de l’opéra comique.

Dans l’attente de la reconnaissance d’Offenbach comme l’un des grands génies lyriques de la musique Française, continuons à le redécouvrir avec Jean-Christophe Keck. ambassadeur engagés, passionnant.

 

 

 

étape 3 : MARDI 12 JUILLET 2016 – 20h30
LA SYMPHONIE FANTASTIQUE 

MAURICE RAVEL 1875-1937
Concerto pour piano en sol Majeur 

HECTOR BERLIOZ 1803-1869
Symphonie fantastique opus 14
Épisode de la vie d’un artiste en cinq parties
Rêveries – Passions
Un Bal
Scène aux champs
Marche au supplice
Songe d’une nuit de sabbat

Lucas Debargue, piano
Orchestre National du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev direction, remplacé par Andris Poga

 

 

Les détours 

Un festival est l’occasion de rencontres et de découvertes. La thématique d’un festival est aussi ce que serait une boussole pour l’explorateur dans une jungle infranchissable. Le Festival Radio-France de Montpellier s’est toujours démarqué par le respect de sa thématique et de ses déclinaisons en propositions à l’imagination passionnante. C’est pourquoi l’on s’étonne du programme du concert du soir du 12 juillet. S’il est vrai que faire une entorse au parcours thématique est souvent nécessaire pour faire une respiration dans la suite des programmes, un tel détour était-il pertinent?

Dans la nouvelle configuration régionale, Toulouse et Montpellier sont les deux piliers et aussi les deux rivales culturelles du grand sud-ouest de la France. Le Capitole et l’Opéra Comédie se font face mais sont tout aussi riches par les moyens et la programmation. Convier au grand Festival de Montpellier l’Orchestre du Capitole scelle la volonté d’intégration culturelle de la nouvelle Occitanie.berlioz-hector-dessin-michael-leonard-1980De même, ce concert offre l’occasion à Montpellier d’accueillir la première interprétation du Concerto en sol de Ravel au jeune Lucas Debargue. Ce pianiste a suscité une véritable passion auprès des mélomanes depuis son triomphe au concours Tchaikovsky. Depuis, on constate que son agenda doit se remplir avec un ressac incessant de sollicitations. Il est vrai que son Concerto en sol a été techniquement irréprochable. En admettant que la musique est un art plus qu’une exactitude scientifique, alors la muse Erato devait vaquer ailleurs. Malgré des gestes à l’enthousiasme étudié qui ont davantage pollué l’interprétation qu’ajouté un réel raffinement, nous remarquons que Monsieur Debargue semble plutôt vouloir gesticuler comme une « célébrité » du piano que partager une émotion. Tel est, hélas, souvent le lot de la perfection technique, la beauté froide, l’univers impénétrable mais un défaut de partage, de générosité…. osons dire : de simplicité musicale ?

Après les applaudissements, « pour les fauteuils au fond de la salle », M. Debargue nous propose un Menuet sur le nom d’Haydn en « bis ». Cette sublime pièce de Ravel devient ainsi une sorte de prétexte aux ovations.

En deuxième partie, l’Orchestre du Capitole nous propose une Symphonie Fantastique aux accents de déjà vu. Le réchauffé, heureusement comporte des saveurs intéressantes grâce à la direction incandescente et précise d’Andris Poga. Finalement, l’indisposition du maestro Sokhiev, nous fait découvrir un chef à l’esprit narratif perçant et aux multiples facettes de coloriste. Que ce soit dans Ravel ou dans Berlioz, Andris Poga se fond dans la musique et offre au Capitole une belle occasion de nous surprendre.

Ce détour des routes de l’Orient semble un peu surprenant et finalement décevant. Malgré tout, nous poursuivons la route des Orientales promesses en quittant Toulouse et ses briques roses sans regret.

31ème fête de Radio France dans cette cité de pierre blanche et de soleil, la leçon de l’Orient nous réjouit. On se plait à ouvrir mentalement le coffret de santal des musiques inconnues murmurées par les sables et les dunes. Ou bien en imaginant des fables sous les arpèges des musiques insoupçonnées.
Et le train qui prend le cap vers les plaines de l’Île de France traverse encore et toujours un pays qui a toujours rêvé des contrées où le soleil ne se couche pas.

 

 

 

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