vendredi 19 avril 2024

COMPTE-RENDU, CRITIQUE, opéra. TOURCOING, le 7 fév 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Duffau, Tilquin, Boucher, …Olivier, Schiaretti.

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titus-clemence-tourcoing-duffau-tilquin-boucher-mozart-critique-opera-trio-classiquenews-compte-rendu-critiqueCOMPTE-RENDU, CRITIQUE, opéra. TOURCOING, le 7 fév 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Duffau, Tilquin, Boucher, …Olivier, Schiaretti. Tourcoing, fabrique lyrique unique. Presque un après la disparition de son fondateur Jean-Claude Malgoire (le 14 avril 2018), L’Atelier Lyrique poursuit très haut cette exigence salvatrice et magicienne qui réalise l’équation ténue du chant, de la musique, et du théâtre. Détenteur d’un secret fédérateur, Jean-Claude Malgoire comme nul autre, savait choisir les œuvres, les interprètes, surtout ses complices à la mise en scène : une intelligence globalisante unique qui a permis et permet encore aujourd’hui, de proposer des lectures toujours justes et fines des oeuvres du répertoire ou moins connues. Une vision et une façon de travailler qui font désormais la réputation de la ville de Tourcoing.

C’est assurément le cas de cette nouvelle production du dernier seria de Wolfgang, La Clémence de Titus (créée à Prague en septembre 1791). Inspiré de Racine (moins du sujet que de sa vision intimiste et psychologique) et d’abord du livret de Métastase, la partition témoigne du dernier Mozart, lequel avec son librettiste Mazzola, tout en répondant à une commande de circonstance (pour le couronnement de l’Empereur Leopold II), propose sa version du genre seria : épurée, franche, directe. En deux parties, l’action ne faiblit pas et musicalement produit des enchaînements fabuleux qui renforcent ce flux orchestral inédit, d’un souffle expressif nouveau – déjà développé dans son seria antérieur Idomeneo (n’écoutez que la succesion des airs finaux du I, depuis le fameux « Parto » de Sesto, au trio puis à l’incendie de Rome et au chœur funèbre qui pleure la mort supposée de l’Empereur….). Tout cela est d’un sang neuf, visionnaire même.

 
 
 

A Tourcoing, poursuite d’une excellence lyrique
TITUS ou l’opéra du cœur

 

 

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Ici, un vrai travail d’équipe éclaire dans l’opéra politique de Mozart, sa force émotionnelle qui distingue les personnalités clés de Titus et Vitellia… Le chef Emmanuel Olivier qui a travaillé avec Jean-Claude Malgoire, prolonge l’esprit de troupe et cette implication collective qui continue de distinguer Tourcoing des autres foyers de création lyrique. La direction est vive, imaginative, au diapason d’une partition affûtée dont il sait souligner la force dramatique (malgré les idées fausses distillées contre elle). Le brio et la sensualité sombre des airs avec la clarinette d’amour (ou clarinette de basset), pour l’air précité de Sesto : « Parto » au I ; ou avec le cor de basset pour l’air capital de Vitellia « Non più di fiori »), l’acuité des timbres instrumentaux, l’allant des cordes (dès l’ouverture), et chaque final (avec chœur) … au dessin à la fois claire et puisant, accréditent une direction que n’aurait pas renié Malgoire lui-même.
D’autant que Titus était son opéra préféré. On peut déduire que le choix du maestro défunt quant au metteur en scène, était lui aussi capital. La présence de Christian Schiaretti est évidente ; les deux hommes ont travaillé à Tourcoing pour 12 productions, dont un somptueux Pelléas créé en 2015, repris à Tourcoing en 2018 ; cette Clémence aurait du être leur 13è. S’y cristallise le vœu esthétique de Malgoire : la fusion parfaite du théâtre et de la musique ; l’un et l’autre ne tirant jamais la couverture à soi, surtout pas au détriment de l’autre. De sorte que sur scène, se déploie une action lyrique produite comme une pièce de théâtre (économie et lisibilité discrète des décors / peut-être davantage de lumière parfois aurait été profitable, en particulier pour éclairer le relief mordant et essentiel ici des récitatifs, parmi les mieux écrits des opéras mozartiens ; qu’ils aient été pour partie écrits par son élève Süsmayer…). Qu’importe l’œil du compositeur a veillé à la cohérence dramatique, à la force de l’architecture globale, à la violence des passions qui s’affrontent, révélant comme toujours chez Mozart, la vérité des âmes, et la sincérité des cœurs.
Conçue comme un théâtre simplifié, presque symbolique (Le serment des Horaces de David n’est pas loin), la scène lyrique prend souvent des airs de bas-relief antique dont le diamant synthétique du texte, l’intensité émotionnelle des airs accrochent l’écoute par leur justesse et leur vérité.

 

 

 

 

 

LES CHANTEURS… Piliers de la distribution, trois voix se distinguent nettement. La vaillance du ténor Jérémy Duffau dans le rôle-titre fait mouche. On lui reprocherait certaines notes mal négociées ou des aigus parfois tendus… n’empêche, la franchise de l’émission et l’intonation globale crédibilisent son incarnation, une réalisation solide d’un empereur tiraillé entre devoir et affection (pour Sesto, voire davantage), en proie à l’inflexibilité mais au final, porté par cet idéal des Lumières qui en fait un Prince vertueux et… clément. S’il sait pardonner à ceux qui ont intrigué pour sa mort, Sesto et Vitellia, Titus sait aussi les tenir fermement, les obligeant à un vœu de loyauté s’ils veulent désormais conserver la vie. Cette tension politique est bien présente, idéalement incarnée par la posture du ténor.

 

 

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 Marc Boucher (Publius)

 

 

Double discret et permanent, à la silhouette d’acteur très aboutie, à la fois souple et investie, le Publio du baryton Marc Boucher soigne les nuances de son personnage dont il fait le garant coûte que coûte de l’autorité impériale. En lui s’affirme malgré les avatars et péripéties de l’action, une conscience politique et morale imperturbable, de surcroît dotée surtout d’une clairvoyance exceptionnelle : c’est lui qui révèle au détour d’une tirade (II) que la relation entre Titus et Sesto serait de nature amoureuse… Le chanteur, ailleurs très fin diseur (il poursuit l’enregistrement de mélodies françaises, travail à long terme et d’un apport majeur, hier dédié à Fauré, prochainement à Massenet). La couleur du timbre est superbe (il fut cet été à Québec un Golaud embrasé) et par son seul air (au II décidément), le baryton canadien, ciselant le métal argenté de ses récitatifs, apporte une épaisseur remarquable au rôle qui assoit aussi harmoniquement les ensembles auxquels il participe.

 
 

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Marc Boucher (Publio) et Jérémy Duffau (Titus)

  

 

Enfin, torche vivante et palpitante qui fait de Titus un opéra du cœur avant d’être un manifeste politique, la soprano suisse Clémence Tilquin illumine les planches par l’intelligence captivante de sa Vitellia : aussi haineuse, infecte, manipulatrice au I (envoûtant Sesto jusqu’à en faire l’assassin de l’Empereur), que ravagée par la culpabilité de son intrigue criminelle au II, – hyène détruite, véritablement terrassée par une triple prise de conscience : celle du meurtre qu’elle a piloté (contre Titus), celle de la trahison à Sesto (exploitant l’amour de ce dernier dont elle n’avait pas su mesurer jusque là  la puissance ni la sincérité), enfin celle de sa propre lâcheté qui lui inspirent alors dans son air essentiel « Non più di fiori », le sentiment de sa mort. Il est vrai que le jeu tout en simplicité et profondeur onirique du clarinettiste Lorenzo Coppola (jouant alors du cor de basset à l’exotisme lugubre et glaçant) renforce l’impact ahurissant de cet air qui bien qu’il ait été recyclé dans l’opéra, fonctionne à merveille, faisant de Vitellia, le personnage clé de la partition par cette sublime métamorphose (l’intrigante est saisie par une humanité inconnue qui la dépasse soudainement). Une passionnante prise de rôle qui confirme les vertus dramatiques et vocales de la jeune soprano, déjà remarquée par CLASSIQUENEWS pour son interprétation du rôle de Colombe dans Ascanio de Saint-Saëns, opéra révélé en 2018 par le chef Guillaume Tourniaire (CLIC de classiquenews d’octobre 2018).

 

 

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Amaya Dominguez (Sesto) et Clémence Tilquin (Vitellia)

  

 

Théâtrale et intimiste, d’une épure et lisibilité affûtée, bien dans l’esprit de l’écriture mozartienne, cette nouvelle production de La Clémence de Titus prolonge la leçon de Jean-Claude Malgoire. La continuité est donc assurée à Tourcoing. Une « aventure » qui se poursuit et comptera un nouveau volet passionnant du 17 au 21 mai prochains avec la burletta d’une ineffable finesse, L’Occasione fa il ladro de Rossini, autre production choisie par Jean-Claude Malgoire, et dirigée également par Emmanuel Olivier (avec les mêmes Jérémy Duffau et Clémence Tilquin)… A suivre.

  

  
  
 

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COMPTE-RENDU, CRITIQUE, opéra. TOURCOING, le 7 fév 2019. MOZART : La Clémence de Titus. Duffau, Tilquin, Boucher, …Olivier, Schiaretti.

Wolfgang Amadeus Mozart : La Clémence de Titus (1791)
Opéra en deux actes – Livret de Caterino Mazzola d’après Pietro Metastasio

Tito: Jérémy Duffau, ténor
Vitellia: Clémence  Tilquin, soprano
Sesto: Amaya Dominguez, mezzo-soprano
Annio: Ambroisine Bré, soprano
Servilia: Juliette Raffin Gay, soprano
Publio: Marc Boucher, baryton-basse

Chœur de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Direction musicale : Emmanuel Olivier
Mise en scène : Christian Schiaretti

 

 

 

 

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Approfondir
LIRE nos dossiers dédiés au dernier seria de Mozart La Clémence de Titus de Mozart
https://www.classiquenews.com/tag/la-clemence-de-titus/

 

 

VOIR notre reportage vidéo de la production de Pelléas et Mélisande par le duo Schiaretti et Malgoire, créée en 2015, reprise à Tourcoing en mars 2018 pour le centenaire Debussy

 

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