vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu, critique, opéra. MONTPELLIER, le 18 juillet 2018. DESTOUCHES, Issé, Les Surprises, L-N Bestion de Camboulas.

A lire aussi
Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

Compte-rendu, critique, opéra. MONTPELLIER, le 18 juillet 2018. André-Cardinal DESTOUCHES, Issé, Ensemble Les Surprises, Louis-Noël Bestion de Camboulas. L’un des opéras préférés de Louis XIV revit enfin à l’occasion du Festival de Radio-France qui renoue avec la tradition des raretés lyriques. Un casting inégal face à une phalange solide laisse transparaître les multiples beautés de cette partition qui aurait gagné à être redonné dans une version scénique.

Destouches : ce célèbre inconnu

DESTOUCHES 1837_1_3Dubuisson_NericaultCréé à Fontainebleau en 1697, la même année que l’Europe galante de Campra, le premier opus d’un jeune compositeur de vingt-cinq ans va se révéler l’une des partitions les plus jouées durant un siècle, jusqu’en 1797, avant de tomber dans un oubli pluriséculaire. On aura l’occasion de le réécouter confidentiellement en 2008 à Bourg-en-Bresse et en 2017 en version scénique à Lunéville. L’intégrale proposée par l’ensemble Les Surprises reprend la version en un prologue et cinq actes de 1724, plus conforme aux canons de l’opéra français. L’intrigue, assez mince, conte les amours secrètes entre la nymphe Issé et le dieu Apollon, promise à la nymphe par l’oracle, mais qui apparaît sous les traits du berger Philémon. On pouvait craindre l’ennui de voir un fil narratif si ténu s’étirer pendant cinq actes et il faut avouer que les deux premiers actes ne distillent guère de roboratives péripéties.
La musique y est cependant foisonnante et les effets tout aussi nombreux (l’air des Nymphes ou le chœur final du premier) ; mais l’intérêt à la fois dramatique et musical s’accroît au 3e acte : « Sombres déserts » d’Hilas dans la scène liminaire dans la plus pure tradition pathétique de la tragédie lyrique, les interventions dramatiques de la Dryade ou encore celles, superbes, du grand prêtre (« Ministres révérés de ces lieux solitaires »), tandis que le 4e acte nous vaut une magnifique scène de sommeil introduite par quatre flûtes et agrémentés de chœurs magnifiques. Les danses ne sont pas en reste (en particulier à l’acte III) qui culminent dans la superbe chaconne finale.

La distribution réunit la fine fleur du chant baroque français, même elle ne nous a pas convaincu totalement. Dans le rôle-titre, Eugénie Lefevbre, que nous avions entendu le mois dernier à Potsdam dans l’Europe galante, réussit à gommer les défauts véniels d’un chant un peu poussif et incarne une superbe Issé, en particulier dans ses séduisants monologues (« Heureuse paix, tranquille indifférence » du I, « Funeste amour, ô tendresse inhumaine » du IV) ; Chantal Santon (Doris), malgré une projection très sonore, donne toujours l’impression d’une émission désordonnée, défaut qui transparaît davantage encore chez la haute-contre Martial Pauliat, au timbre aigre et instable, le seul gros point noir de cette distribution.
Les barytons s’en sortent mieux, le Pan de Matthieu Lécroart est réjouissant, bien que manquant parfois de précision, tandis que l’Hilas d’Étienne Bazola gagne en musicalité ce qu’il perd en vaillance. Parmi les rôles secondaires, si le tendre Berger de Stephen Colardelle pèche par un timbre peu amène et un charisme morne, le grand prêtre de David Witczak est un modèle de chant noble à la diction remarquable, qualités que l’on retrouve également chez la Dryade de Cécile Achille.
Si les chœurs et l’orchestre n’ont pas la puissance des effectifs requis par l’académie royale de musique, l’engagement des musiciens est sans faille, avec en particulier de remarquables solistes (mention spéciale aux percussions stimulantes de Joël Grare). Il faudra pour finir guetter les reprises de l’œuvre, notamment à Pontoise la saison prochaine, avec une distribution remaniée, pour apprécier davantage encore les nombreuses beautés de la partition.

_________________________________________________________________________________________________

Compte-rendu. Montpellier, Festival de Radio-France, Opéra Comédie, André-Cardinal Destouches, Issé, 18 juillet 2018. Prologue : Chantal Santon (La première Hespéride), Eugénie Lefebvre (Une première Hespéride), Martial Pauliat (Apollon sous les traits du berger Philémon), Étienne Bazola (Hercule), Matthieu Lécroart (Jupiter), solistes dans l’opéra : Eugénie Lefebvre (Issé), Chantal Santon (Doris), Martial Pauliat (Apollon sous les traits du berger Philémon), Matthieu Lécroart (Pan), Stephen Collardelle (Un Berger, le Sommeil), Cécile Achille (Une Dryade), David Witczak (Le Grand Prêtre), Chœur : Cécile Achille, Amandine Trenc (Sopranos), Stephen Collardelle (Haute-contre), Martin Candela (taille), David Witczak (basse), Marcio Soares Holanda (haute-contre), Ensemble Les Surprises, Louis-Noël Bestion de Camboulas (direction).

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img